Le Danemark nomme un ambassadeur auprès des GAFA

Le gouvernement danois a annoncé la nomination d'un ambassadeur numérique auprès des multinationales de la Silicon Valley. Ce nouveau poste met en évidence le poids politique important des géants de la technologie sur la scène diplomatique internationale.
Grégoire Normand
Le poste d'ambassadeur numérique du Danemark auprès des multinationales du secteur technologique n'est pas encore pourvu.

C'est une première mondiale. Le Danemark s'apprête à nommer un ambassadeur numérique pour renforcer la diplomatie du royaume au pays des GAFA. Si le nouvel ambassadeur n'ira pas siéger en Californie, cette nouvelle nomination pourrait annoncer quelques changements notables dans les relations internationales.

"De nouvelles nations"

Le projet imaginé par le ministre des Affaires étrangères Anders Samuelsen et révélé dans une interview au journal danois Politiken considère les géants de la Tech comme de nouvelles nations. "Ces firmes sont devenues un nouveau type de nation et nous avons besoin de nous confronter à cela" a-t-il affirmé. Des compagnies comme Google, Apple et Microsoft "touchent autant le Danemark que d'autres pays [...] Nous allons envoyer un signal qui prend en compte la couronne royale et notre diplomatie".  Cette prise en considération se traduit également dans une vision renouvelée des relations avec le secteur des technologies."Dans le futur, nos relations bilatérales avec Google seront aussi importantes que celles que nous avons avec la Grèce" a indiqué M.Samuelsen sur CNN. Pour le membre du gouvernement danois, ces relations doivent également être renforcées au regard du poids économique de ces sociétés. "Ces firmes technologiques américaines ont amassé des fortunes encore plus grandes que des pays avec lesquels le Danemark entretient encore des relations diplomatiques classiques".

anders samuelsen

Le ministre des Affaires étrangères danois  Anders Samuelsen et son homologue français Jean-Marc Ayrault en décembre dernier. Crédits : Scanpix Denmark/Reuters.

Des missions encore floues

Le ministre des Affaires étrangères n'a pas encore apporté de grandes précisions sur les missions qui attendent ce nouvel ambassadeur. Si le représentant devrait aborder les questions relatives à la vie privée, à la protection des données personnelles et à la sécurité numérique, l'un des autres enjeux importants serait de renforcer la diplomatie économique entre le pays scandinave et la Silicon Valley. Dans une interview accordée au Washington Post, Samuelsen rappelle que son rôle "ne sera pas symbolique. L'intelligence artificielle, le machine learning, le big data, l'internet des objets, les voitures sans conducteur et toutes ces choses sur lesquelles les compagnies travaillent et que le monde va devoir traiter, font partie du quotidien des Danois".

Par ailleurs, le gouvernement danois a passé des contrats avec Apple et Facebook  ces deux dernières années. Le plus grand réseau social au monde a officialisé au mois de janvier dernier ce projet de centre de stockage de données qui doit s'implanter dans la ville d'Odense. "Le data center d'Odense sera l'un des plus avancés et un des plus efficaces du point de vue énergétique dans le monde" a expliqué Niall McEntegart directeur des data center chez Facebook. Le centre de données estimé à 100 millions de dollars devrait être opérationnel en 2020 avec plus de 150 emplois à la clé.

Du côté d'Apple, les investissements prévus au royaume scandinave sont très importants. En effet, la firme prévoit de débourser près de 850 millions d'euros de capitaux pour construire un centre de données. Ce serait le plus grand investissement étranger de l'histoire du pays selon le journal danois Cphpost. Il devrait fonctionner uniquement avec des énergies renouvelables et doit être opérationnel à partir de 2017.

Une diplomatie à repenser

Cette nomination amène à repenser la place des firmes technologiques dans les relations diplomatiques. Ces dernières semaines, les GAFA ont montré qu'elles agissaient de plus en plus comme des Etats en contestant la politique migratoire de Donald Trump par exemple ou en voulant bâtir des villes flottantes comme en Polynésie. Mais cette nouvelle place au sein des relations internationales suscite parfois des questions.

>> Lire aussi : Immigration : la Silicon Valley s'insurge contre Trump dans une lettre à la justice

Si cette nomination peut être bien perçue par certains, d'autres comme la journaliste britannique spécialisée Emma Woollacot voient cette nouvelle fonction d'ambassadeur comme "une mauvaise nouvelle". Dans un article publié par Forbes, elle rappelle que "les entreprises ne sont pas des Etats. En nommant un ambassadeur et en mettant les deux entités sur un pied d'égalité, Samuelsen sous-entend que c'est l'argent qui compte avant tout. Amassez-en suffisamment, et vous aussi, vous obtiendrez non seulement une attention particulière de la part d'un gouvernement mais également un statut politique unique".

Grégoire Normand

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Commentaires 3
à écrit le 09/02/2017 à 17:38
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Allons jusqu'au bout de cette logique décadente : on peut donc dès lors envisager qu'un état déclare la guerre à une entreprise "numérique" et réciproquement.... cela devient fascinant la politique...

à écrit le 09/02/2017 à 17:06
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Les hommes politiques européens ont tellement perdus de vu ce qu'est une démocratie et donc une nation qu'ils osent considérer une entreprise privée comme telle... On explose le seuil de la bêtise à ce niveau...

à écrit le 09/02/2017 à 15:16
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Politique de lobbyisme, d'influence, de réseaux, à comparer avec le lobbyisme des multinationales qui infeste les assemblées nationales et européenne, pourquoi pas mais bon quel aveu d'impuissance quand même.

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