Informatique : HP, géant endormi à la recherche d’un second souffle

Face à un marché informatique fragilisé par la chute des ventes de PC et de tablettes, le constructeur HP mise sur l’innovation pour attaquer le haut de gamme, devenir un leader dans l’impression 3D et changer son image afin de séduire les Millennials, une cible qui lui échappe toujours.
Sylvain Rolland
Nouveaux modèles haut de gamme de PC et ordinateurs hybrides, retour dans les smartphones, arrivée dans l'impression 3D et financement des startups : après des années difficiles, HP se dote d'une stratégie offensive pour rester un géant de l'informatique dans un marché en pleine mutation.

Grandes manœuvres chez HP. Depuis novembre dernier, le constructeur informatique américain, ancien leader des ventes de PC, détrôné depuis 2013 par le chinois Lenovo, opère une transformation radicale pour revenir dans le coup. En plein Festival de Cannes, où il est le partenaire officiel de la quinzaine, HP a annoncé son introduction dans le monde de l'impression 3D, un secteur prometteur qui pourrait faire office d'eldorado pour ceux qui arriveront à s'y imposer.

Plutôt que d'attaquer le marché des particuliers, loin d'être mâture, HP préfère remonter la chaîne de production et se positionner en amont. Son premier modèle, baptisé HP Jet Fusion 3D 3200 Printer, livré à partir de 2017, se destine à un usage industriel, autant pour la fabrication de prototypes que pour la production à grande échelle. Le deuxième, HP Jet Fusion 3D 4200 Printer, est prévu pour la fin de 2016. Il se consacrera plutôt à la production en petite série, pour les industriels mais pas seulement. Les deux machines coûteront au minimum 120.000 euros, et permettront, selon le groupe, une "impression jusqu'à dix fois plus rapide et deux fois moins coûteuse que la concurrence".

HP a déjà déniché neuf partenaires, dont l'équipementier américain Nike, le constructeur automobile allemand BMW ou le groupe de produits pharmaceutiques et d'hygiène Johnson and Johnson. Un joli coup, qui pourrait faire des émules à l'heure où les industriels expérimentent de nouvelles manières de fabriquer leurs produits et placent de grands espoirs dans l'impression 3D. Dans son communiqué de presse, BMW y voit ainsi l'opportunité de produire des éléments personnalisés, tandis que J&J estime que l'impression 3D pourrait permettre de nombreuses innovations dans la santé, comme la création de prothèses orthopédiques meilleur marché, par exemple.

Cap sur l'innovation depuis la scission de novembre

Ces annonces, effectuées en pleine quinzaine cannoise (HP imprime tous les ans l'immense affiche qui recouvre le Palais des Festivals), sont une illustration de la nouvelle stratégie du géant endormi, mise en place depuis la scission avec Hewlett Packard, le 2 novembre dernier.

Cet événement, rare, a été perçu comme un séisme dans le monde de l'informatique. Pour repartir de l'avant après des années difficiles, le colosse s'est muté en deux entités distinctes. La première, Hewlett Packard Entreprises, regroupe toutes les activités professionnelles, le logiciel et le cloud computing. La deuxième, HP Inc, garde les activités historiques des PC et des imprimantes, auxquelles il faut maintenant ajouter les imprimantes 3D.

Pour Nick Lazaridis, le président de la zone EMEA de HP Inc, l'entreprise vit une profonde réorganisation. Avec plus de 50.000 employés et une présence de 170 pays, HP Inc reste un géant. Mais il voudrait adopter un "'esprit startup", si cher au secteur des nouvelles technologies, et placer l'innovation au cœur de sa stratégie de reconquête.

"En interne, nous avons révolutionné le management, aboli les hiérarchies, libéré la créativité, affirme le dirigeant. Il ne s'agit pas de repartir de zéro mais de coupler l'agilité et la créativité d'une startup avec l'histoire et la puissance d'un géant".

