Drahi prêt à vendre Libération, L'Express, L'Expansion à... SFR

D'après nos informations, le patron d'Altice (SFR) pourrait revendre Altice Media Group (Libération, L'Express, Stratégie...), qu'il détient via sa holding personnelle, à l'opérateur au carré rouge. Une manière de jouer la convergence entre les médias et les télécoms. Mais aussi, au passage, de récupérer de l'argent.
Patrick Drahi envisage-t-il de vendre son groupe presse à SFR ?
Patrick Drahi envisage-t-il de vendre son groupe presse à SFR ? (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

Le chevalier blanc ? Vraiment ? En s'emparant de Libération en 2014 puis des titres du groupe belge Roularta en 2015, dont L'Express est la tête de gondole, Patrick Drahi, le patron d'Altice, maison-mère de SFR, s'est présenté en grand sauveur de la presse tricolore.

« Mon aventure dans la presse, elle est totalement anecdotique. Je vous raconte l'anecdote parce qu'elle est drôle : lors d'un entretien avec une journaliste de Libération, la demoiselle me dit: 'Mais monsieur Drahi, vous allez dépenser 14 milliards pour acheter SFR, nous chez Libération, on a besoin que de 14 millions pour nous sauver.' Ça m'a laissé perplexe, je dois vous l'avouer. Et à l'issue de l'entretien, j'ai dit 'prenons le dossier', parce que si nous pouvions effectivement sauver un titre sans aucune conviction ni médiatique, ni politique, pour un millième de l'argent investi dans SFR, je pense qu'on faisait quelque chose de bien », expliquait l'homme d'affaires le 27 mai 2015 lors de son audition par la commission des Affaire économiques de l'Assemblée nationale.

Ne pas perdre d'argent

Faire le bien. C'est si rare dans le monde des affaires que l'arrivée de Patrick Drahi ne peut être que saluée, non ? Bien évidemment, Patrick Drahi n'est pas un mécène. Il n'a pas construit son empire et sa fortune en multipliant les actes de philanthropie. Il a bien l'intention que ces investissements dans la presse, regroupés au sein d'Altice Media Group (L'Express, Libération, Stratégie, la chaîne i24News, Coiffure de Paris ou encore Cosmétique Mag) qu'il détient presque intégralement via sa holding personnelle, soient rentables. Ou du moins ne lui fassent pas perdre d'argent.

« A partir du moment où je commence à investir dans cette activité de presse écrite, qui est une activité très difficile, en chute de vitesse, et pas qu'en France, il y a forcément nécessité de prévoir le long terme. Il ne s'agit pas de mettre 14 millions [dans Libération, Ndlr] puis de s'apercevoir deux ans plus tard que le journal est de nouveau au bord du gouffre. La seule façon de créer une entreprise pérenne, c'est de la développer », précisait Patrick Drahi devant les députés.

Des investissements « au compte-goutte »

Bref, tout sauf l'immobilisme... Mais pour l'heure, ce sont plutôt les restructurations qui vont bon train à Libé, L'Express ou à L'Expansion où les rédactions fondent à vue d'oeil. « Il est devient difficile de se concentrer sur notre travail quand les journées sont rythmées par les pots de départ », explique une journaliste de L'Express. Et côté investissements ? « Ils se font au compte-goutte, explique un journaliste à Libération. Il n'y a pas de grand plan de développement du titre ou de modernisation des outils rédactionnels. C'est préoccupant : sur le numérique par exemple, on a déjà du retard vis-à-vis du Monde ou du Figaro, et on craint que le fossé se creuse... »

En attendant que la stratégie d'Altice Media Group devienne rentable, Patrick Drahi ne semble pas prêt à prendre trop de risques sur le plan personnel. Selon nos informations, Patrick Drahi envisage sérieusement de vendre ces titres de presse à ... SFR, son opérateur en France. A quel prix ? Difficile encore de le savoir. Interrogé par La Tribune, Altice ne fait aucun commentaire. En homme d'affaires avisé, on peut raisonnablement penser que Patrick Drahi réalise une plus-value en se séparant de ses titres. Pour mémoire, il a investi plus de 30 millions d'euros dans Libération. Quant au coût du rachat des titres de Roularta, il n'a pas dépassé les 10 millions d'euros.

Faire remonter du cash

Reste qu'en vendant Altice Media Group, Patrick Drahi fera remonter du cash à la maison-mère. Du côté des salariés de l'opérateur au carré rouge, dont les syndicats dénoncent 900 départs non-remplacés entre novembre 2014 et décembre 2015, pas sûr qu'une telle manœuvre fasse l'unanimité... « Ca va encore se faire sur notre dos », dézingue un responsable syndical. « Une fois encore, on vient chercher de l'argent chez-nous pour renflouer Altice ».  Il faut dire que récemment, SFR a versé 2,5 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires. L'opération, notamment financée par un emprunt de 1,6 milliard d'euros, avait mécaniquement permis de faire remonter beaucoup d'argent à Altice, actionnaire à 70% de l'opérateur.

Pressé de rembourser une dette nette totale de 35,5 milliards d'euros au 31 décembre 2015 auxquels s'ajouteront bientôt 8 milliards supplémentaires dus à l'acquisition de Cablevision aux Etats-Unis, Altice a en outre déjà dû se résoudre à remonter certains des tarifs de SFR, quitte à voir ses abonnés filer vers la concurrence.

La convergence en ligne de mire

Sur le fond, un rattachement d'Altice Media Group à SFR serait en ligne avec la stratégie de Patrick Drahi, qui mise sur la « convergence » entre les télécoms et les médias pour se différencier. L'idée ? Remplir les tuyaux de SFR avec les contenus de Libération, L'Express, l'Expansion, Stratégies, la chaîne d'informations i24 News et ceux du groupe NextRadio TV (BFM-TV, RMC...), qu'il contrôle depuis son association avec Alain Weill. D'après un analyste financier, il est plus facile de jouer la carte de convergence lorsque l'opérateur contrôle directement un portefeuille de médias à proposer à ses clients. Le 5 mai prochain, SFR va d'ailleurs lancer une option « SFR Presse ». Pour 19,99 euros par mois, celle-ci permettra de consulter « en illimité » la plupart des journaux d'Altice Media Group. Quoi qu'il en soit, cette stratégie semble confirmer que pour Patrick Drahi, la presse n'est pas une fin en soi. Mais plutôt un aimant à abonnés et une source d'enrichissement.

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Commentaires 4
à écrit le 12/04/2016 à 15:40
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Deux titres ringards de la gôooche bobo, soudain obligés de devenir rentables, on croit rêver, on va entendre parler des cadences "oinoinnfernales", et de la liberté perdue d'une presse aux ordres du microcosme communautariste.

à écrit le 12/04/2016 à 11:17
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Quelle différence avec un dirigeant de grande surface ? Aucune, ces magnats ne sont que des "addictifs compulsifs au cash" il n'y a rien chez eux du Grand Patron, mais plutôt du soldeur opportuniste.

à écrit le 11/04/2016 à 22:43
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S.F.R et BOUYGUES devraient fusionner Tout !!!!!! sauf leur politique commerciale et boutiques : memes infrastructures, memes réseaux, memes approvisionnements, meme logistique Au sein d'un G.I.E Groupement d'Intérêt Economique.

à écrit le 11/04/2016 à 20:25
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c'est surtout une assurance vie. Mais comme Tapie (les deux entrepreneurs n' ont pas grand chose à voir au niveau hubris..) son immixtion dans la politique est son arrêt de mort rdv dans moins de 5ans voire dans 5 mois

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