Macron, es-tu encore là  ?

La France conclut ses six mois de présidence de l'Union européenne sur un bilan qui emporte l'unanimité. Ce plébiscite européen pour Emmanuel Macron interroge corrélativement les causes de son parcours électoral domestique si chaotique, qu'il a traversé comme un fantôme. Avec en filigrane un double questionnement : est-il encore là ? Ce second quinquennat est-il déjà de trop pour celui qui, à 44 ans, doit régénérer une ambition intime qu'il a exaucée au-delà de l'imaginable ? Le plus grand défi d'Emmanuel Macron pour ces cinq prochaines années pourrait être... lui-même.
(Crédits : POOL)

Les six mois de la présidence française de l'Union européenne viennent de s'achever. Le bilan ? Plébiscité. Difficile, même dans les travées du Parlement européen, de trouver des voix contestant l'action d'Emmanuel Macron, l'efficacité de la diplomatie et des services administratifs français mobilisés pour la circonstance - plus de 2 000 réunions se seront tenues et plus de trois cents représentants français auront été spécifiquement affectés à cette présidence. Parmi les cent trente accords conclus pendant le semestre, certains sont particulièrement emblématiques.

Ainsi, celui sur la régulation du numérique - les règlements Digital services act et Digital market act constituent un véritable bouclier face à l'emprise que les géants américains Gafam exercent sur ou via la gestion de données, la publicité, les contenus illicites, les algorithmes - ; celui de volets clés du Plan climat (fin de construction de véhicules thermiques d'ici 2035, fonds social de 59 milliards d'euros dévolu aux plus faibles revenus, taxe carbone aux frontières) ; celui assurant le maintien d'un objectif de 40% d'énergies renouvelables et l'adoption d'une plus grande sobriété énergétique ; celui d'un instrument de réciprocité appelé à protéger l'économie européenne de la distorsion de concurrence exercée par les entreprises de pays tiers ; celui abolissant l'incompatibilité des accessoires technologiques grand public (chargeurs de téléphones portables en premier lieu) - savamment manipulée par les fabricants, elle constituait pour eux une manne et pour l'environnement un gâchis insupportables - ; celui d'un double dispositif sur les « obligations vertes » et sur le « reporting de performance sociale et environnementale » censé stimuler la finance verte et le comportement RSE des entreprises ; celui promettant d'ici 2026 que 40% des sièges des conseils d'administration non exécutifs des sociétés cotées seront occupés par des femmes ; celui concluant un palier décisif vers l'adoption future d'un salaire minimum européen ; du pacte migratoire et du renforcement des conditions d'entrée dabs l'espace Schengen Etc, etc.

Seule ombre : l'illibéral premier ministre hongrois Viktor Orban - triomphalement réélu le 3 avril - aura réussi à bloquer la sensible et symbolique transposition de l'accord mondial sur la taxation minimale des multinationales. Oui, la présidente de la Commission européenne, Ursula von de Leyen, pouvait juger le bilan de la France « colossal », et le président du Conseil européen Charles Michel saluer un "travail gigantesque".

Impressionnante équipe de France

Et d'autant plus « colossal » qu'Emmanuel Macron dut cumuler cette présidence européenne avec la campagne présidentielle française, et surtout dut faire face, moins de deux mois après l'entrée en responsabilité, au séisme d'une invasion russe en Ukraine aux répercussions (militaires, nucléaires, géopolitiques, énergétiques, financières, économiques, migratoires) tentaculaires. De quoi provoquer une remise en question immédiate des priorités, et de légitimer le report voire l'inhumation d'une partie des chantiers inscrits à l'agenda. Que nenni : non seulement aucun de ces chantiers n'a été abandonné, mais « l'équipe de France » s'est saisie de la déflagration pour accomplir un exploit : solidariser les gouvernements des 27 pays de l'Union quand tout ou presque projetait leur désunion, entrouvrir la porte à l'Ukraine et à la Moldavie, et au sein des consciences citoyennes cimenter plus encore un esprit européen que l'on pensait scarifié de toutes parts. Au nationalisme russe s'est imposé, en riposte, un patriotisme européen, une souveraineté européenne. Vladimir Poutine avait pronostiqué la dislocation de l'unité européenne ; son délire est parvenu à renforcer - pour l'heure, en tous les cas - cette unité. Même l'épouvantail Orban, proche du Kremlin, même les gouvernements a priori les plus contempteurs voire dissidents de l'UE (Pologne en tête), se sont ralliés.

Bicéphalie

Mais l'« exploit européen » d'Emmanuel Macron suscite consubstantiellement une interrogation majeure : que « dit-il » du double fiasco électoral qu'il a enregistré en France - victoire en trompe-l'œil à la présidentielle, déroute aux législatives ? Peut-on - et si oui, comment - expliquer la bicéphalie d'un même homme triomphant à l'extérieur, en terrain éminemment miné, et s'écroulant à domicile, là où les sondages hivernaux annonçaient une cote de popularité enviable et pronostiquaient une reconduction aisée ?

La facilité invite à estimer que son engagement européen, particulièrement depuis le 24 février à 4 heures et la déclaration de guerre russe, l'a empêché de consacrer aux scrutins la disponibilité, peut-être même l'énergie adéquates. Ainsi l'Europe aurait siphonné le temps mental, psychique, programmatique, organisationnel, médiatique que requérait l'enjeu domestique. Oui, facile.