Effacer l'image vieillotte pour attirer les Millenials

Plus facile à dire qu'à faire. Mais HP ne lésine pas sur les moyens, y compris en matière de communication, pour faire savoir sa volonté d'être considérée comme une entreprise technologique plutôt que comme un énième fabricant de PC, tous quelque peu ringardisés par les géants du Net.

Ce repositionnement est indispensable dans un marché informatique en pleine recomposition, suite au déclin brutal du PC et des tablettes (-20% en un an), à la montée en puissance de nouveaux acteurs asiatiques (Lenovo, Huawei) et à l'évolution des usages, marqués par le plébiscite des produits hybrides (les fameux PC-tablettes avec les claviers détachables ou modulables) ou encore la réalité virtuelle. "On regarde tout, on ne s'interdit rien, on veut suivre les usages et mener la course à l'innovation", explique Achim Kuttler, le vice-président HP Inc de la zone EMEA. Y compris la réalité vituelle, le futur eldorado des jeux.

L'enjeu est aussi de changer l'image des consommateurs sur la marque en proposant des produits plus élégants et plus modernes. Mastodonte existant depuis 1939, Hewlett Packard a su évoluer avec le temps mais n'a pas réussi, comme la plupart des entreprises de son secteur y compris des géants comme Microsoft, à prendre le virage de la mobilité dans les années 2000. Pour rattraper le coup, HP met les bouchées doubles pour séduire les Millennials, les "enfants du Millénaire" hyper-connectés et technophiles, ses clients d'aujourd'hui et de demain.

Offensives dans les PC, les hybrides et les smartphones

Pour les attirer, il faut attaquer sur tous les fronts. Dans la logique d'aborder le marché haut de gamme, essentiel pour construire une image attractive, le constructeur a lancé en avril son Spectre 13, le PC portable "le plus fin du monde" (10,4 mm), au design élégant, avec l'objectif de ringardiser le célèbre Macbook d'Apple. Pour marquer le coup, le constructeur a même vendu aux enchères deux exemplaires d'une collection limitée, l'un paré de diamants, l'autre couvert d'or. Ils sont partis pour 22.000 euros.

En février dernier, HP revenait aussi dans le secteur très concurrentiel des smartphones. Mais par un chemin de traverse. Son Elite x3 fonctionne sous Windows 10, le système d'exploitation de Microsoft, car il se veut un « ordinateur déguisé en smartphone », destiné uniquement au marché professionnel, et commercialisé via le propre réseau de distributeurs d'HP. Malin : si le marché professionnel est concurrentiel, il apparaît moins bouché que celui du grand public, dominé par Apple d'un côté, et soumis à une guerre féroce entre tous les autres constructeurs qui proposent des modèles fonctionnant sous Android, le système d'exploitation de Google (80% de parts de marché).

L'autre grand chantier d'HP est de diversifier de son offre de PC pour s'adapter aux nouveaux usages. Comme ses concurrents, il mise désormais beaucoup sur les ordinateurs hybrides, mi-PC-mi-tablettes, avec clavier détachable ou pas. "Le marché deux a progressé de 80% en un an et tue le marché de la tablette. Il nous faut nous adapter", estime Achim Kuttler.

Stratégie appliquée à la lettre

Enfin, HP n'oublie pas de s'impliquer dans l'écosystème d'innovation en général. Début mai, l'entreprise a créé un fonds d'investissements, baptisé HP Tech Ventures. Cette structure dispose d'un pied dans la Silicon Valley, l'autre en Israël, autrement dit dans les deux principaux écosystèmes d'innovation au monde. L'objectif est de financer des startups innovantes dans des secteurs-clés comme l'Internet des objets, l'impression 3D, l'informatique immersive (réalité virtuelle et augmentée), la robotique ou encore l'intelligence artificielle.

Bref, depuis quelques mois, HP applique à la lettre, méthodiquement, une stratégie claire et ambitieuse pour réveiller le géant endormi et le faire entrer pour de bon dans la modernité. Reste à savoir si les graines plantées aujourd'hui feront des arbres demain.

Sylvain Rolland

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