Crise sanitaire et crise ukrainienne  : vers un nouveau paradigme d'économie politique en Europe  ?

OPINION. Les sociétés contemporaines sont organisées selon des « paradigmes d'économie politiques » qui incarnent des grands principes du contrat social, et qui encadrent les débats publics sur la manière d'aborder les problèmes socio-économiques. Quand le paradigme dominant est incapable de fournir une solution à un problème nouveau, alors ce paradigme décline jusqu'à qu'un nouveau le remplace. Par Franck Amalric et Marc Campi, groupe Square.
Franck Amalric et Marc Campi (de g à d).
Franck Amalric et Marc Campi (de g à d). (Crédits : DR)

Depuis la seconde guerre mondiale en Europe, deux paradigmes principaux se sont succédés : le paradigme parfois appelé le « consensus Keynésien » qui a soutenu les efforts de reconstruction et de développement après la guerre pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1975). Ce paradigme trouva ses limites dans les épisodes de stagflation des années 1970s. En France, il fut abandonné avec le virage de la rigueur de 1983.

Lui succéda le paradigme néo-libéral qui accompagna la création du marché unique dans l'Union européenne et le processus de mondialisation économique. Ce paradigme est basé sur la recherche d'efficience dans l'allocation des ressources économiques comme source de dynamisme économique, et a accompagné l'approfondissement des interdépendances économiques à l'échelle mondiale. Une conséquence politique escomptée de cet approfondissement était de cimenter la paix dans le monde post-guerre froide. L'économiste Thomas Friedman remarquait ainsi, au milieu des années 1990, que deux pays ayant des franchises McDonald ne s'étaient jamais fait la guerre.

Ce paradigme vacille depuis plusieurs années. Il trouve ses limites structurelles dans l'instabilité financière (crise de 2008), le creusement des inégalités économiques, et dans son incapacité à endiguer la crise écologique globale. Mais à ce jour aucun paradigme alternatif ne s'est encore imposé.

Les crises que traverse une société ont parfois cette qualité d'accélérer la cristallisation politique autour d'un nouveau paradigme politique jusque-là en gestation. La question est ainsi de savoir si la crise sanitaire et la crise ukrainienne sont de nature à faire émerger en Europe, un nouveau paradigme d'économie politique.

Notre conviction est que ces deux crises fournissent une opportunité unique pour créer ce nouveau paradigme. La crise sanitaire provoquée par la Covid a fait prendre conscience que le principe d'efficience ne pouvait pas s'appliquer à tous les secteurs d'activité, l'Europe devant assurer son autonomie sur un secteur stratégique clé comme la santé.

La crise ukrainienne va nous faire aboutir à la même conclusion sur le plan de l'énergie. Elle montre en effet aux européens, pour la première fois depuis 1973 et le premier choc pétrolier, le fait que l'énergie est une ressource rare, produite dans des pays aux régimes peu recommandables, et qui peuvent, au gré de l'évolution des rapports de force internationaux, devenir hostiles. Cette crise va accélérer la production d'énergies renouvelables voire permettre de relancer le nucléaire. Mais elle va également, de manière indubitable, crédibiliser le débat relatif à la réduction significative de la consommation d'énergie en France et en Europe. Elle va donner un crédit considérable à tous ceux qui considèrent que la sobriété énergétique n'est pas un retour vers le passé ; c'est une nécessité de toute réflexion sur un futur désirable. Et cela passe nécessairement par une remise en cause de la manière dont nous utilisons cette énergie.

Ainsi, le Pacte Vert pour l'Europe, qui vise à la fois la neutralité carbone pour le continent à l'horizon 2050 et la transformation de l'économie vers un modèle plus juste, nous paraît pouvoir devenir un projet fédérateur qui, au-delà des agendas technocratiques d'adoption de nouvelles réglementations, va mobiliser citoyens, politiques et acteurs économiques.

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Commentaires 2
à écrit le 31/03/2022 à 10:46
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"Quand le paradigme dominant est incapable de fournir une solution à un problème nouveau, alors ce paradigme décline jusqu'à qu'un nouveau le remplace" Rien ne prouve cette affirmation tandis qu'ici j'ai lu " Les banques ont 500 ans d'existence elles...

à écrit le 31/03/2022 à 10:45
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"Quand le paradigme dominant est incapable de fournir une solution à un problème nouveau, alors ce paradigme décline jusqu'à qu'un nouveau le remplace" Rien ne prouve cette affirmation tandis qu'ici j'ai lu " Les banques ont 500 ans d'existence elles...

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