Quel devenir post-présidentiel ?

Moins improbable est que ses arrogantes certitudes, sanctuarisées dans un aréopage lui-même aveugle et inféodé, l'aient convaincu que la victoire en France était acquise, l'exhortant alors à capitaliser sans limites sur le terrain européen. Tout aussi possible est que sa détermination et son engagement sont corrélés à la nature des chantiers, et gonflent proportionnellement à leur âpreté, à leur envergure. Réussir là où beaucoup annonçaient un échec tant la tache était immense, peut constituer une cylindre clé dans le moteur psychique d'Emmanuel Macron. La trajectoire supersonique qu'emprunte son parcours politique depuis sa nomination au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique en 2014, augure par ailleurs une ambition intime, un appétit de (se) réaliser illimités. Illimités, et donc potentiellement insatiables, inassouvis, voire frustrants, et alors générateurs de lassitude. A 44 ans, c'est-à-dire seulement au mitan de son existence, il a accompli la plus haute, la plus flatteuse, la plus prestigieuse des responsabilités ; où, c'est-à-dire dans quels domaines, à quel poste, dans quel rôle, pour quels desseins pense-t-il son devenir post-présidentiel ?

Absence

Peut-on expliquer autrement que par ces hypothèses le sentiment de malaise qu'inspire son comportement, depuis avril ? Des discours abscons, une attitude à la fois évanescente et insaisissable, des actes dilatoires, erratiques ou sans fondement compréhensible, des décisions aux motivations mystérieuses ou illogiques... au final, une stratégie lourdement punie lors des législatives. Son absence du débat politique en France, que traduit-elle ? L'impression est qu'il n'est pas là - et d'ailleurs qui ne s'est pas posé la question de sa motivation véritable pendant la campagne électorale qu'il a traversée comme un fantôme ? Pire : la sensation est qu'il n'est plus là. Que ce début de mandat est déjà pesant. Que les cinq prochaines années vont s'étirer sans passion, sans vision. Finalement, que ce quinquennat est déjà, pour le chef d'Etat, celui de trop. Dans une France en besoin viscéral d'espérer, de regarder loin, de rêver, de se rassembler, peut-être le plus grand défi d'Emmanuel Macron est-il lui-même.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 03/07/2022 à 11:03
Signaler
Quand on voit les brêles précédentes depuis 40 ans qu’on ont rien fait rien résolu et nous ont entraîné dans une mondialisation échevelée ,je trouve que vous dénigrez un peu facilement Macron.. qu i a dû faire face à des attentats, au covid, à la gu...

à écrit le 02/07/2022 à 14:01
Signaler
MACRON est un mauvais leader mais comme il ne décide de rien on peut prendre du recul. Il suit la narrative de DAVOS woke mondialiste contrôle... Mais ce scénario ne se déroule plus comme prévu et en partie "grâce" je dis bien Grâce à poutine (la gu...

le 03/07/2022 à 7:43
Signaler
voila une personne qui a denigre le vivre a la francaise sa culture chretienne et comment peut il maintenant dire le contraire qu'il a voulu imposer et que les gilets jaune on en parti remis a sa place

le 03/07/2022 à 9:37
Signaler
Macron aurait sans doute été un bon haut fonctionnaire tel que l’ENA peut en produire, mais n’ayant jamais été élu, il n’a aucun sens politique et aucune expérience pour convaincre des électeurs et faire des compromis. Sa dernière élection, il la doi...

à écrit le 02/07/2022 à 13:05
Signaler
Loup y es tu ?

le 02/07/2022 à 18:27
Signaler
de l'illusion a l 'autosatisfaction il faut se consoler avec peut de realite cela fait maintenant 15ans de deroute politique. que nos dirigeant sont incapable de valoriser la france voir d'imposer les idees du peuple francais la preference vas ...

à écrit le 02/07/2022 à 8:59
Signaler
M.Macron est parfait pour la représentation extérieure. le seul problème est qu’il est aussi chargé des petites affaires très pratiques de la France, et c’est moins prestigieux..

le 03/07/2022 à 8:06
Signaler
ou sont les bateau volant sur la seine et ou est passe la subvention encore du travail d'illusioniste il considere les francais comme des idiots il faut que cela change

à écrit le 02/07/2022 à 8:27
Signaler
Il n'a jamais était mieux placé pour créer les problèmes, cela afin d'imposer "sa" solution! On voit les dégâts, on espère que cela ne sera pas pire et au bout du compte on se résigne a garder l'adolescent en place avec son percepteur McKron!

à écrit le 01/07/2022 à 21:32
Signaler
C'est clair qu'en se coupant de l'approvisionnement Russe en fossiles, l'objectif de 40% de "renouvelables dont les matières premières ne le sont pas" en 2050 sera plus facilement atteint

à écrit le 01/07/2022 à 20:37
Signaler
Pourquoi ne pas oser Mc KJinsey l' a remplacé puisque c' est la réalité sur tous les sujets?..!

le 02/07/2022 à 8:30
Signaler
m macron doit faire une loi interdisant a tous les ministres et au president de la republique de se deplacer avec des vehicules qui consomme de l'essence ou du gaz oil il veut punir les francais il se doit de commencer par lui meme

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.