Le modèle allemand va-t-il craquer ?

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le modèle allemand va-t-il craquer ?

Immigration insuffisante, flambée de l'immobilier, montée des populismes et offensive chinoise en Europe centrale et Orientale, voilà les grands éléments capables de faire dérailler le modèle allemand.

À contre-pied de toutes les projections, la population allemande s'est pourtant accrue de 2,6 millions d'habitants depuis la grande récession. À l'origine de ce mouvement, l'explosion de l'excédent migratoire sous l'impact à la fois de l'arrivée de jeunes issus des pays du Sud et de l'Est d'une Europe alors en pleine crise, puis des différentes vagues de réfugiés venus de pays en guerre, notamment de Syrie. Toutefois, les entrées sur le territoire reculent depuis 2016 et le solde migratoire est revenu à un plus bas niveau même s'il reste toujours très positif. L'enjeu est fondamental pour la croissance future. Selon une étude de l'Agence fédérale pour l'emploi, l'économie allemande aura besoin chaque année et jusqu'en 2050 de 400.000 travailleurs originaires de pays hors Union européenne pour faire face au vieillissement des actifs. On est en droit de se demander si le pays peut attirer autant de candidats malgré l'adoption en décembre dernier d'une loi visant à faciliter la venue de main-d'œuvre étrangère. Surtout se pose le problème de l'acceptation par les autochtones de cette nouvelle population. L'extrême droite radicale, l'AfD représente déjà 15% environ du corps électoral en moyenne et près de 20% dans certains länder.

La flambée de la pierre en Allemagne depuis 2008 est un autre bouleversement majeur. Longtemps amorphes, les prix de l'immobilier allemand ont bondi de plus de 44% depuis la grande récession. Un peu comme partout en Europe, le marché résidentiel a bénéficié de conditions de financements exceptionnels auxquelles s'est ajouté l'appétit des investisseurs étrangers pour ce marché jugé sous-évalué et la pression de la demande avec l'arrivée de grandes vagues migratoires.  Les loyers ne sont pas en reste. En une décennie, ceux des grandes villes ont augmenté d'un tiers en moyenne, de 40% dans des villes comme Stuttgart et Munich et même jusqu'à 100% à Berlin.

Rupture implicite du pacte social

Ce n'est pas tant le risque de l'explosion d'une bulle immobilière qui doit inquiéter. Après tout, même en ébullition les prix en Allemagne n'ont fait que converger vers la norme des pays les plus avancés  et le taux d'endettement des ménages allemands s'est réduit ces dernières années pour se situer sous la moyenne de la zone euro. Ce qui doit inquiéter en revanche c'est la rupture implicite d'une partie du pacte social, modération salariale contre encadrement de l'évolution du coût du logement. Il ne faut pas se laisser abuser par les hausses des rémunérations obtenues par de grands syndicats allemands comme IG Metall dans la métallurgie ou de Verdi dans les services car cela concerne de moins en moins de salariés : seul 1 sur deux est désormais couvert par un accord de branche ou d'entreprise, un chiffre en recul de 19 points ces 19 dernières années. Finalement, selon une étude de la fondation Hans Boeckler, 1 actif sur 8 - soit 4 millions de personnes - vivent dans la précarité des petits boulots depuis des années et manquent de protection sociale.

L'économie de bazar attaqué

Avec la flambée de l'immobilier, c'est donc tout le modèle social qui craque. Avec la montée du populisme et l'offensive chinoise en Europe de l'Est, c'est l'ADN même de l'économie de bazar qui est attaqué. Les industriels allemands ont joué à fond la carte de la sous-traitance vers les PECO pour profiter des bas de production en prenant bien soins de conserver sur le territoire allemand les maillons de fabrication décisifs à plus forte valeur ajoutée et d'assemblage. Un simple regard sur les différences de coûts de la main-d'œuvre permet de mieux saisir à quel point cela a donné et donne encore un sérieux avantage aux entreprises allemandes : les écarts vont de 2,4 avec la Slovénie, pays le plus cher à 7,4 avec la Roumanie, pays le moins coûteux.

