Pologne : pendant le feuilleton politique, les affaires continuent

Le parti au pouvoir en Pologne va-t-il être en mesure de mener sa politique? Une feuille de route a été imposée par son prédecesseur, via notamment l'attribution de fonds européens. Par Patrick Edery, PDG de Partenaire Europe
Beata Szyldlo, premier ministre polonais, membre du parti Droit et Justice (PiS)

La démocratie a-t-elle encore sa place en Pologne après la victoire du PiS ? Comment les polonais ont-ils pu voter en faveur d'un gouvernement nationaliste prônant des lois liberticides ? Ce gouvernement peut-il légitimement participer aux décisions de l'U.E. ? Telles sont les interrogations des plus hautes instances de l'Union européenne, relayées par les médias du continent qui dépeignent une Pologne morose, sous la coupe d'un dirigeant qui ferait preuve de graves dérives autoritaires.

Une lutte sans merci entre deux courants de Solidarnosc

Nous assistons, de fait et avant tout, à une lutte sans merci entre les deux courants historiques du célèbre mouvement Solidarnosc : les libéraux incarnés par le parti Plateforme civique (PO) et l'aile des conservateurs sociaux (Droit et Justice : PiS) qui vient de reprendre, en deux élections, la présidence de la République et le Parlement à son meilleur ennemi la PO.

Le courant libéral, mauvais perdant?

Ces deux courants sont incarnés respectivement par deux hommes qui se détestent : Donald Tusk, Président du Conseil Européen et fondateur de la PO, et Jaroslaw Kaczynski, Président du PiS. Certains observateurs polonais accusent directement la PO, mauvaise perdante, d'organiser une campagne au niveau européen afin d'enlever toute légitimité au PiS de gouverner et de l'empêcher de mettre en place ses réformes de redistribution des richesses. Il semble que ce soit aussi la perception de nombre de polonais puisqu'au plus fort de la crise avec l'U.E., la PO dégringolait dans les sondages alors que le PiS se renforçait.

Les réformes engagées par le PiS, souvent présentées en Europe comme liberticides, ne sont en réalité pas si extrêmes. Concernant les médias, en Pologne comme dans beaucoup de pays, il est habituel qu'un changement de majorité s'accompagne d'un changement de dirigeants des sociétés à capitaux publics ; d'ailleurs, en France, le choix du dirigeant des chaines publiques par le pouvoir politique n'est pas inconnu. Il en est de même quant à la fusion du parquet et du ministère de la Justice,. La vraie faute (et de taille) du PiS est d'avoir voulu remplacer les juges constitutionnels que son adversaire, la PO, avait nommés légalement, juste avant les résultats des élections. Le PiS souhaitait ainsi réparer ce qu'il considérait comme une injustice.

Gagnants de la mondialisation et laissés pour compte

On a aussi l'habitude de décrire les électeurs du PiS comme nationalistes et intégristes catholiques et ceux de la PO comme laïcs et pro-européens. S'il existe bien une fracture, elle est plutôt entre ceux qui profitent de la mondialisation et les laissés pour compte. Il s'agit de deux « clientèles » aux intérêts divergents représentant chacune environ 30% de l'électorat. Au pays de Lech Walesa, les partis de gauche ayant quasiment disparu, c'est le PiS qui s'est accaparé les laissés pour compte en proposant une nouvelle redistribution des fruits de la croissance exceptionnelle que connait la Pologne depuis 10 ans.

Une feuille de route économique, sous influence européenne

Or ce dernier, qui a été élu haut la main, arrive au pouvoir alors que son adversaire a non seulement cadenassé de nombreuses institutions, mais lui a surtout imposé une véritable feuille de route économique à suivre via les fonds européens.
En effet, c'est la PO qui a négocié, lors de la précédente législature avec l'Europe, la nouvelle période de programmation européenne et qui a mis en place les plans de développement. Ainsi jusqu'en 2020, le PiS n'a que très peu de latitude pour imposer une nouvelle politique économique. De l'avis de nombreux experts, le parti n'a pas les moyens financiers d'une politique plus interventionniste et même s'il arrivait à dégager, par miracle, des marges de manœuvre, « au pire », il ne ferait que donner plus de pouvoir d'achat à certaines catégories de la population.

