Le commissaire aux comptes, sentinelle de l'économie

La publication récente du rapport de l'IGF sur "la certification légale des comptes des petites entreprises françaises" permet de mettre en lumière le rôle trop méconnu des commissaires aux comptes. Par Denis Barbarossa et Carole Cherrier, respectivement président et vice-présidente de l'IFEC (Institut français des Experts-comptables et Commissaires aux comptes).

"L'incompréhension le plus souvent ne vient pas d'un manque d'intelligence mais d'un manque de sens" (Friedrich Von Schlegel)

Les premiers extraits du rapport de l'Inspection Générale des Finances (IGF) intitulé « la certification légale des comptes des petites entreprises françaises » ont été dévoilés, à la surprise générale, dans la presse économique, jeudi dernier, avant communication aux principaux intéressés. Il recommande le relèvement des seuils au niveau européen.

Bien leur a pris de mettre le nez dans les chiffres des commissaires aux comptes et de leurs rapports d'audit de petites et moyennes entreprises, l'occasion de mieux comprendre une profession méconnue et discrète, cachée derrière ses bilans diront certains, ses normes professionnelles.

Ainsi, apprend-on que les statistiques qui ressortent de ce rapport sèment le doute sur le rôle de la profession dans les PME ?

Echange avec le client

Oui, seuls 2 % des rapports d'audit comportent des réserves et 0,5 % un refus de certification... louche, le travail serait donc inutile ? C'est oublier un peu vite la nature de la mission permanente du commissaire aux comptes, qui prépare ses travaux dans l'échange avec son client, et non à postériori, dans son bureau, en chambre pour délivrer son rapport à l'assemblée générale tel un missile.

Non ! Messieurs les Rapporteurs, nous ne travaillons pas de manière isolée et les réserves ou refus ne sont que l'aboutissement de travaux d'échanges infructueux avec nos clients. La lecture de nos normes professionnelles est en cela limpide, comme les auditions réalisées des différents acteurs de la profession.

Les commissaires aux comptes ne seraient pas assez bons sur le terrain fiscal ? ... en raison d'un taux de redressement des entreprises avec et sans commissaire aux comptes proches ! Mais parle-t-on des montants ou d'une notification ?

Faut-il rappeler que compte tenu de la complexité des textes, un droit à l'erreur a été présenté à l'Assemblée et certains ministres eux-mêmes se découragent face à la complexité administrative. Alors un sans-faute fiscal...

Les entreprises ne verraient pas d'un bon œil ce contrôle externe, perçu comme une contrainte ; mais a-t-on demandé aux automobilistes ce qu'ils pensaient des radars... En redemandent-ils ? Évidemment non ! Que dire alors de la médecine du travail ?

Au Danemark, un retour en arrière préconisé

Enfin, un rapport complet se doit d'être comparatif notamment au regard des nombreuses études publiées chez nos voisins européens tels que la Suède ou encore le Danemark qui ont fait l'erreur de relever les seuils dès 2010 et préconisent dans une note de 2017, un retour en arrière. Le plus intéressant consiste à juger des travaux suédois qui mettent en exergue cinq points majeurs en faveur du Commissaire aux comptes ; en son absence l'étude déplore moindre croissance, moindre rentabilité, moins de transparence, évasion fiscale et anomalies comptables.

Plus près de nous, les Italiens (actuellement 300.000 entreprises contrôlées) proposent d'abaisser significativement les seuils dès 2019 afin de retrouver de la confiance dans les échanges entre les acteurs économiques et appliquer les mêmes règles par tous, ce qui n'est autre que la base d'un État de droit !

Les seuils européens sont élevés (8 M€ de CA, 4 M€ de total de bilan et/ou 50 salariés) et rarement appliqués chez nos voisins. En France, relever les seuils actuels aux seuils européens conduiraient à la perte d'environ 150.000 mandats comparativement aux 3 millions d'entreprises ! Soit plus de 800 millions d'euros de chiffre d'affaires et plus de 8.000 emplois.

Qu'est-ce comparé aux milliards de prélèvements obligatoires en hausse chaque année (30% du PIB en 1960, 41% en 2009 et 44,5% en 2017, versus 40% en moyenne en Europe) et subis par les entreprises ?

Nombreux sont les consœurs et confrères, sous tutelle du ministère de la Justice, qui se sentent, aujourd'hui, discrédités par ce rapport et bafoués dans leur honneur.

Ne pas oublier le jugement professionnel

Alors, sans aucun doute, nous aurions dû communiquer plus tôt auprès du grand public, pour mieux faire connaître notre belle profession et la joie du contact avec nos clients, chefs d'entreprises et dirigeants d'associations afin d'attirer davantage de talents. Mais notre nature discrète prend le dessus, sans doute pourrions-nous envoyer à Tracfin des milliers de déclarations de soupçons, automatiques, mais c'est oublier un peu vite l'un des fondements de notre profession : le jugement professionnel.

Nous ne sommes pas des robots et agissons avec nos clients, dans le respect d'une déontologie et d'une éthique, loin des seules données statistiques et comptables.

Alors à qui profite le crime ?

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Commentaires 2
à écrit le 16/03/2018 à 10:23
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Un frein au progressisme économique, oui cela impose un deuxième contrôle qu'il faut payer en plus. Par ailleurs les comptables sont devenus les gestionnaires des entreprises au fur et à mesure de la financiarisation de notre économie. Toute libe...

le 11/04/2018 à 22:56
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Et quel est ce premier contrôle?

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