Dans les coulisses du jury du concours i-Lab

Une première rencontre entre membres du jury du concours i-Lab 2019 a récemment eu lieu dans les locaux de Bpifrance. Consignes, conseils, questions : la prise de contact entre anciens et nouveaux jurés a été riche. Ces 50 experts devront bientôt choisir les lauréats, dont les noms seront annoncés le 4 juillet.
(Crédits : DR)

« Si je ne suis pas spécialiste de la technologie qui sous-tend un projet, puis-je échanger ce dossier contre un autre ? » « Dans notre jugement, quel poids devons-nous accorder à une première levée de fonds déjà effectuée ? » « Et si un candidat est meilleur dans sa présentation vidéo qu'à l'écrit, qu'est-ce qui doit primer ? » « Une aide régionale déjà acquise rend-elle le dossier inéligible pour le concours i-Lab ? » : autant de questions - et bien d'autres - qui ont animé la première rencontre des jurés du concours i-Lab, récemment organisée par Bpifrance et le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Sur les 50 membres que compte le jury 2019, une trentaine de jurés étaient présents, tandis que d'autres avaient rejoint la réunion par téléconférence.

Il s'agira pour le jury national de décider des lauréats. Pour le moment, pas moins de 714 intentions de candidatures ont été enregistrées cette année - un record ! Par ailleurs, 414 dossiers ont été finalisés et enfin, 253 ont été retenus au niveau régional (contre 207 l'an dernier) après une première expertise. Les 50 experts du jury national - chefs d'entreprise, chercheurs, anciens lauréats, start-uppeurs, ingénieurs, consultants, investisseurs - se réuniront le 11 juin, sous la houlette de Ludovic Le Moan, dirigeant de Sigfox et président du jury pour la deuxième année consécutive.

Examen approfondi

Avant la réunion décisive, chaque membre du jury aura réalisé un examen personnel des dossiers qui lui auront été confiés et rempli une grille d'évaluation précise du projet. Qu'il ou elle soit novice, tout comme Cédric Favier qui fait ses premiers pas de jurée cette année, désormais spécialisé dans l'investissement et lauréat du concours i-Lab 2005. Ou plus aguerrie, comme Myriam Beque, directrice, Innovation et Nouveaux Business chez BNP Paribas - Retail Banking Corporate, qui en est à sa quatrième participation. « Le concours et la découverte des dossiers sont un formidable moment de rencontre avec les entreprises qui feront notre économie de demain, dit-elle. Depuis quatre, je suis toujours frappée par l'excellence technologique des dossiers que je suis amenée à regarder ». Et que recherche-t-elle exactement dans un dossier ? « En tant que jurée, je ne recherche pas simplement une technologie brillante mais un véritable projet d'entreprise, répond-t-elle.

Cette alchimie reste complexe et son équation est à paramètres multiples. C'est ce qui représente l'un des attraits majeurs de ce concours unique par son ampleur, son exigence technologique et entrepreneuriale », ajoute-t-elle. De fait, chacun des membres du jury a son idée sur ce que doit être un projet innovant. Ainsi, pour Bernard Monnier, président de MIM (une méthode d'évaluation du potentiel d'innovation), « un projet innovant se caractérise prioritairement par une équipe et la finance associée. Au-delà de ces deux paramètres essentiels, le caractère innovant de l'offre proposée par la start-up devra être évalué sur l'adéquation entre cette offre, qu'elle soit technologique et/ou de service, et une demande, existante (innovation incrémentale) ou à créer (innovation de rupture). Ensuite, poursuit-il, l'élément différenciant de l'offre devra apporter une valeur ajoutée telle qu'un client sera prêt à payer le prix fort pour acquérir cette offre. Enfin, cet élément différenciant devra avoir fait l'objet d'une attention particulière sur la protection de cette dernière (brevet, secret, marque...) afin d'éviter que de nouveaux entrants mettent en difficulté l'organisation à l'origine de l'idée ». Grand prix du jury 2015 d'i-Lab, Marie-Hélène Gramatikoff, co-fondatrice de Lactips, est également membre du jury. Elle résume son état d'esprit de la façon suivante : « Je mets avant tout l'accent sur la proposition de valeur d'une jeune pousse candidate. Je promeus l'innovation en tant que création de valeur, et c'est pour cela que j'ai accepté d'être jurée, pour l'innovation de rupture », dit-elle.

