Maryse Gautier : la ville pour mission

Co-présidente du bureau préparatoire de Habitat III, la « COP du logement » qui s’ouvre lundi en Equateur, la Française souhaite que la conférence débouche sur des moyens concrets de mise en œuvre de villes durables, inclusives, sobres en énergie et en ressources.
Dominique Pialot
Maryse Gautier, co-présidente du Comité préparatoire de Habitat III.

« Les villes ont besoin de vous, et vous avez besoin des villes », aime à répéter Maryse Gautier. A la veille de la troisième conférence de l'ONU dédiée à l'habitat, dont elle a co-présidé le comité préparatoire avec la ministre du logement équatorienne Maria Duarte, elle partage avec La Tribune les enjeux concernant l'avenir de la ville.

Rien d'étonnant à ce qu'en septembre 2014, Maryse Gautier ait été choisie pour représenter la France dans la préparation de Habitat III. Avant d'entrer au Conseil général de l'environnement et du développement durable, l'équivalent de l'Inspection des Finances pour les Ministères de l'Environnement et du Logement,  elle a en effet acquis une expérience de la ville sous toutes les latitudes et tous les angles. En dix-sept ans à la Banque Mondiale et une incursion à la Caisse des Dépôts, elle s'est penchée aussi bien sur les villes colombiennes, les risques d'inondation en Argentine, les catastrophes naturelles aux Caraïbes, le changement climatique au Maghreb, les problématiques liées au cadastre, à la résorption de bidonvilles, au logement pour les bas revenus, au patrimoine culturel, au financement municipal dans le Bassin méditerranéen, et a vécu quatre ans aux Philippines...Un parcours idéal pour représenter la France, désignée co-présidente du comité préparatoire.

Trois conférences seulement en 40 ans

Habitat III, qui se déroule à Quito (Equateur) du 17 au 20 octobre sur le thème « Le développement urbain durable : l'avenir de l'urbanisation ? », n'est que la troisième édition de cette conférence des Nations unies dédiée aux « établissements humains ». Cette « COP de l'habitat » s'est tenue pour la première fois à Vancouver en 1976. C'est dans la foulée de la deuxième conférence à Istanbul en 1996 qu'a été créé le programme « ONU Habitat . Mais en 40 ans, la problématique a évolué.

« Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement d'aider les villes des pays pauvres », observe Maryse Gautier.

Inférieur à 40% en 1976, d'environ 45% vingt ans plus tard, le taux d'urbanisation de la population mondiale atteint aujourd'hui 54% et devrait passer à près de 70% à l'horizon 2050. Combiné à l'évolution démographique, cela signifie que d'ici là, la population urbaine va passer de 3 à 6 milliards d'habitants. 90% des nouvelles villes de plus de 5 millions d'habitants se trouveront au Sud.

« Il y a bien un enjeu autour des villes du Sud, reconnaît Maryse Gautier. Mais celles du Nord aussi sont confrontées à des défis importants », souligne-t-elle.

Et de citer la décroissance démographique (au Japon, à Detroit...), le vieillissement de la population, les migrants, et l'étalement urbain qui se poursuit encore et toujours. Le nouvel agenda urbain qui résultera de la conférence Habitat III a donc vocation à résoudre des défis distribués entre Nord et Sud. Si le problème est universel, les solutions sont, elles, à trouver au cas par cas.

Priorité aux moyens de mise en oeuvre

Depuis 2014, un bureau, nommé par le comité préparatoire et regroupant les représentants de dix pays issus des cinq régions onusiennes planche sur ce texte. Conférences régionales et thématiques, policy papers dédiés à des sujets identifiés par le bureau, dialogues avec des représentants de collectivités locales et d'ONG...de nombreuses initiatives ont permis d'alimenter les réflexions.

La compilation de ces travaux a débouché sur un texte de 25 pages consultable depuis septembre sur le site des Nations unies, le Nouvel Agenda Urbain. Contrairement à la COP sur le climat, pas de suspens quant à la déclaration finale. Le texte satisfait toutes les parties, malgré les tensions qu'a pu susciter notamment le rôle dévolu à ONU Habitat dans l'après Habitat III. In fine, le programme, dont l'efficacité ne fait pas l'unanimité, fera dans un premier temps l'objet  d'une évaluation par le secrétariat général des Nations unies.

« C'est parfait de ne pas devoir passer du temps en négociations, se réjouit Maryse Gautier. Cela permet de se consacrer à des sujets concrets favorisant la mise en œuvre des principes décidés collectivement. »

Des principes qui, sur fond de subsidiarité, mettent la ville et les populations au centre. Engager les financeurs, mobiliser l'aide bilatérale et internationale, mobiliser les gouvernements, pour que les villes puissent très vite trouver les moyens de répondre aux défis, ces objectifs figurent en bonne place dans le programme de la conférence.

Un suivi lié aux objectifs de développement durable

Afin de ne pas ré-itérer la faiblesse  des résultats déplorée suite aux précédentes éditions, Habitat III « qui doit être le début d'une autre façon de voir les choses », veut mettre l'accent sur la mise en œuvre.

« Le suivi d'Habitat III sera lié à celui sur les objectifs de développement durable (ODD) se réjouit Maryse Gautier. Cela va obliger les Etats à rendre compte de façon formelle »

Les ODD, qui prennent la suite des objectifs de développement du millénaire (ODM) constituent en effet l'un des programmes phares de l'ONU. On peut donc espérer qu'à l'inverse de ce qui s'est passé après Istanbul, les progrès post-Habitat III soient mesurés à l'aune d'indicateurs dont certains pourraient être des déclinaisons de ces ODD à l'échelle des villes, tels que le pourcentage de la population urbaine ayant d'accès à l'eau potable.

« La mise en œuvre de la vision dégagée par Habitat III doit être matricielle, avec une gouvernance qui réponde à la fois à la ville inclusive, attractive et sobre. »

Eviter des villes pour riches dans les pays en développement

Les villes, notamment celles regroupées au sein du réseau CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis), réclament une implication plus formelle dans le suivi. D'autres acteurs de la ville, des entreprises aux ONG, ont leur rôle à jouer dans la mise en œuvre du nouvel agenda urbain. Les entreprises responsables du WBCSD (World Business Council on Sustainable Development), et tous les grands acteurs privés français de la ville, ont participé à l'élaboration des travaux.

« Mais dans les pays en développement, il faut veiller à ce que des gouvernements locaux faibles ne laissent pas le privé construire une ville pour les riches, met en garde Maryse Gautier. C'est au secteur public d'être vigilant ».

Les entreprises ont d'ailleurs démontré qu'elles pouvaient trouver un équilibre financier en proposant des offres adaptées aux populations défavorisées.

Côté société civile « on sent un grand dynamisme, un fourmillement d'initiatives dont nous devons tirer profit ». Quant aux ONG, Maryse Gautier les incite à « nous bousculer, que ce soit pour travailler avec nous ou à côté, et à ne pas cesser de jouer les mouches du coche ».

Dominique Pialot

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