Une aspirine pour Mark Zuckerberg

VU DE LA SILICON VALLEY. À l'approche de l'élection présidentielle américaine, qui aura lieu le 3 novembre prochain, Facebook se retrouve dans une position très inconfortable, piégé entre sa volonté de donner la parole à chacun sans discrimination et le risque que la désinformation fait peser sur la démocratie. Mais en voulant ainsi ménager la chèvre et le chou, Facebook s'est mis à dos les deux camps politiques.
Les équipes de modérateurs chargés par Facebook de combattre la désinformation sur sa plateforme ont pour ordre de ne pas toucher aux publications des politiques.
Les équipes de modérateurs chargés par Facebook de combattre la désinformation sur sa plateforme ont pour ordre de ne pas toucher aux publications des politiques. (Crédits : Stephen Lam)

Mark Zuckerberg apportant son soutien à Donald Trump : cette information pour le moins étonnante, nombre d'Américains l'ont vue apparaître sur leur fil d'actualité Facebook, illustrée par une photo du jeune entrepreneur serrant la main du président américain. Mais ceux qui ont pris le temps de lire le petit texte accompagnant la publication se sont vite rendu compte qu'elle n'avait rien d'authentique. Il s'agit en réalité d'une publicité achetée par Elizabeth Warren, candidate à l'investiture démocrate. Son objectif : montrer comment le refus de Facebook de modérer le discours des politiciens permet à ceux-ci de mentir ouvertement au public et de manipuler l'opinion.

En effet, les équipes de modérateurs chargés par Facebook de combattre la désinformation sur sa plateforme, qui peuvent diminuer la viralité des contenus dangereux et mensongers comme les campagnes anti-vaccins, ont pour ordre de ne pas toucher aux publications des politiques, qu'il s'agisse de publicités ou de simples prises de parole. Un choix que Facebook  justifie par sa volonté de ne pas prendre position dans l'arène politique.

Position inconfortable

Début octobre, quelques jours avant le canular diffusé par l'équipe d'Elizabeth Warren, ce principe a suscité la controverse lorsque le réseau social a refusé de retirer une vidéo publicitaire de la campagne de Donald Trump colportant des informations mensongères sur Joe Biden, autre candidat à l'investiture démocrate. Un refus également exprimé par Twitter.

Mais contrairement à Facebook, l'entreprise de Jack Dorsey a depuis retourné sa veste en interdisant purement et simplement sur sa plateforme les spots publicitaires diffusés par des candidats à une élection. Un changement de cap que Mark Zuckerberg se refuse à adopter, mettant en avant le premier amendement américain, qui protège la liberté d'expression et rend toute velléité de censure très délicate aux États-Unis. À l'approche de l'élection présidentielle, qui aura lieu le 3 novembre prochain, Facebook se retrouve ainsi dans une position très inconfortable, piégé entre sa volonté de donner la parole à chacun sans discrimination et le risque que la désinformation fait peser sur la démocratie.

Maux de tête

Utilisée par 70 % des adultes américains, la plateforme est montrée du doigt pour avoir facilité la circulation de fausses informations lors de la campagne de 2016, dont le « Pizzagate », une théorie conspirationniste qui accusait des proches de Hillary Clinton de se livrer à un trafic d'enfants dans l'arrière-salle de la pizzeria Comet Ping Pong, à Washington. Vivement critiqué par les démocrates, qui accusent le réseau social d'avoir aidé l'élection de Trump en laissant circuler ce type de fausses rumeurs, Facebook s'attire aussi les foudres des républicains. Ces derniers l'accusent de secrètement réduire la viralité des posts publiés par les membres de leur famille politique et de fermer les comptes des journalistes conservateurs, sous couvert de lutte contre les propos haineux. Des accusations dont le sénateur du Texas Ted Cruz s'est fait le porte-parole lors du passage de Mark Zuckerberg devant le Sénat en avril 2018. Rappelons que la Silicon Valley, où se trouve Facebook, est un véritable bastion démocrate, ce qui attise les soupçons des républicains. En voulant ménager la chèvre et le chou, Facebook s'est ainsi mis à dos les deux camps. La campagne présidentielle s'annonce riche en maux de tête pour Mark Zuckerberg.

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Commentaire 1
à écrit le 11/02/2020 à 8:52
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"Facebook s'est mis à dos les deux camps politiques" Permettant ainsi de faire plus confiance à MZ. Bravo ! Une "aspirine" alors que vous devriez louer cette indépendance mais connaissez vous encore la signification de ce mot ? Gros mot pour ...

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