Esseulé, le Centre-Val de Loire entend « relever le défi » et faire ses preuves

Cet article clôt notre tour de France des 13 nouvelles régions, commencé dans notre édition du 11 septembre 2015... Avec ses six départements, le Centre-Val de Loire, qui est resté dans ses frontières initiales, estime pourtant avoir la taille critique pour peser dans le concert territorial.
L'hôtel de ville de Tours.

Elle était jusqu'à présent une des plus grandes régions de France, avec six départements et un territoire vaste comme la Belgique et le Luxembourg réunis. Elle est aujourd'hui la plus petite région française en nombre d'habitants. Elle faisait pourtant les yeux doux aux Pays de la Loire, à Poitou-Charentes voire au Limousin. Mais personne n'a voulu d'elle. Elle reste donc seule, dans le même cadre territorial, mais en ayant gagné l'appellation « Val de Loire » qu'elle peut désormais accoler à ce « Centre » anonyme et mal identifié. « Ce n'est pas une preuve de désamour, constate François Bonneau, le président socialiste de la Région qui fait contre mauvaise fortune bon coeur, c'est le résultat d'une histoire. Et seul ne veut pas dire isolé. »

Un déficit de R&D et étudiants

La région entend même rebondir de ce « désamour » et du manque d'attractivité que l'opposition de droite a mis en avant. Mais alors que nombre de grandes régions vont se tirailler pour des questions de préséance, de choix de capitale régionale, de réorganisation des services, de course effrénée aux économies de gestion ou de réduction d'effectifs, rien de tout cela dans le Centre-Val de Loire. « Au contraire, poursuit François Bonneau, nous sommes directement opérationnels, nous pouvons poursuivre sur notre lancée, ce qui peut être un avantage compétitif par rapport à d'autres grandes régions. » Objectif premier : gommer les inégalités territoriales, préserver et reconstituer un tissu industriel fragilisé.

Le Centre est aujourd'hui tiré par « l'axe ligérien », le Val de Loire et ses deux villes Orléans et Tours, alors que le Berry au sud reste à la traîne, tandis que l'Eure-et-Loir au nord est de plus en plus dans l'orbite francilienne. C'est vrai au niveau économique comme démographique, même si globalement la région reste démographiquement dynamique, avec une part importante de jeunes. Son tissu industriel reste porteur grâce à des secteurs comme la pharmacie et les cosmétiques, avec de grandes unités délocalisées de l'Île-de-France dans les années 1970. Mais cette délocalisation a fait migrer les sites de production sans toujours y adjoindre les services de recherche et développement, puisque cette R & D n'atteint que 1 milliard d'euros, soit 1,5 % du PIB régional, loin de l'objectif de 3 % fixé par la stratégie de l'Union européenne « Europe 2020 ». Et pourtant, la région compte de nombreux laboratoires et centres de recherche (Inra, BRGM, CNRS, CEA, etc.). « Nous avons la chance d'avoir une industrie diversifiée, avec des points forts dans l'aéronautique, l'automobile, la pharmacie ou les cosmétiques, explique Jean-Louis Garcia, directeur général formation, recherche, économie et emploi au conseil régional, mais rien n'est

intangible. Ainsi la pharmacie va être touchée par les biomédicaments qui peuvent se fabriquer ailleurs, tandis que les cosmétiques, encore protégés par le Made in France, peuvent souffrir de la faiblesse de leur R&D. »

Le Centre pâtit d'une autre faiblesse : la formation des jeunes avec en particulier un déficit d'étudiants, explicable en partie par un taux de fuite important vers les universités extérieures, notamment parisiennes. L'un des buts de la région affiché dans son schéma « Ambitions 2020 » est d'ailleurs de faire passer le nombre d'étudiants à 70000 en 2020. « L'objectif est en voie d'être atteint, explique Marie-Madeleine Mialot, présidente de Centréco, l'agence de développement économique régionale. Nous avions 53 000 étudiants il y a cinq ans, ils sont près de 60 000 aujourd'hui, des écoles d'ingénieurs ont été créées à Blois, Bourges, Châteauroux et Chartres. »

