La Blockchain, levier de prospérité globale

Aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence de 2017 comme les années précédentes, le Cercle des économistes intègre au débat prospectif les idées et propositions des jeunes. C'est pourquoi il a créé « La parole aux étudiants ». Pour inviter ces jeunes à prendre part aux débats, un appel à idées est lancé chaque année sur un thème précis. Pour 2017, il s'agissait de réfléchir à la problématique « De quelles nouvelles prospérités serez-vous les acteurs ? ». Les étudiants de 18 à 28 ans, de tous horizons, ont été invités à exposer leurs idées sous la forme d'un essai de cinq pages maximum. Puis un jury s'est réuni - présidé depuis sa création par Erik Orsenna -pour sélectionner 100 étudiants, tous invités aux Rencontres et, parmi eux, quatre lauréats, qui recevront le prix de « La parole aux étudiants » - doté de 1 000 euros pour chacun. Extraits de deux des meilleures copies.
(Crédits : DR)

De quoi la prospérité est-elle le nom ?

D'une richesse qui est la conséquence heureuse d'un développement économique abouti. Mais la prospérité désigne également le bien-être des individus et la stabilité de la société qui découlent du succès économique. Elle est donc synonyme de bonne fortune, qu'il s'agisse de la prospérité financière ou du développement de la société.

Ainsi, l'expansion économique est-elle une condition nécessaire mais non suffisante de la prospérité d'une société. Celle-ci repose également sur un développement politique et social harmonieux, sur une garantie des droits fondamentaux et de l'égalité des chances pour chaque individu.

Quelles nouvelles formes de prospérité peuvent s'épanouir dans des sociétés dont les bases du contrat social semblent s'éroder, dont la croissance économique est durablement compromise par la « stagnation séculaire », et où les individus sont trop souvent victimes du chômage, de la précarité ? Ce tableau peu enthousiasmant doit être nuancé par le constat d'un rythme maintenu du progrès technique et des nouvelles modalités d'organisation de la société qu'il implique, dont il est dès lors pertinent d'interroger la capacité à créer de nouvelles formes de richesses et de bien-être social. Nous partageons la conviction que la révolution numérique en cours, malgré les inquiétudes légitimes qu'elle suscite, est un relais privilégié pour inventer de nouveaux vecteurs de prospérité, y compris pour recréer et améliorer le lien social et pour réduire la distance qui sépare aujourd'hui le citoyen de la décision commune.

L'abondance de la donnée suscitée par la révolution numérique semble entraîner avec elle l'angoisse de ne pouvoir l'appréhender à sa juste mesure. Face à cet écueil, la prospérité de demain ne réside-t-elle pas dans la bonne maîtrise de nos données et dans la juste mesure de leur impact au sein de la société ? Et si cette nouvelle prospérité consistait en l'organisation de leur exploitation d'une manière qui profite à tous, sans nécessiter le concours d'intermédiaires privés abusant du rôle de carrefour mondial de la donnée, sans non plus nécessiter le concours d'intelligences artificielles les traitant en notre nom et à notre place, et sans une irrémédiable aggravation des inégalités et de la concentration des richesses ?

Et si, finalement, la prospérité de demain n'était autre que la souveraineté d'une métrique au regard de laquelle nous pourrions mesurer le succès ou l'échec de notre projet de société ? Parallèlement à la vague de déstabilisation sociale qu'elle entraîne, la révolution numérique draine dans son sillage de nouvelles formes de métriques dont une, en particulier, attire notre attention. Les technologies de la décentralisation - la blockchain et l'Internet peer-to-peer - fournissent un modèle de mesure commune de la valeur, fondée sur une communauté de personnes et d'idées. Mais, et c'est là le plus important, elles comportent également un protocole commun de mesure et de distribution de cette valeur, un consensus automatisé qui relie tous les membres de la société. Ne peut-on pas alors imaginer que c'est dans le choix unanime de ce protocole commun que réside le modèle des sociétés de demain, et de nouvelles formes de prospérité ? La mesure de la valeur n'a-t-elle pas une valeur en soi, susceptible d'être partagée indépendamment des frontières ?

