C'est fait. Après des mois de tensions, de bras de fer et de négociations avec ses puissants actionnaires, Arnaud Lagardère a décidé de mettre fin au dispositif de commandite qui lui conférait les pleins pouvoirs au sein du groupe hérité de son père, Jean-Luc Lagardère. Cette organisation constituait un bouclier contre les prises de contrôle actionnarial. Avec la disparition de la commandite, le groupe d'édition (Publishing), de boutiques dans les aéroports (Travel Retail) et de médias va devenir une société anonyme traditionnelle. Dorénavant, elle sera tout à fait « opéable ».
Arnaud Lagardère a transmis sa proposition au conseil de surveillance en début de semaine. Celui-ci l'a accueillie « favorablement », précise le groupe ce mercredi, dans un communiqué. Ce « projet de transformation » sera présenté à l'assemblée générale du 30 juin. Les marchés, eux, sont logiquement ravis. En fin de matinée, le titre gagnait 2,67%, à 23,86 euros. Quand bien même les récents résultats de Lagardère, qui pâtit lourdement de la pandémie, font état d'une très forte chute du chiffre d'affaires.
Arnaud Lagardère va doubler sa participation
Cette proposition d'Arnaud Lagardère est en réalité le fruit d'un compromis et de discussions avec les principaux actionnaires du groupe. Pendant plus d'un an, l'héritier de Jean-Luc Lagardère, qui ne dispose que d'un peu plus de 7% du capital, Vincent Bolloré (qui en possède 28% via Vivendi), le fonds Amber Capital (20%) et Bernard Arnault (qui détient 7% du capital, mais possède aussi un quart de celui de la holding d'Arnaud Lagardère chapeautant la commandite) ont croisé le fer dans une féroce lutte de pouvoir.
Pour mettre fin à la commandite, Arnaud Lagardère sera compensé à hauteur de 10 millions de nouvelles actions du groupe, d'une valeur de 230 millions d'euros au cours actuel. Ce qui lui permettra de doubler sa participation. Arnaud Lagardère a également obtenu un siège de PDG pour les six prochaines années. Il devra, désormais, rendre compte de sa gestion à un conseil d'administration de onze membres. Arnaud Lagardère aura la main sur les nominations de trois administrateurs. Idem pour Vincent Bolloré et Vivendi. Le fonds souverain du Qatar, Amber Capital et Financière Agache (ex-Groupe Arnault) proposeront chacun un administrateur.
Un dispositif censé éviter le démantèlement
Un dispositif visant à limiter le risque de démantèlement du groupe a été mis en place. « Toute cession d'un actif Publishing, Travel Retail ou médias représentant un montant de chiffre d'affaires supérieur à un seuil fixé pour chacun de ces ensembles d'activités, ne pourrait être décidée sans l'accord du conseil d'administration pris à la majorité des trois cinquièmes de ses membres », précise Lagardère dans son communiqué. Ces seuils sont de « 50 millions d'euros pour l'édition, 100 millions pour le Travel Retail et de 10 millions pour les médias, pris isolément ou en cumulé sur 12 mois ». Autrement dit, tout deal concernant la vente d'Hachette ou d'Europe 1, par exemple, devra rassembler au moins sept voix favorables au conseil.
Aux yeux d'Arnaud Lagardère, qui s'est dit « sincèrement très, très heureux de cette évolution » ce mercredi, l'intégrité du groupe est ainsi préservée. A voir... A un an de la présidentielle, Vincent Bolloré n'a jamais caché son appétit pour Hachette et Europe 1. Bernard Arnault, lui, pourrait être intéressé par les influents JDD et Paris Match. Amber Capital, pour sa part, a longtemps torpillé la gestion d'Arnaud Lagardère, et militait pour la fin de la commandite. Certaines estiment que son objectif serait de démanteler le groupe afin d'en extraire un maximum de valeur... Aujourd'hui Amber se félicite logiquement de voir la commandite partir en fumée. « En tant qu'actionnaire de référence, nous nous réjouissons de ce projet de transformation, affirme Joseph Oughourlian, le fondateur et chef de file du fonds, dans un communiqué. Nous l'appelions de nos vœux depuis plusieurs années. » Amber et Lagardère ont, à cette occasion, mis fin « aux diverses procédures qui les opposaient », souligne le Lagardère dans son communiqué.
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