« Le virus des inégalités » ? C'est en tout cas ce qu'affirme une étude d'Oxfam sur la pauvreté publiée cette semaine. A ce constat s'ajoute une autre réalité : un an de pandémie a rallongé de 36 ans l'égalité hommes-femmes, soit une génération, observe l'édition 2021 de l'étude que le Forum économique mondial consacre à ce sujet tous les ans. Si bien qu'il faut désormais 135,6 années de « progrès », selon le Forum, dans les domaines de l'économie, la politique, l'éducation et la santé pour combler les écarts entre les sexes. Or, il en fallait déjà 99,5 en 2020, ajoute le rapport. Autrement dit, c'est toute une génération supplémentaire de femmes qui connaitront des inégalités pendant leur vie.
En cause : entre les tâches ménagères et les secteurs dans lesquels elles travaillent, elles ont été particulièrement touchée par la pandémie, explique le rapport 2021 du « Global Gender Gap », qui calcule l'indice mondial des disparités entre les sexes. Pour toutes ces raisons, le Covid a augmenté les inégalités entre les sexes, en particulier économiques et politiques, explique l'enquête.
Dans d'autres domaines cependant, des progrès ont été observés, fait valoir le rapport du Forum économique mondial. C'est le cas de l'éducation, où il ne manque plus que 14,2 années pour atteindre la parité hommes-femmes. Par ailleurs, c'est à la France que revient la première position en matière d'éducation, note l'étude. Dans la santé aussi, « l'écart femmes-hommes a été comblé à plus de 95% », ajoute-t-elle.
Au total, les pays scandinaves s'en sortent le mieux en termes d'égalité entre les sexes, avec l'Islande en tête de classement, note l'enquête. Au contraire, c'est au Moyen-Orient et en Afrique du Nord que les écarts à combler sont encore le plus importants.
L'impact économique du Covid
En fait, c'est dans la sphère économique que la pandémie a surtout pénalisé les femmes, explique le rapport. De manière directe, les secteurs les plus touchés par la crise emploient une main d'oeuvre majoritairement féminine : par exemple, elles représentent près de 49% des personnes travaillant dans l'hébergement et la restauration, fortement impactés par les confinements et les restrictions sanitaires. Par conséquent, leur taux de pertes d'emploi a été plus élevé : 5% contre 3,9% chez les hommes, d'après les données de l'Organisation Internationale du Travail.
Dans la vie économique post-Covid aussi les femmes sont pénalisées : depuis la reprise, elles sont embauchées à un rythme plus lent que les hommes et pour des postes moins élevés, révèlent les données Linkedin citées par l'étude.
Les femmes sont très représentées dans les secteurs qui ont été le plus impactés par la pandémie, comme l'éducation et la restauration, révèle le rapport 2021 « Global Gender Gap ».
Par ailleurs, la pandémie a eu un impact indirect sur les inégalités entre les sexes, à travers les confinements, ajoute le rapport. En effet, elles ont vu leur charge de travail domestique augmenter plus que les hommes, avec la garde des enfants et les tâches ménagères.
Ainsi, « la pandémie a eu un impact fondamental sur l'égalité femmes-hommes, tant sur le lieu de travail qu'à la maison, faisant reculer des années de progrès », résume Saadia Zahidi, membre du Comité Exécutif du Forum Économique Mondial.
Combinée à cette augmentation de la « double charge » de travail, la pandémie a par ailleurs accéléré l'automatisation de l'économie, souligne l'étude. Pourtant, ces « emplois de demain » sont aussi les métiers où les femmes sont les moins représentées, note-t-elle. En effet, elles ne comptent que pour 14% des employés du « Cloud Computing », 20% dans l'ingénierie, et 32% de la Data et de l'IA
Pour réduire les « ségrégations professionnelles », le communiqué préconise ainsi d'utiliser la reprise pour mettre en place « des politiques efficaces de développement des compétences en milieu de carrière incluant une approche d'équité entre les sexes ».
Une participation politique en baisse
À côté des inégalités économiques, la pandémie a fortement diminué la participation à la vie politique des femmes, ajoute le rapport. Dans le détail, elles n'occupent que « 26,1% des sièges parlementaires et 22,6 % des postes ministériels dans le monde ». Dès lors, il leur faudra désormais 145,5 ans pour combler les écarts en politique avec les hommes, contre 95 ans en 2020, soit une hausse de 50%.
D'ailleurs, la France est particulièrement mauvaise en matière d'égalité politique : alors qu'elle est 16ème au classement général, elle n'est que 20ème en termes d'émancipation politique des femmes.
Le rapport du Forum économique mondial sur les inégalités hommes-femmes classe les pays en fonction des écarts entre les sexes. Leur score traduit le pourcentage d'inégalités qui ont déjà été comblées dans quatre domaines d'étude. Les variables utilisées pour calculer l'indice des disparités hommes-femmes se basent sur des indicateurs de l'Organisation internationale du Travail, le Programme des Nations unies pour le développement et l'Organisation mondiale de la santé.