Le Bitcoin pourrait-il détrôner les banques traditionnelles ?

Par Juliette Boulay  |   |  839  mots
Pour Éric Larchevêque, "le défi de cette monnaie virtuelle est de donner accès à un système de transaction simple là où les services bancaires traditionnels sont peu développés".
Du Bitcoin au Compte-Nickel, les alternatives aux services bancaires traditionnels sont de plus en plus nombreuses. Selon certains experts, elles seraient même en passe de mettre fin au monopole des banques. Démonstration en cinq points.

À l'heure où le cours du Bitcoin s'effondre pour approcher les 200 dollars, ses défenseurs ne s'avouent pas vaincus. Pour Éric Larchevêque, fondateur de la Maison du Bitcoin, et Philippe Herlin, économiste, le système de transaction en Bitcoin a tout le potentiel pour concurrencer les services bancaires classiques.

Et ce n'est pas tout. Invités par le Café numérique à la conférence sur Le Bitcoin : une solution à la crise, les deux experts ont insisté sur le développement croissant de nouveaux systèmes de paiement, simples, accessibles et compétitifs. Une offre qui marche toujours plus sur les plates-bandes des banques classiques.

Rattraper le retard d'implantation des banques dans les pays émergents

En 2011, 50% des adultes dans le monde ne possédaient pas de compte bancaire, selon les derniers chiffres de la Banque Mondiale. En Afrique subsaharienne, ce sont 80% des personnes majeures qui sont concernées, révèle l'enquête McKinsey Counting the world's unbanked, publiée en 2010.

"On ne peut pas se contenter d'attendre que les banques traditionnelles rattrapent leur retard d'implantation", s'exclame Philippe Herlin. Surtout quand la difficulté d'accès aux services bancaires représente "un énorme frein au développement économique et à la croissance", ajoute l'économiste, imaginant un patron régler des factures en liquide.

Ouvrir un compte de dépôt à moindre frais

C'est alors que le Bitcoin trouve une utilité. Virement, paiement, échange de devises... "Le défi de cette monnaie est de donner accès à un système de transaction simple là où les services bancaires traditionnels sont peu développés", explique Éric Larchevêque.

Ainsi, "il suffit de disposer d'une connexion Internet pour accéder à un système de paiement complet, à un prix très compétitif".

Cependant, "le Bitcoin n'est pas le seul système conçu pour ouvrir un compte sans passer par une banque", rappelle Philippe Herlin. Fin 2014, le distributeur américain Wallmart s'est associé à GoBank pour fournir des cartes de crédit aux individus exclus du système bancaire. Dans l'Hexagone, les "Compte-Nickel" s'ouvrent, depuis février dernier, sur simple présentation de papiers d'identité chez certains buralistes et sont associés à une carte bancaire. Coût annuel moyen de gestion du compte : 50 euros.

Effectuer des virements gratuitement et instantanément

Pour s'affranchir des frais bancaires trop élevés lors d'un transfert d'argent, plusieurs systèmes alternatifs au virement bancaire classique ont également été développés. Depuis 2008, Orange Money propose par exemple un service de transfert d'un ordinateur vers un mobile pour cinq euros, quel que soit le montant transféré.

Cette offre d'Orange n'existe cependant que dans quatorze pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Avec le Bitcoin, les utilisateurs peuvent effectuer des virements dans le monde entier. Si ces opérations sont irréversibles, elles sont gratuites et instantanées.

S'affranchir des commissions interbancaires

Plus que les consommateurs, ce sont surtout les commerçants qui peuvent largement tirer profit du paiement en Bitcoin. Alors que "les commissions exigées par les banques pour les paiements par carte représentent entre 3% et 5% du chiffre d'affaires annuel des petits commerçants", selon Philippe Herlin, les transactions en Bitcoin ne sont pas taxées.

"Un journal pourrait ainsi vendre la lecture d'un article sur Internet pour quelques centimes d'euros. Aujourd'hui, c'est inimaginable du fait du montant des commissions interbancaires", explique-t-il.

L'adoption du Bitcoin repose donc en partie sur son utilisation par les commerçants, notamment dans les pays où les services bancaires sont encore plébiscités par une grande majorité d'habitants.

"Le réseau d'utilisateurs pourrait ainsi s'élargir, comme c'est le cas à Berlin où le Bitcoin séduit à la fois par sa facilité d'usage et son existence en dehors de tout système de contrôle", observe l'économiste.

Diminuer le risque de faillite bancaire

Mais, c'est bien l'absence de contrôle du Bitcoin et sa volatilité qui suscitent la méfiance. Avec la faillite de la plate-forme japonaise MtGox en février 2014 et le "flash crash" du mois d'août, les cours de la monnaie ont chuté de 56% sur l'année, selon Bloomberg. En janvier 2015, le piratage de la place de marché Bitstamp a encore contribué à la perte de valeur du Bitcoin.

Mais pour Eric Larchevêque, "ces plate-formes ont été confiées à des individus incapables de les gérer. Ces faillites relèvent surtout de l'humain". Selon lui, il faut donc voir d'un bon œil l'ouverture de places d'échanges régulées comme Coinbase ou Gemini, qui permettent à des investisseurs institutionnels de spéculer en Bitcoin. Grâce à ces nouvelles plates-formes, "de gros capitaux devraient affluer en 2015", assure le fondateur de la Maison du Bitcoin.

Une preuve de plus que le Bitcoin et les nouveaux systèmes de paiement sont une menace au système bancaire ? Pour Philippe Herlin, il faut surtout se féliciter de la pluralité des systèmes monétaires et des acteurs.

"En cas de crise, c'est cette diversité qui permet au système économique et financier mondial d'être plus résilient et plus flexible", conclut-il.