"Il serait dommage que le mot « numérique » disparaisse du gouvernement"

Patrick Bertrand, directeur général de CEGID, a succédé à Gilles Babinet à la présidence du Conseil national du numérique, institution créée il y a un an par Nicolas Sarkozy. Pour le nouveau président, il y a matière à prendre des mesures pour aider au développement du numérique, sans peser sur les dépenses publiques. Le conseil doit aussi s'occuper d'Hadopi.
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Après une première année d'activité, quelle va être la feuille de route du Conseil National du Numérique ?
L'objectif est de conforter son rôle d'expert auprès du gouvernement. Cela sera d'autant plus important, que le nouveau Président a très largement évoqué le nécessaire soutien à la croissance. Or, il est incontestable que les investissements dans le numérique ont un impact sur la croissance du PIB, entre 25 et 45%. La création d'un emploi dans le numérique entraîne aussi la création de 3 ou 4 autres. La feuille de route du CNN s'articulera autour de quatre grands thèmes - start up, innovation, compétitivité et libertés.

A l'heure de la disette budgétaire, quelle mesures pouvez-vous préconiser pour aider la France à rattraper son retard dans le numérique ?
L'enjeu de notre pays est de maintenir, voire réduire, les dépenses publiques tout en soutenant l'économie. Nos propositions doivent s'inscrire dans ce cadre contraint. Il est possible de faire mieux avec autant. Par exemple, l'utilité du Crédit d'impôt recherche (CIR) est reconnue. Le dispositif représente un soutien à la R&D de 4,7 milliards d'euros, dont 1 milliard pour les PME. Le but n'est pas d'opposer grandes entreprises et PME, mais plutôt de développer une politique sectorielle qui pourrait évoluer au gré des besoins. Faut-il, à un moment orienter, les dépenses de R&D plus vers le logiciel, l'e-commerce, la microélectronique, etc... ?

Les sociétés de capital-risque sont en difficulté. Le CNN a rendu l'an passé un avis sur le financement de l'innovation. Où en êtes-vous sur le sujet ?
Lorsque l'on cumule Solvency 2, Bâle 3, les échéances à venir sur les dispositifs FCPI [ces fonds financés par des dispositifs fiscaux, ndlr] et la quasi inexistence de marché financier pour les PME, le financement de l'économie devient une vraie question. Les capitaux levés dans le capital risque ont reculé de 70% depuis 2008. Il y a ainsi un risque de rupture de la chaîne numérique. Il est nécessaire de sanctuariser les dispositifs FCPI, CIR et JEI. Il faut aussi entamer une réflexion sur le Grand emprunt, et les dispositifs, comme le Fonds national pour la société numérique (FSN), le FSN PME et le Fonds National d'Amorçage (FNA). L'objectif est que l'argent disponible soit plus rapidement investi, notamment vers les PME du secteur.
L'orientation régionale est aussi un axe intéressant à développer. Alain Rousset [le président PS de la Région Aquitaine, en charge du pôle productif pendant la campagne] a souligné l'importance des fonds d'investissement de proximité, comme le fonds Rhône Alpes (FIR) qui a levé 30 millions d'euros. Le CNN se déplacera régulièrement en région pour rencontrer les start up, les associations professionnelles, les universités, et les institutions politiques régionales.


Mais le numérique, ce n'est pas que les start-up...
Aujourd'hui, l'investissement des entreprises dans le numérique en France est inférieur par rapport au Royaume Uni, au Japon, ou à la Scandinavie. Nous allons donc aussi travailler sur la compétitivité. Nous voulons montrer que le numérique peut aider les entreprises industrielles face à des problématiques par exemple de délocalisation. Les investissements dans les systèmes d'information permettent à la fois de mieux s'approvisionner, de mieux gérer les stocks, et donc de baisser les coûts. Le numérique peut aussi améliorer la compétitivité de l'offre, en permettant à l'entreprise de coproduire un produit avec les utilisateurs ou d'améliorer la qualité de service.

François Hollande, mais aussi Nicolas Sarkozy, ont évoqué dans leurs programmes numériques respectifs la place de l'Education...
C'est un de nos chantiers après celui de la e-éducation. Il y a un décalage important entre les besoins des entreprises et la réalité du système éducatif. Il faut faire un état des lieux des métiers dont la France a besoin, qui ne concernent pas que le développement informatique, mais aussi les sciences cognitives, le design ou le marketing sur Internet, et proposer une réorientation des budgets et des filières existantes. Selon une étude récente, il manquerait en 2020, tous secteurs confondus, 2,2 millions de diplômés au moins de niveau bac.

Quelle est votre position sur Hadopi, un thème sur lequel vous ne vous êtes pas exprimé ?
Le CNN n'a pas pris de position sur Hadopi, mais il a conscience qu'il doit se préoccuper du sujet et ceci à l'aide d'une concertation. Autant sur les thèmes économiques, le CNN a une forte légitimité, autant sur des sujets comme Hadopi, qui concerne aussi les ayant-droits et les utilisateurs, nous n'avons pas vocation à avancer de manière solitaire, mais avec tous les acteurs. Au niveau politique, les avis semblent équilibrés : il faut protéger le droit d'auteur mais sans opposer la création avec les internautes.

