Altice dit « au revoir » à Libé

Altice France a décidé de se séparer du quotidien de gauche. Dans un mail interne, le groupe de Patrick Drahi annonce que le journal sera transféré dans une structure à but non lucratif censée garantir « l’indépendance » du titre.
Pierre Manière
Patrick Drahi avait acquis Libération en 2014, pour 14 millions d'euros.
Patrick Drahi avait acquis Libération en 2014, pour 14 millions d'euros. (Crédits : Reuters)

Altice et Libé, c'est fini. Dans un mail interne diffusé par Altice France, ce jeudi, le groupe de Patrick Drahi et maison-mère de l'opérateur SFR, annonce que le quotidien de gauche sera transféré dans un nouveau « Fonds de dotation pour une presse indépendante ». Une filiale de cette structure, baptisée « Presse Indépendante SAS », va acquérir le journal, sa régie et sa société de développement technologique. Patrick Drahi a ainsi décidé de se séparer de ce titre qu'il avait racheté en 2014, avant de le « vendre », deux ans plus tard, à son propre opérateur.

Dans sa missive, Altice France précise qu'il « dotera substanciellement » ce nouveau fonds pour éponger les dettes du journal, qui avoisineraient les 45 à 50 millions d'euros, « mais aussi [pour] lui donner, progressivement, les moyens nécessaires au financement de son exploitation future, et ainsi garantir son indépendance sur le long terme ». Ainsi, Libération « deviendra la propriété d'une structure non cessible et non capitaliste à but non lucratif ». Altice France précise que « tout mécène pourra abonder le Fonds de dotation à des fins non lucratives ». Patrick Drahi, lit-on, « continuera personnellement d'accompagner l'avenir de Libération », via, possiblement, des dons à la fondation.

« On est tout seul »

Ce jeudi midi, Arthur Dreyfuss, à la tête d'Altice Médias et secrétaire général de SFR, a présenté ce plan aux salariés de Libération. Il a qualifié l'opération d'« innovante », d'« inédite ». Selon lui, elle offrira au journal « encore plus d'indépendance qu'il n'en a aujourd'hui ». Mais au sein du titre, on s'interroge. Désormais, « on est tout seul, grince un journaliste à La Tribune. Ils nous disent : "vole tout seul petit oiseau qui a encore les pattes cassées". A nous maintenant de prouver qu'on peut réussir cette nouvelle étape dans la vie du journal. »

Même si les dettes de Libération seront épongées par Altice France et que le titre a réussi à stabiliser ses ventes, il continue de perdre de l'argent. D'après les élus du journal, ses besoins de financement s'élèveraient à environ 8 millions d'euros par an. En s'adressant aux salariés, Arthur Dreyfuss a jugé qu'« un retour à la croissance à court terme » constituait un objectif « raisonnable ». Lequel devient, désormais, un vrai impératif pour l'avenir du titre.

Grand chambardement

Pourquoi Patrick Drahi et Altice France se séparent-ils ainsi de Libération ? Parce qu'aux yeux du groupe, la presse écrite n'est plus, comme par le passé, une priorité. En 2017, le groupe a déjà cédé une dizaine de titres, parmi lesquels Mieux vivre votre argent et La Lettre de L'Expansion. Deux ans plus tard, c'est l'hebdo L'Express qui a été repris à titre personnel par Alain Weill, le président d'Altice France. Aujourd'hui, le groupe veut visiblement se concentrer sur les télécoms, avec SFR, et son pôle audiovisuel, avec BFMTV et RMC. En se séparant de Libération de la sorte, le groupe de Patrick Drahi promet qu'il veut l'accompagner dans les meilleures conditions pour assurer son avenir. Si cela n'avait pas été son intention, et s'il avait voulu s'en débarrasser, « une solution facile aurait été de vendre Libération », a affirmé Arthur Dreyfuss aux salariés.

Le journal et ses 200 salariés vont, quoi qu'il en soit, connaître un grand chambardement. Selon nos informations, le titre, aujourd'hui situé à Balard au sein de l'Altice Campus, va déménager d'ici 9 à 12 mois. Laurent Joffrin, qui siègera au conseil d'administration du Fonds de dotation, quittera son poste de directeur de la rédaction à la fin de l'année. Il continuera toutefois, selon Capital, à contribuer au journal. Une clause de cession, qui permet aux journalistes de quitter le titre en percevant des indemnités, sera ouverte.

Pierre Manière

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Commentaires 6
à écrit le 15/05/2020 à 10:18
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Comprendre: game over, débrouillez-vous pour trouver les financements...!

à écrit le 15/05/2020 à 2:47
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Liberation, un journal de gauche ! C'est ce que l'on nomme de l'information.

à écrit le 14/05/2020 à 19:05
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Libé un journal faussement de gauche et ne supportant pas la moindre critique, redeviendra t'elle de gauche ou carrément a droite?

à écrit le 14/05/2020 à 18:51
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il faut obliger FO et la cgt a le racheter, et a le recapitaliser comme des actionnaires negriers........et ils en ont les moyens, eux!! ca peut devenir marrant, d'autant qu'on pourra leur aplatir la tete et les traiter de tous les noms, comme quand...

le 14/05/2020 à 19:12
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Très juste.

le 14/05/2020 à 19:24
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Comme si les patrons respectaient le droit social, qui de toute façon n'existera bientôt plus grâce à Micron...

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