Facebook fait un (petit) pas vers la protection des données

Le plus grand réseau social au monde a dévoilé mardi sa fonctionnalité "Activité en dehors de Facebook". Promis à la suite du retentissant scandale Cambridge Analytica, cet outil doit permettre aux utilisateurs de mieux gérer les informations partagées automatiquement entre des sites tiers et Facebook.
Anaïs Cherif
(Crédits : Reuters)

Couvée pendant plus d'un an, une nouvelle fonctionnalité de protection des données personnelles a été présentée mardi 20 août par Facebook. Baptisée "Activité en dehors de Facebook", cette fonction permet de gérer les informations partagées par des applications et des sites web avec Facebook. Elle est actuellement en période de test en Espagne, Irlande et Corée du Sud, avant un déploiement mondial progressif.

■ Comment Facebook récolte-t-il des données ?

Adresse IP, navigateur (Chrome, Safari, Explorer ...), système d'exploitation de l'appareil (Android, Windows, etc.), géolocalisation, sites et applications consultés... Autant d'informations précieuses récoltées par Facebook sur ses utilisateurs de manière directe ou indirecte pour réaliser de la publicité ciblée. En effet, le réseau social collecte automatiquement les informations à partir des boutons "like" ou "partager" intégrés sur les sites, comme ceux que l'on peut voir accolés aux articles de presse en ligne par exemple.

La plateforme engrange également des données lorsqu'un internaute se connecte à un compte, comme Deezer ou Airbnb, avec son identifiant Facebook. Le géant américain profite aussi de sa plateforme Facebook Analytics, qui permet aux sites ou aux applications de mesurer leur audience. Enfin, il amasse des données par le biais de sa régie publicitaire. Les annonceurs présents sur Facebook peuvent aussi diffuser leurs pubs en dehors du réseau social - sur un autre site ou application. Lorsqu'un internaute clique sur cette publicité d'un annonceur gravitant dans l'écosystème Facebook, alors ce dernier met la main sur certaines infos.

"Par exemple, imaginez qu'un site web de vêtements souhaite diffuser des publicités auprès des personnes intéressées par un nouveau modèle de pantalon. Le site web peut indiquer à Facebook qu'une personne utilisant l'appareil X a consulté ce modèle de pantalon. Si les informations de cet appareil correspondent au compte Facebook de quelqu'un, nous pourrons montrer des publicités pour ce modèle de pantalon à cette personne.", illustre Facebook dans une note de blog.

| Lire aussi : Oui, Facebook collecte vos données même si vous n'avez pas de compte

■ Que va permettre cette nouvelle fonctionnalité ?

Jusqu'ici, il était seulement possible de supprimer son historique propre à Facebook - comme les likes ou les commentaires publiés sur la plateforme. Cette nouvelle fonction va permettre d'obtenir un résumé des informations transmises par les sites et applications à Facebook, de déconnecter les informations actuelles et de choisir de "déconnecter votre future activité en dehors de Facebook de votre compte".

"Si vous effacez votre historique en ligne, nous supprimerons les informations permettant de vous identifier que les applications et sites web choisissent de nous envoyer. Nous ne saurons pas où vous avez été ni ce que vous avez fait sur Internet, et nous n'utiliserons aucune information pour vous montrer des publicités sur Facebook, Instagram ou Messenger", explique la firme américaine dans une note de blog.

Pour autant, Facebook continuera toujours de recevoir les données, mais celles-ci seront anonymisées et donc, elles ne seront plus associées à un compte en particulier.

■ Pourquoi Facebook propose-t-il cette fonction ?

Depuis mars 2018, la firme de Mark Zuckerberg traverse la plus grande crise de son histoire en terme d'image. En cause : le retentissant scandale Cambridge Analytica. Ce cabinet d'analyse est parvenu de manière détournée, et sans consentement, à s'accaparer les données personnelles de 87 millions d'utilisateurs de Facebook à des fins politiques... Une polémique qui a révélé au grand public la gestion laxiste des données par le réseau social, qui depuis, tente de montrer patte blanche. Deux mois plus tard, Facebook présentait dans les grandes lignes cette fonction, alors baptisée "Clear Your History".

En mars dernier, Mark Zuckerberg, Pdg et fondateur de Facebook, annonçait un tournant stratégique. Il déclarait vouloir reconstruire "dans les années à venir" ses différentes applications en misant sur la protection des données, avec notamment le déploiement du chiffrement de bout en bout. Jusqu'ici réfractaire à toute forme de régulation, le jeune milliardaire appelait dans la foulée les gouvernements à mieux encadrer les plateformes numériques.

"Cet outil est la dernière initiative de Facebook pour devenir plus transparent et permettre aux utilisateurs de mieux contrôler leurs données. Il est également probable que ce soit une façon de garder une longueur d'avance sur les régulateurs, aux États-Unis et à l'étranger, qui s'attaquent aux pratiques de ciblage des annonces de Facebook", explique Jasmine Enberg, analyste au cabinet eMarketer.

Alors que le réseau social a traversé une année noire en 2018, avec des polémiques à répétition, il est sous la pression des régulateurs tant aux États-Unis, qu'en Europe. Dernier fait notable en date : il a écopé en juillet d'une amende de 5 milliards de dollars par la Commission fédérale du commerce (FTC) américaine pour avoir "trompé" ses utilisateurs sur leur capacité à contrôler la confidentialité de leurs informations personnelles.

Pour Facebook, vouloir protéger la vie privée des utilisateurs a un prix car cela signifie renoncer à de nombreuses données personnelles et donc, de généreux revenus issus de la publicité ciblée dont raffolent les annonceurs. En dépit des polémiques, Facebook a enregistré un chiffre d'affaires en 2018 de 55,8 milliards de dollars pour un bénéfice net de 22,1 milliards de dollars (+39%) - dont plus de 95% est généré par la publicité.

Avec cette nouvelle fonctionnalité, Facebook s'attend à ce qu'il y ait "des conséquences sur (son) activité".

"L'impact de la fonction "Activité en dehors de Facebook" sur l'activité publicitaire du réseau social dépendra de son adoption par les utilisateurs", tempère Jasmine Enberg. "Les consommateurs doivent accéder aux paramètres Facebook et activer la fonctionnalité de manière proactive. Comme nous l'avons vu par le passé, il existe un fossé entre les personnes qui se soucient de la protection de la vie privée et celles qui agissent réellement. Si peu de gens utilisent l'outil, il est peu probable qu'il ait un impact sur les résultats nets de Facebook."

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 21/08/2019 à 18:48
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La sécurité a un coût ? Non, il faut seulement supprimer son compte Facebook. Si,si, on s'en passe très bien, surtout pour faire des choses autrement plus intéressantes.Lire par exemple, ou "glander", tellement plus reposant qu'être accroché à son sm...

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