Le déploiement de la fibre peut engendrer des avis divergents au sein du CNN, où siègent les quatre opérateurs télécoms. Que comptez-vous faire ?
Sur la fibre, nous avons procédé à une auto-saisine et souhaitons publier un rapport préliminaire en juin. Nous avons auditionné tous les acteurs (Arcep, parlementaires, collectivités, opérateurs,...) qui ont évoqué des solutions contradictoires. Par exemple, pour financer le déploiement, certains préconisent de baisser le coût d'accès au cuivre pour inciter France Télécom à investir dans la fibre et y faire migrer ses abonnés. D'autres prônent au contraire de l'augmenter afin de pousser les opérateurs alternatifs à investir pour se détourner de l'opérateur historique. A ce stade, nous ne remettrons pas d'avis mais un éclairage de la situation. Si des divergences existent, nous publierons toutes les positions en toute transparence.

Pensez-vous qu'un ministère ou qu'un secrétariat d'Etat au numérique soit indispensable au secteur ?
Le plus important est d'avoir des pôles numériques extrêmement puissants dans les grands ministères, comme l'Economie, l'Industrie, la Recherche, la Santé ou l'Education. Le numérique est un sujet transversal qui doit être aussi traité au plus haut niveau à Matignon ou à l'Elysée. Mais il faudra quand même que le numérique soit identifié ou identifiable. J'ai été très intéressé par la proposition d'Alain Rousset, qui a mentionné la création d'un haut-commissariat à l'industrie et à l'intelligence économique. On souhaiterait ardemment que le terme « numérique » soit rajouté. En tout cas, il serait dommage que le mot « numérique » disparaisse du gouvernement. Même si cela ne suffit pas, le symbole contribue à la prise de conscience.

Le CNN a été créé par Nicolas Sarkozy. Avez-vous la garantie que le CNN sera maintenue ? Le PS a évoqué son élargissement à d'autres représentants, comme la société civile. Qu'en pensez-vous ?
Il est clairement apparu qu'un gouvernement quel qu'il soit, avait un intérêt à disposer d'un comité experts qui soit un trait d'union entre les acteurs et les pouvoirs publics. Cela a du sens d'avoir des institutions à l'image du CNN qui représente l'industrie numérique. Quant à l'élargissement du conseil, nous pensons qu'il est important d'avoir une institution dont le rôle et l'origine sont bien déterminés aux côtés d'autres déjà existantes, plutôt que quelque chose de flou.

 

Le CNN à l'heure de l'alternance

Ce sera la première tâche de Patrick Bertrand: convaincre la nouvelle majorité de l'utilité de l'institution. Le CNN, dont le collège est composé d'entrepreneurs comme Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic) ou de dirigeants comme Pierre Louette (Orange) ou Gabrielle Gauthey (Alcatel-Lucent), porte la marque de fabrique de Nicolas Sarkozy. Que deviendra le CNN? Tout dépendra d'abord de la place que tiendra le numérique au sein du gouvernement. Le maintien d'un ministère ou d'un secrétariat d'Etat dédié apparaît incertain, même si les jeux sont encore ouverts. Un poste de super-conseiller rattaché à un ministère ou à Matignon pourrait être une piste envisagée. A moins que le numérique ne termine sous l'égide du futur ministère de la Culture. Quelque soit l'hypothèse retenue, reste à savoir si François Hollande confortera Fleur Pellerin, chargée du programme numérique pendant la campagne. Si c'était le cas, cette dernière a déjà fait savoir qu'elle souhaiterait «un élargissement du collège vers les ayants-droits ou la société civile et de meilleurs critères de saisine et une plus grande transparence dans la publication des avis».

 

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Commentaires 7
à écrit le 12/05/2012 à 23:58
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Monsieur Hollande, cher Président de la République, je ne partage pas vos idées. Mais je vous serais gré de nous débarrasser de tous les lobbying qui passent le plus clair de leur temps à quémander des aides publiques sous toutes leurs formes.

à écrit le 12/05/2012 à 9:48
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Pendant 5 ans. Vous avez fait de l anti Sarko. À notre tour maintenant vous allez connaître l anti hollande la république c est un partage et reconnaître que l autre parti à de bonnes idées les socialistes ont tout fait pour démonter la bonne volo...

à écrit le 11/05/2012 à 23:54
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Est ce que le numérique intéresse M. Zerollande ? ... Tout dépend de savoir si cela peut permettre d'embaucher de futurs électeurs ? ... Quelques profs supplémentaires ?... Inutile de penser à retirer le mot Numérique de la constitution ... il ne doi...

le 12/05/2012 à 7:20
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Puisque vous faites les questions et les réponses, je vous suggère un effort supplémentaire faites-les sans nous en faire part.

le 13/05/2012 à 11:05
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Je sais bien que vous préférez n'entendre que votre voix ... mais ce n'est pas la démocratie ...

le 13/05/2012 à 11:08
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Hollande dispose de l'appuis de tous les médias ... Vous voudriez aussi réduire au silence total tous ceux qui ne pensent pas comme vous ?... Vous pourriez aussi suggérer de mettre en place des écoutes téléphoniques ... La Gauche à déjà du le faire !...

le 13/05/2012 à 11:09
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Quelle est votre question ou votre réponse M.Ben ? S'il suffit de dire aux autres de se taire ... Est-ce que cela suffira à vous satisfaire ?...

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