Séverine Sigrist, une carrière dans les thérapies cellulaires

WOMEN FOR FUTURE. Jeune chercheuse en sciences médicales, Séverine Sigrist a mis au point un pancréas bio-artificiel qui promet de révolutionner la qualité de vie des diabétiques et dont les essais cliniques débutent cet automne. Elle diversifie aujourd'hui sa start-up Defymed vers d'autres applications des thérapies cellulaires. Séverine Sigrist a été lauréate de l'équipe de France des femmes leaders à l'occasion du Women for Future qui s'est déroulé jeudi 2 juin au Parc des Princes. Portrait.
Séverine Sigrist a fondé sa start-up Defymed en 2011, avec l'aide du Centre européen d'étude du diabète.
Séverine Sigrist a fondé sa start-up Defymed en 2011, avec l'aide du Centre européen d'étude du diabète. (Crédits : Olivier Mirguet)

Son doctorat en sciences médicales sur les thérapies cellulaires traçait la voie d'une carrière dans la recherche. Mais Séverine Sigrist a choisi l'entrepreneuriat. "J'ai travaillé dans un laboratoire de recherche sur le diabète et mon employeur a cru en mon projet. Il a investi à mes côtés quand j'ai décidé de fonder Defymed", rappelle Séverine Sigrist. En 2011, l'aventure était lancée. Dès le départ, l'entreprise établie à Strasbourg a promis une véritable innovation thérapeutique pour soigner les diabétiques: un pancréas bio-artificiel. Différents pancréas artificiels sont en cours d'expérimentation: celui inventé par Séverine Sigrist consiste en une poche en polymères implantée sous la surface de l'abdomen pour permettre au patient de s'affranchir des injections d'insuline.

Les essais cliniques d'ExOlin débutent à l'automne

Onze ans plus tard, le pari est sur le point de réussir. Les essais cliniques qui débutent en septembre 2022 à Strasbourg vont porter sur un dispositif médical implantable pour la délivrance d'insuline, appelé ExOlin. Huit patients seront pris en charge en service de diabétologie en collaboration avec les équipes locales de l'Ircad, l'institut strasbourgeois de formation en chirurgie mini-invasive. Une technique révolutionnaire et robotisée. "C'est un acte médical nouveau. Il faut le faire de manière disruptive", estime Séverine Sigrist.

"ExoLin permet une meilleure délivrance de la molécule", soutient la chercheuse, qui dirige chez Defymed une équipe de 14 salariés.

En outre, l'orientation thérapeutique du dispositif s'est élargie à d'autres pathologies (hémophilie, cancers). "Utilisé contre le cancer, notre dispositif changera les conditions de vie des patients en diminuant les doses de médicament, en améliorant le ciblage et en réduisant la toxicité du traitement", promet-elle encore.

Le combat des levées de fonds

En cas de succès de cette phase clinique, il faudra encore attendre : la mise sur le marché d'ExoLin est espérée dans un délai de 18 à 36 mois. Chez Defymed, le développement capitalistique et l'attention aux équilibres financiers n'ont pas été de tout repos. En 2019, Séverine Sigrist est rentrée bredouille d'une mission d'investigation pour une levée de fonds à Boston, aux Etats-Unis, une étape pourtant jugée vitale pour la suite de son aventure.

Depuis la création de l'entreprise en 2011, Defymed a levé 5 millions d'euros auprès d'investisseurs institutionnels locaux (Fonds lorrain des matériaux, Cap Innov'Est) et auprès du Centre européen d'étude du diabète, l'ancien employeur de la fondatrice. "J'aimerais pouvoir me passer de ces levées de fonds", reconnaît aujourd'hui Séverine Sigrist, qui a réorienté ses recherches de financements vers des cessions de licences.

"Nous voulons élargir le champ des possibles dans les maladies chroniques", annonce la dirigeante. Le dispositif d'encapsulation cellulaire MailPan, orienté initialement vers le traitement du diabète, a fait l'objet "d'un repositionnement stratégique plus agressif, mais qui reste focalisé sur la qualité de vie du patient", explique Séverine Sigrist.

Engagement collectif et esprit d'équipe

Présidente entre 2014 et 2020 de l'association interprofessionnelle Alsace Biovalley, la tête de pont de l'écosystème régional de la santé et labellisée pôle de compétitivité, Séverine Sigrist poursuit depuis 2021 son engagement collectif à la présidence d'Alsace Création. "Du côté obscur de la levée de fonds", s'amuse-t-elle.

Ce fonds régional investit des tickets inférieurs à 500.000 euros, dans des secteurs d'activités diversifiés. "Je rencontre d'autres dirigeants locaux, j'apprends à monter des dossiers", dit-elle.

L'avenir de Defymed se joue, lui aussi, en Alsace. "Nous avons reçu des offres d'investisseurs asiatiques, de fonds émiratis qui ont posé 10 millions d'euros sur la table", rapporte Séverine Sigrist. "Mais il n'est pas question de les laisser faire. Je ne tiens pas à perdre mon entreprise".

Le chiffre d'affaires (1,5 million d'euros en 2020) a chuté en 2021, "parce que l'équipe doit se concentrer sur l'innovation, et non sur des contrats de prestation de services". La dirigeante entend fidéliser ses salariés par son mode de management attentif à la qualité de vie au travail, à portée de vue de la cathédrale de Strasbourg. Certains jours, l'équipe arrive au travail à vélo, comme dans un défi: pour Séverine Sigrist, qui réside à la campagne, c'est un trajet quotidien de 90 kilomètres... Le sport comme sas de décompression.

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