Le XXIème siècle sera marqué par le retour de la rareté

Le Printemps de l'économie, une initiative de professeurs d'économie fondé par Pierre-Pascal Boulanger, se tient du 18 au 21 octobre notamment au Cese. Ouvert au public et notamment aux jeunes élèves de lycée, cet événement dont La Tribune est l'un des médias partenaires, dissertera cette année sur le thème de la sobriété. C'est dans ce cadre que nous publions une tribune de l'économiste Patrick Artus qui voit venir un siècle marqué par les pénuries.
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A partir des années 1990, le monde a été marqué par un choc d'offre très positif : l'entrée des pays émergents et de la Chine dans l'économie mondiale. Il est devenu possible de produire en utilisant le travail et les capacités de production disponibles dans ces pays et cela a bien sûr conduit à un supplément de croissance et à une baisse de l'inflation.

Mais on voit apparaître aujourd'hui la situation opposée : un choc d'offre négatif assez global, ce qu'on peut aussi appeler le retour de multiples raretés. Au départ de cette évolution, il y a quatre chocs. D'abord, après la Covid, une forte déformation de la structure de la demande des services vers les biens. Cette déformation est liée à la numérisation de l'économie, au télétravail, à l'intérêt nouveau pour le confort de la maison, qui poussent à la hausse la demande de matériel informatique, d'équipements de la maison.

Le deuxième choc est la guerre en Ukraine, qui conduit à la sortie de la Russie de l'économie mondiale avec les sanctions occidentales. Une partie du monde perd alors l'accès aux matières premières (pétrole, gaz naturel, métaux, blé...) produites en Russie qui représentent, selon les cas, 8 à 40% de la production mondiale.

Le troisième choc est le changement des attitudes vis-à-vis du travail. Aux États-Unis, au Royaume-Uni, ce changement prend la forme d'un recul de l'offre de travail : la population qui se présente sur le marché du travail pour avoir un emploi diminue. Dans la zone euro, il s'agit du refus d'un certain nombre d'emplois : emplois pénibles, emplois à horaire atypique... Il en résulte de très fortes difficultés de recrutement pour plusieurs secteurs comme l'hôtellerie-restauration, les transports, l'industrie, la construction, la santé.

Le quatrième choc, enfin, est celui de la transition énergétique. Cette dernière déclenche d'abord un recul de l'offre d'énergies fossiles plus rapide que celui de la demande. La pression sociale et celle des épargnants conduisent à une forte baisse de l'investissement dans les énergies fossiles, tandis que peu de mesures sont prises pour faire diminuer la demande. La transition énergétique conduit aussi à une forte hausse du besoin d'investissements (évaluée à 4 points de PIB chaque année pendant 20 ans) dans la décarbonation de l'industrie, la production d'énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments.

Au final, ces quatre chocs font apparaître de multiples raretés. Rareté de l'énergie ; rareté des métaux due aux besoins de la transition énergétique (fabrication d'éoliennes, d'électrolyseurs, de batteries électriques, de réseaux électriques...) et aux sanctions à l'encontre de la Russie ; rareté des matières premières agricoles avec les conséquences de la guerre en Ukraine ; rareté du transport (maritime, aérien) avec l'accélération du commerce mondial due à la déformation de la demande vers les biens importés d'Asie (électroménager, équipement de la maison...) ; rareté du travail, avec les attitudes nouvelles des salariés ; rareté (insuffisance) de l'épargne avec la forte hausse du besoin d'investissement.

Dès lors, un nouvel équilibre apparaît. Celui-ci est marqué par la hausse des prix de tout ce qui est rare, par le redressement du pouvoir de négociation des salariés sur le marché du travail, par la remontée des taux d'intérêt réels à cause de l'insuffisance de l'épargne par rapport à l'investissement. Oui, pas de doute, le XXIè siècle s'annonce bien marqué par le retour de la rareté !

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Commentaires 2
à écrit le 11/10/2022 à 3:04
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Il reste de gigantesques reserves de gaz et de petrole. Tant que cela perdurera, la consommation ne cessera pas. L'homme sera la premiere victime de sa betise sans limites.

à écrit le 10/10/2022 à 18:03
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