Or la liste des PECO dirigés par des gouvernements nationalistes et ouvertement europhobes ne cesse de s'allonger ce qui n'est pas sans poser le problème du maintien des relations commerciales avec ses pays et de leur stabilité. À cela s'ajoute l'offensive de la Chine dans la région, notamment dans le cadre de la « nouvelle Route de la soie » pour faciliter le transport rapide des marchandises entre Europe et Extrême-Orient. L'excès d'épargne, la montée du protectionnisme, les faiblesses du système bancaire complètent la liste des menaces. Finalement, sous la très bonne performance économique de l'Allemagne se cachent des risques qui s'amplifient.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 14
à écrit le 02/02/2019 à 13:07
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Leur"modèle" de parasitisme ne tiendra que si leurs hôtes consommateurs sont toujours vivants et ils n'auront tendance qu'a ne leur donner le strict nécessaire de survit!

à écrit le 29/01/2019 à 17:39
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Il y a 60 ans, Raymond Cartier (directeur de Paris-Match) prédisait le déclin de l'Allemagne, car elle était trop centrée sur l'industrie "classique" (?). Qu'est-ce qu'il était en avance sur son temps ! Je crains fort que ce soit aussi le cas des déc...

à écrit le 29/01/2019 à 17:10
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Ceux qui prétendent continuer dans le sens de l' hérésie européenne doivent lire ces commentaires représentatifs d' une UE tout de Babel où personne ne s' entend plus entre pays et dont la justification de démolition est une fois...

à écrit le 29/01/2019 à 16:39
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Immigration insuffisante ! pour ce qu'ils ont récupéré comme chèvres, ils auraient mieux fait de continuer sur leur lancée en robotisant à outrance, mais les vieux patrons allemands sont comme les français, frileux lorsqu'il s'agit de nouveautés surt...

à écrit le 29/01/2019 à 16:24
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J'entends depuis 30 ans que l'Allemagne va au devant de difficultés majeures vu sa démographie. Force est de constater que jusqu'ici ca va plutot pas mal. L'ouverture de nouveaux marchés est selon moi un point clé. Là aussi force est de constater qu...

à écrit le 29/01/2019 à 16:18
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L' Allemagne est l'homme malade de l' Europe. De part sa position dominante en Europe, un euro à sa mesure, une vampirisation des se partenaires de l'ouest et une exploitation de ceux de l'Est, une démographie chancelante, attaquée sur ses marchés p...

à écrit le 29/01/2019 à 13:28
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"immigration" insuffisante ??? je croyais que l'UE permettait depuis 20 ans aux 500 millions d'européens de circuler et s'établir librement où bon leur semble !!! Une preuve de plus que l'UE n'est qu'une union capitaliste faite pour les multinational...

à écrit le 29/01/2019 à 12:13
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L'Allemagne profite encore de l'aura d'une pseudo qualité de produits, c'est déjà pas mal, mais la Corée fait mieux et à moins cher et les Chinois progressent encore plus avec une créativité qui est leur marque de fabrique. Comme chez-nous leurs ent...

à écrit le 29/01/2019 à 11:53
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"Immigration insuffisante, flambée de l'immobilier, montée des populismes" ne sont que les conséquences d'un euro qui crée en Allemagne "le trou noir" de la zone! Il suffirai qu'il reprenne leur monnaie nationale pour partir a la faillite!

le 29/01/2019 à 12:30
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Bref, j'ai réglé la crise allemande en un commentaire.

à écrit le 29/01/2019 à 11:21
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encore un "économiste" qui se soucie de la pénurie de main d'oeuvre en Allemagne ! La question de la main d'oeuvre n'est pas économiquement pertinente: on peut en avoir trop et ne pas savoir qu'en faire (France) et elle devient un boulet voire de l...

à écrit le 29/01/2019 à 9:39
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"L'Allemagne abaisse de nouveau sa prévision de croissance pour 2018 " https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600326335429-lallemagne-abaisse-de-nouveau-sa-prevision-de-croissance-pour-2018-2229156.php ET cela a été rectifié en janvier à 1.4% de c...

le 29/01/2019 à 13:37
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Le ''troisieme Reich''. Quel manque de culture et de connaissance en histoire pour comparer la fédération allemande actuelle avec le 3eme reich. Honteux.

le 29/01/2019 à 19:57
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@ multipseudos: encore là mon petit chien ?

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