Relance post-Covid et égalité femmes-hommes

OPINION. Pour qu'il reste de cette crise sanitaire autre chose qu'un pur cauchemar, nous devons penser le redémarrage économique et les mesures qui l'accompagnent comme l'opportunité d'une redéfinition de notre modèle économique. Par Me Violaine de Filippis-Abate, Avocate en droit des affaires (*)
(Crédits : Reuters)

D'après de récents sondages, les Français seraient favorables à l'instauration d'une taxe pour financer la relance, à condition qu'elle ne soit pas assise sur l'épargne. Le FMI s'est également positionné en ce sens dans son dernier rapport semestriel de suivi budgétaire.

Plus concrètement, un levier qui ne semble pas encore avoir été évoqué par le gouvernement pourrait être de geler la baisse de l'impôt sur les sociétés. En effet, celui-ci doit normalement atteindre un taux de principe de 25% en 2022, qui s'appliquera à la marge de bénéfice net supérieure à 38.120 euros. Il s'agirait donc de le maintenir temporairement à son taux actuel de 26,5%, et de reporter l'abaissement d'un point et demi à une période ultérieure. Rappelons que cela ne toucherait que les activités « solides » puisque la tranche de bénéfice net inférieure à 38.120 euros est soumise à un taux de 15% d'imposition.

La France devrait également bientôt pouvoir bénéficier de nouvelles recettes fiscales liées à l'économie numérique. En effet, l'OCDE soutient l'instauration d'une taxe sur toutes les activités numériques retenant comme critère le lien géographique par rapport au chiffre d'affaires enregistré pour la répartition des droits d'imposition, et donc indépendamment de leur établissement fiscal. Par ailleurs, l'OCDE préconise l'instauration d'un taux d'imposition minimum au niveau mondial, permettant ainsi de lutter contre les transferts de bénéfices vers des pays à faible fiscalité. Cela se traduirait par une meilleure taxation des GAFA, plus large que celle qui existe en France depuis la taxe dite « taxe GAFA » adoptée le 11 juillet 2019.

Comment dessiner un monde moins inégalitaire ?

Le FMI lui-même recommande d'orienter les mesures en ce sens. Non par philanthropie ou socialisme (il est question du FMI), mais parce que les inégalités coûtent de l'argent. Sont ainsi expressément cités au premier plan des enjeux, l'environnement et l'éducation. Qu'en est-il cependant de l'égalité femmes-hommes ?

Rappelons sur ce point que la Commission européenne a adopté en juillet 2020, le plan de relance post-covid « Next Generation UE », visant à débloquer jusqu'à 800 milliards pour une Europe plus égalitaire, dont un des objectifs est l'égalité femmes-hommes. À cet égard, une résolution du Parlement européen du 11 février 2021 invite la Commission à examiner la participation des femmes au marché du travail et à veiller à ce que ces dernières participent de manière significative aux principaux organes décisionnels et à la conception de plans de relance économique.

On regrette cependant que les objectifs concrets du plan « Next Generation UE » concernant l'égalité soient encore flous et peu détaillés. On regrette également que le FMI n'ait pas visé explicitement dans son dernier rapport, l'égalité femmes-hommes comme étant un des axes d'orientation des mesures budgétaires ; bien que l'on suppose qu'il soit compris dans son objectif fourre-tout de « croissance inclusive ».

Dès lors, par-delà les sempiternelles déclarations d'intention, comment favoriser concrètement l'égalité dans le cadre d'un nécessaire plan de relance post-covid ?

On sait qu'aujourd'hui seulement environ 1 société sur 4 est dirigée par une femme, et que moins de 20% des cadres dirigeants sont des femmes.

Encourager les sociétés n'ayant pas souffert de l'épidémie à investir dans d'autres sociétés détenues majoritairement et dirigées par des femmes, permettrait de relancer l'économie en injectant de l'argent et donc en favorisant la croissance, le tout dans une voie plus égalitaire.

Une mesure simple et efficace pourrait être envisagée : celle de l'instauration d'une réduction d'impôt pour les sociétés qui investiraient dans des TPE ou PME viables dirigées et détenues majoritairement par des femmes. Plusieurs points seraient à définir, notamment le montant qui serait déductible des impôts et les sociétés éligibles.

L'égalité femmes-hommes, des mots jusqu'ici...

À cet égard, on peut faire un parallèle avec la réduction d'impôt existant déjà en France et ouverte aux particuliers, leur permettant d'investir dans des PME qui ne soient pas « en difficultés » au sens du règlement européen du 17 juin 2014. La notion de « viabilité » de la société est donc une condition à l'ouverture du droit à cette réduction d'impôt. On pourrait ainsi s'inspirer de ce système pour déterminer quelles seraient les sociétés considérées comme éligibles tout en allégeant les critères pour prendre en compte les effets de la crise sanitaire sur l'économie.

Rappelons par ailleurs qu'il existe également en France un système qui consiste pour une société, à obtenir un agrément préalable du ministre chargé du budget, afin de pouvoir ouvrir droit pour ses investisseurs à une réduction d'impôt. Toutefois, l'urgence de la mise en place de mesures post-covid semble condamner une telle procédure qui consisterait à solliciter des agréments, ralentissant ainsi l'effectivité du dispositif.

Enfin, une distinction serait à faire entre la souscription au capital et l'injection d'argent dans les sociétés qui seraient éligibles. En effet, il semblerait opportun de soumettre la réduction d'impôt à la condition que la souscription au capital s'accompagne d'un apport en compte-courant. Autrement dit, que les investisseurs injectent de l'argent en trésorerie dans les sociétés concernées et ne se contentent pas de rentrer au capital, ceci afin de permettre une croissance de l'activité. A noter que l'assiette de la réduction d'impôt ne concernerait que la souscription au capital, l'argent injecté en trésorerie étant récupérable ultérieurement par les investisseurs s'agissant d'un « prêt ».

Dans notre démocratie libérale, qu'on s'en réjouisse ou le déplore, tout finit par être une question d'argent, même l'égalité. Ainsi, si l'égalité femmes-hommes s'est bien gavée de mots jusqu'ici, elle nécessite désormais, et plus que jamais, de l'argent.

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(*) Par Violaine de Filippis-Abate, Avocate au barreau de Paris, créatrice du cabinet d'affaires Artemis : cabinet labellisé économie sociale et solidaire (ESS) et engagé pour l'entrepreneuriat féminin.

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Commentaire 1
à écrit le 30/04/2021 à 9:21
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" Pour qu'il reste de cette crise sanitaire autre chose qu'un pur cauchemar" Merci beaucoup pour cette introduction qui détonne de la plupart des interventions machinalement mièvres alors que nous vivons une période profondément tourmentée la plu...

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