Des acteurs économiques et des élus ambitieux

Si des nuages pèsent sur l'avenir économique de cette région, l'horizon se dégage sur d'autres fronts : l'économie numérique avec la French Tech Loire Valley, la métrologie, l'écologie, le tourisme, ainsi que l'agroalimentaire avec des initiatives comme Open Agrifood, le « Davos de l'agroalimentaire » lancé par Xavier Beulin, président du Ceser mais aussi de la FNSEA, associé à l'industriel Emmanuel Vasseneix, de LSDH. C'est vrai encore avec AgreenTech Valley, la « vallée numérique du végétal » portée par l'agglomération d'Orléans. Avec les nouvelles compétences imposées par la loi NOTRe, la région va désormais régenter seule les aides économiques :

« Nous serons une région moyenne, espère Jean-Louis Garcia, mais avec plus de réactivité grâce à une organisation plus efficace, optimisée, simplifiée. Cela va compter. » Tout comme comptera la future gouvernance : François Bonneau (PS), candidat à sa succession, a promis de « doubler en cinq ans le budget consacré à la croissance des entreprises », tandis que Philippe Vigier, à la tête de l'union UDILR-Modem, promet « un plan de relance de 100 millions en deux ans ».

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[ENCADRE:]

Une opportunité pour "ressouder" la région

Le non-élargissement de la région pourrait paradoxalement représenter une occasion pour cimenter un territoire divisé entre Orléans et Tours.

Et si la recomposition territoriale et la solitude du Centre étaient avant tout une chance ? C'est ce qu'estiment les principaux dirigeants régionaux : pour eux, cette région en manque d'identité et écartelée entre différents pôles pourrait y gagner en unité. Il est vrai qu'elle vit depuis les années 1960 une compétition sourde entre Orléans et Tours, cette dernière, ville la plus importante, n'ayant jamais accepté qu'Orléans soit reconnue comme capitale régionale. « Plus petit, on doit s'unir sous peine d'être relégué en seconde division », soupire Marie-Madeleine Mialot, pour qui « la région manque avant tout de métropole ».

Position appuyée par Jean-Louis Garcia mais réfutée par Xavier Beulin : « Certes, une métropole unique serait un atout, mais on peut compenser cette absence par une économie collaborative et par de nouveaux liens entre les territoires. » C'est notamment le rôle attribué à l'économie numérique chargée de recoller les morceaux de la région. Engagées chacune dans une démarche de labellisation nationale, Tours et d'Orléans ont finalement décidé de s'unir au sein de la French Tech Loire Valley, qui réunit les deux agglomérations et plusieurs dizaines d'entreprises. Pour cela, les agglomérations disposent de deux lieux totems proches du centre-ville : la friche industrielle Mame, à Tours, ancienne imprimerie de 17 000 m2, et le Lab'O de 18 000 m2, à Orléans, à la place de l'ancien laboratoire Sandoz. Un dossier unique de labellisation a donc été déposé mais recalé en juin par le ministère. Pas grave, semble dire le maire d'Orléans, Olivier Carré (LR), « cette labellisation aurait été un plus, mais cela ne freine pas notre dynamique, cela nous pousse même à aller plus loin, plus vite et à déposer un nouveau dossier ».

Une future labellisation pourrait s'appuyer sur des atouts thématiques comme l'agriculture numérique ou l'e-tourisme, deux des points forts de la région et également répartis sur le territoire. Les deux agglomérations ont aussi décidé de porter un fonds d'investissement commun de 20 millions d'euros pour donner de la substance à la French Tech Loire Valley.

L'autre faiblesse congénitale de la région, la division entre les deux universités de Tours et d'Orléans, est en voie d'effacement pour aller vers un rapprochement. « Il faut une université fédérale, insiste Jean-Louis Garcia, je suis persuadé que dans quatre ans, il n'y aura qu'une seule université dans la région. »

Les nouvelles compétences de la loi NOTRe vont aussi apporter un nouveau ciment à la région. « Nous devrons travailler avec les intercommunalités pour organiser le développement économique, poursuit Marie-Madeleine Mialot, mais il y a encore trop d'intercommunalités dans la région - 126 aujourd'hui, moins de 100 en 2016 -, cela freine le travail. » Les rapprochements, jugés improbables hier, gagnent pourtant des points à l'image de Bourges (président UDI) et Vierzon (PCF) qui travaillent à la création d'une seule agglomération. (J.-J. T.)

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