Bolloré veut-il vraiment garder un pied dans les télécoms ?

Vivendi a encore accru cette semaine sa participation dans Telecom Italia à près de 20%. Même si le géant de médias assure qu’il veut « être un actionnaire de long terme » de l’opérateur transalpin, beaucoup parient sur une initiative financière et opportuniste.
Pierre Manière
Avec Vivendi, Vincent Bolloré dispose aussi d'une participation de 0,95% dans l'opérateur espagnol Telefonica.

Mais pourquoi diable Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi, revient-il dans les télécoms ? Depuis qu'il est devenu l'actionnaire de référence de Telecom Italia, le 24 juin dernier, dans le cadre d'un échange de titres lors de la sortie de l'opérateur brésilien GVT, le groupe de médias (Canal+, Universal Music...) continue de monter au capital du « telco » italien. Depuis mercredi, Vivendi en détient 19,9%. Or l'initiative interpelle. Et pour cause : le groupe s'est récemment désengagé du secteur des télécoms - outre GVT, il s'est séparé de Maroc Telecom et de SFR - pour se recentrer sur les médias et les contenus. Un créneau où il est, d'ailleurs, en pleine offensive.

Lire aussi : Bolloré étend l'empire de Vivendi dans les contenus

Dans un communiqué publié mercredi, le groupe tentaculaire de Vincent Bolloré l'assure : « Ce nouvel investissement confirme la volonté de Vivendi d'être un actionnaire de long terme de l'opérateur de télécoms. » Reste qu'aux yeux de plusieurs observateurs sondés par La Tribune, rien n'est moins sûr. A leurs yeux, cette participation relève d'abord d'une logique financière, liée à la perspective d'une importante plus-value. Analyste en charge des médias chez Oddo Securities, Bruno Hareng juge dans une note que l'opérateur italien « est largement sous-valorisé ». D'après lui, sa cote devrait à terme remonter. Pourquoi ? D'abord grâce à « l'amélioration des fondamentaux du secteur » de l'autre côté des Alpes, avec un ARPU (« Average Revenue Per User », c'est-à-dire le chiffre d'affaires moyen réalisé avec un client) attendu en hausse ces prochaines années.

« Une prime spéculative »

En outre, le marché italien des télécoms devrait se consolider et passer de quatre à trois opérateurs. Une moindre concurrence qui, concrètement, ouvre la porte à une hausse des prix, et donc à de meilleures marges pour les acteurs. Le 6 août dernier, les opérateurs Wind et 3 Italia ont en effet annoncé leur fusion. Celle-ci sera opérationnelle dans un peu moins d'un an. Le temps que les autorités italiennes et européennes de la concurrence donnent leur feu vert. Mais aux dires de plusieurs spécialistes, le scénario d'un blocage apparaît pour l'heure peu vraisemblable.

Enfin, Bruno Hareng évoque « la cristallisation d'une prime spéculative ». Ou, en clair, que d'autres opérateurs télécoms, comme Orange ou Deutsche Telekom, décident de fondre sur Telecom Italia. L'hypothèse n'a rien d'utopique. En France, Orange n'a jamais caché son intérêt pour son homologue transalpin. Au printemps dernier, Gervais Pellissier, directeur général délégué de l'opérateur historique, a ainsi affirmé au Financial Times que Telecom Italia (au même titre que le Néerlandais KPN ou le Belge Belgacom), « pourrait constituer une cible ». D'après un bon connaisseur du secteur, si une telle opération ne semble pas être prioritaire à court terme pour Orange, elle pourrait bien le devenir « d'ici deux ou trois ans ».

L'accès à « une distribution privilégiée »

Si cette logique financière semble pour beaucoup constituer le principal intérêt de Vincent Bolloré, Telecom Italia n'en demeure pas moins un puissant vecteur pour diffuser des contenus. Or les rumeurs vont bon train sur l'intérêt de Vivendi pour la chaîne de télévision Mediaset Premium. Celle-ci appartient au groupe Mediaset, propriété de l'ex-président du Conseil italien Silvio Berlusconi. Selon Bruno Hareng, une offensive de Vivendi sur cette chaîne payante n'est pas à exclure, sachant que le groupe de Vincent Bolloré connaît déjà très bien ce secteur. Si un tel deal devait voir le jour, Telecom Italia ferait alors office d'un puissant « véhicule partenaire » pour diffuser les contenus de Mediaset, souligne l'analyste.

Quoi qu'il en soit, cette dernière possibilité serait en ligne avec la stratégie affichée de Vivendi. Pour Arnaud de Puyfontaine, le président du directoire du groupe, « la redéfinition du marché des médias » passe par une « convergence » avec les télécoms, a-t-il assuré mardi, d'après l'AFP, dans la foulée de la montée au capital dans Telecom Italia. Selon lui, Vivendi « [construit] ces positions » non pas pour « devenir un acteur des télécoms, mais parce que [...] dans les métiers qui sont les nôtres, l'accès à une distribution privilégiée et à une base de clientèle est un élément totalement essentiel ». Si l'argumentaire fait sens, reste que ces « accès » peuvent aussi très bien s'obtenir via des partenariats classiques, juge un analyste.

Lire aussi : Télécoms, médias : qui remportera la mise ?

Pierre Manière

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Commentaires 5
à écrit le 10/10/2015 à 13:02
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La cible pour Orange a toujours été Wind. La fusion actuelle de cet opérateur ne préfigure que l'ouverture généralisée du marché. Wind sera repris par Orange qui offrira des prestations sur sa zone aux propriétaires du groupe à savoir russes et chino...

à écrit le 10/10/2015 à 5:12
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Qu'il fasse déjà ces preuves à canal Il est entrain de modifier l'image et ca pourrait mal tourner

le 10/10/2015 à 17:15
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Ne vous inquiétez pas pour Vincent Bolloré : il réussira à la fois chez Canal et chez Telecom Italia, satisfaisant totalement les Actionnaires de Vivendi qui l'ont favorablement accueilli à la tête de Vivendi. Simplement, un peu de patience !

à écrit le 09/10/2015 à 20:47
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"l'accès à une distribution privilégiée et à une base de clientèle est un élément totalement essentiel " Il veut faire, en Italie, un propagande libéral à la française... M. Bolloré est quelqu'un de très talentueux, cependant, il ne vois le monde ...

à écrit le 09/10/2015 à 19:11
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Bollore regarderait aussi l opérateur télécom des Pme Vivaction et surtout la licorne loge dedans Square dispositif de cryptage de voix et data pour les entreprises !

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