L'art du parrainage, ou la taille d'un diamant brut

Grand Prix du concours i-Lab 2019, Gauthier Chicot, le co-fondateur de DiamFab, apprécie les défis que lui lance son parrain, Cyril Menon, directeur des opérations industrielles de Soitec. Le premier a encore du mal à aborder les industriels qui pourraient être preneurs du procédé de croissance de diamant mis au point par la start-up. Le deuxième est rompu à l'exercice de production - et de conviction.
(Crédits : JP Daganaud/Institut Néel-CNRS)

C'est par un ami au fait des activités de Soitec que Gauthier Chicot, Grand Prix du concours i-Lab 2019, a sollicité l'ETI spécialisée dans la conception et la production de matériaux semi-conducteurs pour un parrainage. DiamFab, qu'il a co-fondée en mars 2019 avec Khaled Driche, devenu le directeur technique de la start-up, travaille en effet dans le domaine et a développé un procédé de croissance de diamant synthétique aux propriétés électriques accrues par rapport au silicium. Des propriétés qui serviront à l'électronique de puissance, dans la conversion d'énergie électrique, par exemple, de même que dans d'autres industries - pétrolière, nucléaire, spatiale... « Nos épi-wafers - des wafers faits de couches épitaxiées de diamant - permettront à un laboratoire ou à un centre de R&D de développer des composants en diamant synthétique très rapidement. Davantage d'acteurs pourront ainsi utiliser ce matériau grâce à DiamFab », explique Gauthier Chicot. Il reste encore bien des étapes à franchir. Mais avec l'aide de son parrain, selon le dispositif qui accompagne un grand prix au concours i-Lab, le jeune entrepreneur est bien armé.

Valoriser le savoir-faire innovant

« J'ai contacté Cyril Menon pour lui demander des noms de parrains potentiels au sein de Soitec, qui a l'avantage d'opérer dans un secteur proche du nôtre, et près de notre siège, au sein de l'Institut Néel du CNRS, à Grenoble », poursuit Gauthier Chicot. « L'un de mes managers le connaissait, et puis, le fait qu'il soit lauréat du concours i-Lab lui donnait de la crédibilité, alors j'ai accepté de boire une bière avec lui, relate de son côté Cyril Menon. Je n'étais pas sûr d'accepter une relation plus soutenue, mais le courant est passé. Non seulement Gauthier avait, en plus de ses compétences évidentes, de l'enthousiasme à revendre, mais aussi les mêmes valeurs que celles qui me guident dans les affaires et dans la vie ». Alors pourquoi aller chercher plus loin ? Cyril Menon est vite devenu le parrain de Gauthier Chicot...

Un parrain bienveillant, mais exigeant. Finies les discussions autour d'un verre, c'est de façon formalisée que les échanges ont désormais lieu. Une fois par mois, environ, à Grenoble. Car au-delà de la technique, maitrisée parfaitement par DiamFab, qui consiste à déposer le diamant couche par couche sur un germe, en remplaçant certains atomes de carbone par du bore ou de l'azote afin de rendre le diamant synthétique plus ou moins conducteur, « il faut valoriser ce savoir-faire innovant pour l'amener au marché », explique Cyril Menon. Or Gauthier Chicot, détenteur d'un doctorat de l'université de Grenoble, spécialisé dans la nano électronique, est certes une tête bien faite, mais sa formation scientifique ne l'a pas préparé aux démonstrations plus « marketing ». Comme celle d'expliquer qu'avec la méthode développée par DiamFab, recharger une voiture électrique se fera en un temps record. Ou qu'une tête de forage, qu'il faut changer toutes les semaines, sera plus résistante et donc plus économique. Et que si l'électricité arrive bien dans les prises de courant, c'est aussi grâce à l'électronique de puissance...

Transition de chercheur à entrepreneur

L'élaboration du dossier pour le concours i-Lab a déjà constitué une première étape dans ce domaine, au cours de laquelle le chercheur a dû expliquer, concrètement, simplement, le concept et les objectifs de la start-up. « La transition de chercheur à entrepreneur n'est pas si facile, avoue cependant Gauthier Chicot. Déjà, auparavant, un investisseur approché avait remarqué que j'avais encore 'la tête dans le labo'. Je dois apprendre à 'vendre' un peu plus ». Auprès des industriels mais aussi, à l'avenir, des investisseurs. Gauthier Chicot note au passage qu'il n'avait pas conscience, avant d'être lauréat, de la notoriété et de la visibilité que ce succès au concours i-Lab allaient lui apporter...

Segmenter les marchés potentiels

Autre écueil pour le jeune start-uppeur, la segmentation des marchés potentiels. Là encore, « c'est essentiel, dit-il, mais heureusement que Cyril me 'challenge', sinon, je remettrais toujours au lendemain... ». Si parrain et filleul n'ont pas une grande différence d'âge, ce qui, « avec le mentorat, crée une vraie complicité », relève le jeune entrepreneur, le parrain est quand même le « boss »... Cyril Menon, qui a d'ailleurs lui aussi fait sa thèse dans le domaine des dépôts de semi-conducteurs, puis commencé sa carrière chez IBM, a également mené, avec la direction de Soitec, des opérations de croissance externe. De même, il préside le conseil d'administration de Dolphin Design, une co-entreprise détenue à 60% par Soitec. Autant dire qu'il possède une vision à la fois technique, stratégique et de gouvernance. De quoi guider DiamFab dans de nombreux domaines de l'entrepreneuriat. « Je me demande toujours quelle est la prochaine étape », déclare Cyril Menon.

Et ce sont justement ces étapes qu'il veut faire franchir, une à une, à son filleul. Gauthier Chicot a d'ailleurs reçu récemment une liste d'initiatives à prendre, avec une date butoir, de la part de son parrain. Et il devra vite montrer les accomplissements... Pour commencer, DiamFab va devoir se positionner plus en aval, et proposer des démonstrations techniques aux industriels ciblés, qu'ils soient directement dans le domaine des semi-conducteurs ou dans d'autres industries. « C'est d'ailleurs l'objet du programme et du financement d'i-Lab », souligne-t-il. Là encore, Cyril Menon, rompu aux opérations industrielles, sera sans aucun doute d'un grand soutien. L'aboutissement de toutes ces étapes, selon Gauthier Chicot ? « Nous rêvons de reproduire le business modèle de Soitec et de devenir un acteur clé de la filière de fabrication de composants, dit-il. En somme, de devenir le Soitec du diamant synthétique ! ». Une fois que le matériau brut sera devenu, grâce au parrainage, un joyau multifacettes...

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