Un système métrique de la donnée

Nous avons aujourd'hui besoin d'un système métrique de la donnée, un instrument de mesure partagé, dont l'humain est l'étalon et à la lumière duquel s'apprécie la valeur politique, économique, sociale des différentes activités de la société. Comme le système métrique en son temps qui constituait à la fois un étalon et un consensus politique, le protocole de validation des échanges au niveau mondial devrait acquérir une valeur sociale, portée par le secteur public, afin de permettre l'émergence de nouveaux leviers de prospérité. La blockchain offre justement cette opportunité de partir de l'individu pour redessiner autour de lui des outils à sa mesure lui permettant d'appréhender la masse de données qu'il produit et qu'il partage avec le reste de la société. La donnée est l'unité de mesure de la société. En redéfinissant les rapports que peut nouer l'individu avec le collectif, cette technologie dépose dans les mains de l'utilisateur les clés de sa souveraineté et de son identité - c'est-à-dire ce par quoi il se définit, et ce à quoi la collectivité est amenée à réagir.

La blockchain est l'outil idoine pour mettre en oeuvre cette vision d'une démocratie numérique. Nous sommes convaincus que les innovations qu'elle suscite peuvent contribuer à une évolution harmonieuse de la société en favorisant, si elle est correctement utilisée, de nouvelles opportunités économiques, une décentralisation approfondie de la décision publique et une meilleure inclusion de l'individu. En un mot, elle constitue une infrastructure publique permettant l'exercice de droits fondamentaux, et devrait à ce titre être entretenue, du moins en partie, par les pouvoirs publics. La révolution numérique déjà célébrée n'aura en effet véritablement lieu que lorsque les institutions se seront pleinement emparées des potentialités qu'offre la technique.

L'infrastructure numérique que constitue la blockchain est en effet porteuse d'un triple approfondissement de la démocratie. D'abord, elle permet la participation de chacun à la conception et à l'exécution des politiques publiques, elle est ainsi un gage d'amélioration de la qualité des réglementations en incluant les différents acteurs qui contribuent à son élaboration d'une manière plus dynamique, plus réactive et moins coûteuse. Ensuite, en améliorant l'accessibilité des services publics, elle offre une garantie plus efficace des droits fondamentaux, notamment en matière de transparence de l'action administrative et de protection des données personnelles. Enfin, la mise en réseau d'un nombre potentiellement infini d'individus à travers un protocole est un levier qui favorise à terme l'émergence d'une forme de démocratie mondiale de fait, déjà effective au sein des réseaux tels que Bitcoin et Ethereum. Il s'agit désormais d'y associer les pouvoirs publics, afin qu'ils s'approprient la force de démocratisation que ces réseaux représentent, et de faire advenir un nouvel âge de la mondialisation, celui d'une mondialisation économique et politique incluant les individus et la société civile, et non plus seulement les États et les multinationales.

La blockchain est ensuite un facteur de prospérité économique à travers l'innovation. D'une part, elle constitue en elle-même une innovation en tant qu'outil permettant d'améliorer les systèmes d'information, mettant à bas les silos que constituent de trop nombreuses infrastructures d'entreprise, repliées sur une vision exclusive de l'exploitation de la donnée, à rebours des formes émergentes de prospérité commune. D'autre part, l'infrastructure décentralisée qu'offre la blockchain constitue un accélérateur d'innovation transversal à tous les secteurs d'activité. Face à cet inépuisable gisement de croissance, le principal frein à la création de valeur nous paraît être une inadéquation aux mutations technologiques actuelles des institutions publiques, pensées dans le cadre d'un système économique et technique révolu.

L'administration du 21e siècle

La promesse d'un bénéfice social pour chacun est la troisième dimension de la prospérité nouvelle permise par la blockchain. Levier de dématérialisation et de baisse des coûts de fonctionnement pour les administrations qui rendent des prestations directes (notamment l'état civil et la sécurité sociale), elle a la capacité de dégager pour les acteurs administratifs un supplément de ressources financières et humaines leur permettant d'investir davantage dans l'innovation publique et dans la qualité du service rendu à l'usager. Elle est donc un pilier de l'administration du xxie siècle, ouverte sur la société, fortement numérisée et davantage soucieuse de l'amélioration de ses procédés que du maintien des systèmes existants.

Ces perspectives ne deviendront réalité qu'à condition de résorber les fractures numériques actuelles, et dans la mesure où l'infrastructure numérique qui les soutient servira de support pour lier la gouvernance des données et le gouvernement des hommes. Il ne s'agit pas moins que de jeter les bases d'un tout premier service public global, liant gouvernance internationale et service directement et continuellement rendu aux citoyens.

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Commentaire 1
à écrit le 11/07/2017 à 7:37
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Quid du contrôle de notre démographie dans tout ça ?

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