Les Français sont-ils prêts à confier la gestion de leur épargne à une IA  ?

OPINION. L'épargne des Français intéresse aussi bien le gouvernement que les économistes qui tablent sur 20 % de désépargne afin de relancer la croissance. En parallèle, une étude Oracle révèle que 56 % des Français feraient confiance à une IA pour gérer leur finance. Qui les Français préfèrent-ils écouter : un être humain ou une intelligence artificielle ? Mais surtout la commission européenne va-t-elle le permettre ? (*) Par Patrick Waché, directeur grands comptes Oracle France
(Crédits : Getty Images)

Depuis le premier confinement de 2020, beaucoup de Français ont réussi à faire fructifier leur épargne. D'ici à la fin de cette année 2021, on prévoit qu'elle atteindra 160 milliards d'euros. À tel point qu'il y a quelques semaines, Bercy semblait commencer à s'intéresser à sa taxation ; mais la rumeur a rapidement été démentie par Bruno Lemaire.

Parallèlement, l'OFCE[1] affirme que mobiliser 20% de cette épargne vers la consommation permettrait une croissance de 6% du PIB français en 2022, soit un gain de 2 points par rapport aux projections gouvernementales. Dans l'hypothèse où cette épargne ne serait pas dépensée, les prévisions tableraient plutôt sur 4,3%. Et alors que l'être humain s'en remet de plus en plus au numérique pour l'assister dans ses prises de décisions, quelles seraient les recommandations d'une Intelligence artificielle (IA) ?

La confiance en la technologie toujours au cœur des débats

Depuis le début de la crise, un tiers des Français souffre d'anxiété en partie en raison de questions d'ordre financier. Selon une étude publiée par Oracle en février 2021, 85% des consommateurs français[2] ont en effet exprimé des inquiétudes en matière financière, qu'il s'agisse de voir baisser leur épargne, de perdre leur emploi, ou de la crainte de ne pas pouvoir rembourser leurs dettes. Pour leur part, 90% des cadres dirigeants s'estiment préoccupés par la situation financière de leur entreprise. Très clairement, la pandémie a modifié notre rapport à l'argent ; elle nous pousse, dans la sphère privée comme dans nos univers professionnels, à reconsidérer les nouvelles technologies et à leur accorder plus de confiance qu'auparavant.

Ainsi, 56% des Français déclarent être prêts à faire confiance à une IA pour gérer leurs finances, sans pour autant faire preuve de méfiance à l'égard de ces technologies. Même si tous n'en comprennent pas toujours bien le fonctionnement, on reconnait aisément que nos connaissances sont limitées en matière de gestion financière personnelle, laissant de fait volontiers les décisions s'y rapportant à un individu, ou à une technologie, qui s'y connait mieux. Par ailleurs, cette confiance recherchée et attendue depuis déjà de nombreuses années provient, sans doute, de son utilisation qui s'est accélérée au sein des entreprises notamment pendant la pandémie.

La Commission européenne veut encadrer l'IA : un frein à cette évolution ?

Dès lors qu'une technologie connait un certain succès, il est important d'y apporter des règles d'utilisation et de l'encadrer légalement. Le nouveau règlement présenté par la Commission européenne pose les conditions propices au développement de ce type de technologies avec une approche fondée sur les risques mais également en faveur de « l'excellence et de la confiance dans l'IA ». Avec l'ambition affichée de « devenir un pôle mondial d'une IA digne de confiance », il est vrai qu'il faut réussir à faire un tri dans l'offre. C'est pourquoi le règlement mentionne certaines restrictions, voire l'interdiction de certains systèmes d'IA permettant la notation sociale ou privant les utilisateurs de leur libre arbitre, « une menace pour la sécurité, les moyens de subsistances et les droits des personnes ».

Si habituellement le régulateur légifère tardivement par rapport aux avancées technologiques et autres innovations, il est préférable que son action permette d'anticiper les potentiels dérives et abus. En effet, rectifier les déséquilibres a posteriori est plus difficile que d'imposer un cadre dès le départ, et donc de le faire respecter. Ainsi, en établissant des règles claires le plus en amont possible, la Commission européenne participerait à instaurer un climat de confiance, apporterait sa contribution, et de la clarté, aux débats qui animent le monde de l'entreprise depuis plusieurs années, mais pas seulement.

Les solutions professionnelles bientôt au service des particuliers ?

L'entreprise et la sphère privée sont deux mondes qui ont tendance à devenir poreux, à l'heure où le télétravail se démocratise et où les outils professionnels sont également utilisés à des fins plus personnelles. Souvent, les collaborateurs réclament la modernisation de l'entreprise sous l'effet de l'utilisation de technologies grand public ; mais pourquoi ne pas envisager l'inverse ? En matière de gestion financière pour les entreprises, la plupart des logiciels intègrent des technologies d'IA. Si les Français font confiance à ce type de technologies pour améliorer leur quotidien au travail, nul doute que des offres destinées au grand public devraient apparaître dans les années à venir.

Les banques ont déjà commencé à proposer certains services mais elles pourraient aller encore plus loin. La phobie administrative, si elle a pu être moquée, demeure un mal réel que la technologie pourrait participer à atténuer. Après presque un an et demi de crise, le moral des particuliers est encore mis à rude épreuve. Ils ont besoin de soutien. Certains ont pu trouver une aide bienvenue il y a un peu plus de 10 ans, grâce à la loi portée par Christine Lagarde et permettant d'éviter le cycle infernal du surendettement en réglementant les crédits revolving.

Aujourd'hui, ils trouvent ce soutien auprès d'assistants vocaux ; et peut-être que demain, ces mêmes assistants aideront les ménages dans la gestion de leur finance. En tous les cas, certains Français sont prêts à franchir le pas, sous réserve que la Commission européenne le permette sans rogner, bien entendu, sur la sécurité des données et le libre arbitre.

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[1] Observatoire français des conjonctures économiques

[2] Étude Money and Machines menée par Savanta, Inc. pour Oracle en décembre 2020, et publiée en février 2021

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Commentaire 1
à écrit le 12/07/2021 à 19:16
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On comprend mieux pourquoi "le pouvoir et gouvernement" nous maintiennent dans l'insécurité c'est pour mieux s'accaparer de notre épargne faites pour les jours sombres!

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