Paradoxalement, le feuilleton qui se joue actuellement ne fait que renforcer le camp des eurosceptiques, polonais mais aussi britanniques, qui y voient un nouveau déni de démocratie : les polonais se sont exprimés et on met à l'index leur gouvernement qui souhaite appliquer les mesures pour lesquelles il a été démocratiquement élu. En cas d'échec lors de son mandat, le PiS a déjà une excuse toute trouvée.

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Commentaires 14
à écrit le 05/02/2023 à 15:07
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La Pologne doit surtout forcer sa frontière rivière bug avec les russes en détruisant tous les ponts en minant l eau, l ukraine aurait dû le faire pour gagner un an de guerre

à écrit le 02/02/2016 à 20:36
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Les Femmes d’extrême droite sont les meilleures ennemies des femmes non sectaires et progressistes…L’Autoritarisme s’allie très bien au sacré des religieux pour cela … Comme c’est le propre des extrémismes de proposer des icônes Marine Le Pen, égéri...

à écrit le 02/02/2016 à 15:49
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Encore et toujours le jeu politique et les luttes de pouvoir au-dessus de notre démocratie. Quand la classe politique comprendra-t-elle qu' il est nécessaire d'agir pour le peuple avant tout ?! Laisse le peuple décider, peut être qu il sera meilleur ...

à écrit le 02/02/2016 à 15:48
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Article intéressant qui nous montre un point de vue différent que celui de BFM sur la situation en Pologne.

à écrit le 02/02/2016 à 15:43
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Enfin un article détonnant dans le piètre paysage médiatique français ! Les habitants de notre pays devraient s'inspirer des électeurs Polonais.

à écrit le 02/02/2016 à 15:27
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Si la Pologne n’est pas exemplaire sur le point de vue politique, il est bon de lire enfin un article qui reflète la réalité sur le terrain : les Polonais non seulement continuent à faire des affaires mais en plus,ne ressentent aucunement un climat ...

à écrit le 02/02/2016 à 14:36
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Bon article merci. Remarquons tout de même que plus l'union européenne s'immisce dans les affaires d'un de "ses" pays plus sa population souffre.

à écrit le 02/02/2016 à 13:31
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Ne nous y trompons pas, c'est ce qui pend au nez de la France avec l'effondrement de la gauche et l'émergence du FN...

le 02/02/2016 à 15:55
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Entièrement d'accord, il nous faut réagir, Français !! Mettons fin aux discours démagogues du FN ! Il est temps que la population française soit actrice de sa politique.

à écrit le 02/02/2016 à 13:23
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" Le Pis poursuit un plan à long terme : former 'un nouveau type de Polonais.' Cela va passer notamment par une réforme de l'éducation où le patriotisme et les valeurs catholiques vont être mis à l’honneur." (J Kurski)…Alléluia !!! Mais quand les dro...

le 02/02/2016 à 15:34
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Doit-on vous rappeler que la dame en photo est 1er ministre d un pays selon vous dirigé par un parti qui souhaite réduire les droits de la femme a néant ?

le 02/02/2016 à 18:10
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Vous confondez Femmes et Féminisme, les femmes sont les pires ennemies des autres femmes car elles veulent imposer leurs propres lois ...beaucoup de femmes gèrent le trafic sexuel et le maintient de la charia pour Daesh......Au fond on peut en dire a...

le 19/02/2016 à 18:15
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Bonnes observations. "Former 'un nouveau type de Polonais" et changer l'histore, p.ex. en eliminant les symboles de la liberte et de la democartie de la Pologne comme Lech Walesa ....

à écrit le 02/02/2016 à 12:34
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Décidément cette europe n'est pas démocratique! Ce sont les peuples qui doivent décider quels dirigeants ils veulent et pour faire appliquer ce que le peuple désire;Point Barre

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