Chaque membre du jury se sera vu attribuer une dizaine de dossiers (chaque dossier étant attribué à deux jurés) et, selon ceux qui ont l'habitude, devra consacrer une heure et demi environ à l'étudier, « avec une première lecture, puis une deuxième analyse, pour stabiliser l'opinion », conseille l'une des jurés, pour ensuite donner, unilatéralement, son avis - favorable ou non.

Départager les candidats

Ensuite, la réunion du 11 juin visera à départager les candidats. Si le même dossier a obtenu deux avis favorables, il a de bonnes chances d'être parmi les lauréats, dont les noms seront annoncés le 4 juillet au cours d'une cérémonie officielle. Si un dossier est assorti de deux avis défavorables, son sort, hélas, sera sans doute scellé, et le candidat pourra retenter sa chance dans les années à venir. « L'avis détaillé du jury sera remis aux candidats, qui pourront ainsi bénéficier d'un retour intéressant pour leurs activités ou une prochaine candidature », souligne un membre du jury. Enfin, si un dossier reçoit un avis favorable et une opinion négative, alors le jury délibèrera. Et un juré a le droit de changer d'avis ! Le but ultime, en tout cas, est de choisir dix grands prix. A cet égard, la vice-présidente du jury, Pascale Augé, présidente du directoire d'Inserm Transfert, propose à chaque juré d'établir un ranking de ses lauréats potentiels pour faciliter la discussion.

Enfin, si les dossiers peuvent effectivement être échangés, le fait de ne pas être spécialiste d'une technologie n'est pas forcément un frein, remarque l'un des membres du jury. Cela permet au contraire de porter un regard neuf, et peut-être moins sévère, sur le dossier en question... Toutefois, si un juré ne se sent pas du tout à l'aise avec une thématique, il pourra effectivement échanger un dossier pour un autre. De même, si une première levée de fonds a déjà été effectuée, cette opération n'obère pas forcément les chances du candidat d'obtenir un financement de la part du concours i-Lab. Ne serait-ce que parce qu'une dotation du concours i-Lab peut, en apportant son label, permettre d'autres levées de fonds, plus ambitieuses, à l'avenir. « A part qu'avec un projet plus mature (et une première levée de fonds en est un signe) nous serons sans doute plus exigeants », prévient toutefois un autre juré.

De quoi également équilibrer les dossiers, puisque cette année, les critères vont d'une création d'entreprise toute récente à une existence de deux ans pour une jeune pousse, contre un an seulement auparavant. Quant à la qualité de la présentation, écrite et orale, les jurés ne s'y tromperont pas. « Nous examinons la qualité des équipes autant que la teneur du projet, insiste l'un des jurés, Bernard Monnier, et il nous est facile de distinguer qui est vraiment impliqué ou qui a déjà des participations dans d'autres sociétés et ne se consacre pas à plein temps au dossier soumis ». Quant à un dossier ayant déjà reçu une aide régionale par ailleurs, cela ne le rend pas forcément inéligible à une dotation i-Lab. « Tout dépend du type de dotation et de son montant proportionnel », répond l'un des jurés.

Autant dire que sur ces questions comme sur bien d'autres, le rôle du jury est d'effectuer un véritable travail de diligence, la qualité de l'examen correspondant à la qualité exigée pour le dossier... Car le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation a des ambitions de plus en plus fortes en ce qui concerne le concours i-Lab. A preuve, cette année, il est doté d'un montant total de 20 millions d'euros, et chaque enveloppe pourra contenir un montant de 600 000 euros maximum, contre 450 000 cette année. Signe de l'engagement sans faille des autorités envers les chercheurs, pour qu'ils et elles puissent faire profiter le grand public de leurs découvertes, sous la forme d'une entreprise à succès.

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