C'est une révolution qui se profile chez Lagardère. Son chef de file, Arnaud Lagardère, est en passe de mettre un terme à la commandite, la structure qui lui permet de disposer d'un contrôle total sur le groupe malgré une faible part du capital d'un peu plus de 7%. C'est ce qu'ont avancé Le Point et Les Echos ce week-end. Ces informations ont été confirmées ce lundi par Lagardère.
« A la suite de récentes rumeurs parues dans la presse [...], Lagardère SCA confirme qu'elle étudie actuellement un projet de transformation en société anonyme, au sujet duquel des discussions sont en cours entre elle et ses principaux actionnaires », précise le groupe dans un communiqué.
Un conseil de surveillance de Lagardère devait, selon Les Echos, se tenir ce lundi. Il vise à déterminer les modalités d'extinction de la commandite. Celle-ci avait vu le jour en 1992. Jean-Luc Lagardère, le père d'Arnaud, avait choisi cette option pour garder la main sur l'entreprise après la faillite et la disparition de La Cinq. Tout n'est, cependant, pas totalement réglé. Un retournement de situation n'est pas à exclure dans ce dossier particulièrement brûlant. « Il n'y a pas de certitude quant à l'aboutissement des discussions en cours », précise le communiqué de Lagardère. En outre, tout accord devra être validé à l'assemblée générale du 14 juin.
Arnaud Lagardère serait PDG jusqu'en 2026
Les discussions concernent Arnaud Lagardère et ses principaux actionnaires. On y trouve Vincent Bolloré (qui possède 28% du groupe via Vivendi), Bernard Arnault (qui a la main à la fois sur 7% du capital, mais est aussi présent dans la holding contrôlant la commandite), le fonds activiste Amber Capital (20%) et le puissant fonds souverain du Qatar (13%). En échange d'un renoncement à la commandite, Arnaud Lagardère toucherait un joli pactole de dix millions de nouvelles actions Lagardère « au prix de 22,70 euros le titre, soit un total de plus de 220 millions d'euros », précise Le Monde ce lundi. Il doublerait son poids au capital du groupe. Très critiqué pour sa gestion depuis qu'il a repris les rênes du groupe en 2003, après le décès de son père, il aurait également obtenu un poste de PDG jusqu'en 2026. Selon des sources proches des discussions à Reuters, Vincent Bolloré, Bernard Arnault et Arnaud Lagardère ont conclu un projet d'accord comportant une clause de non-démantèlement de la société pendant une période de cinq ans.
Cette issue permettrait, d'une certaine manière, à Arnaud Lagardère de garder la tête haute. Mais la SCA deviendra alors une société anonyme (SA) classique. Ce qui change tout. Primo, la société devient « opéable ». Elle peut donc devenir la proie de n'importe quel groupe intéressé par ses activités. Secundo, Arnaud Lagardère, qui était jusqu'alors seul vrai maître à bord, devra désormais répondre de sa gestion dans un conseil où les actionnaires seront représentés.
Bras de fer entre cadors du CAC 40
Quid, dans ces conditions, de l'avenir du groupe ? Difficile à dire, pour l'heure. Il semblerait qu'Arnaud Lagardère conserve, au moins pour un temps, la tête du groupe, et que la perspective d'un démantèlement soit, aussi pour un temps, écartée. Il faudra attendre les détails de l'accord, s'il fait l'unanimité, pour en savoir plus. Celui-ci pourrait aussi prévoir un dispositif anti-OPA, notamment de la part de Vivendi.
Un éventuel accord clôturerait la violente bagarre pour le contrôle de Lagardère que se livrent, depuis plus d'un an, les cadors du capitalisme français. Amber Capital a été le premier à mettre le feu aux poudres. Le fonds n'a pas retenu ses coups pour dénoncer la gestion, jugée calamiteuse, d'Arnaud Lagardère, et le pousser à abandonner la commandite. Pour repousser ces attaques, ce dernier a alors fédéré plusieurs soutiens, dont l'ancien président Nicolas Sarkozy et Guillaume Pepy, l'ex-patron de la SNCF, tous deux proches du Qatar, qu'il a coopté au conseil de surveillance. Vincent Bolloré, initialement présenté comme un soutien d'Arnaud Lagardère, s'est invité au capital du groupe, et a progressivement augmenté sa participation.
Mais l'appétit de l'homme d'affaires breton est devenu aussi problématique qu'inquiétant. Arnaud Lagardère a alors trouvé un soutien de choix avec Bernard Arnault, qui a pris un quart du capital de sa holding personnelle, via laquelle il contrôle son groupe. La manœuvre a suscité l'ire de Vincent Bolloré, qui a signé, dans la foulée, un pacte avec Amber pour réclamer des sièges au conseil de surveillance.
Plusieurs actifs suscitent l'intérêt de Vincent Bolloré. Il y a notamment l'éditeur Hachette, qu'il pourrait avantageusement rapprocher d'Editis, celui de Vivendi. Mais il y a aussi Europe 1. L'objectif de l'homme d'affaires breton, chef de file de Vivendi et maison-mère de Canal+, serait de rapprocher la station du groupe Lagardère de CNews, à la ligne éditoriale devenue très droitière, à un an de l'élection présidentielle. Bernard Arnault, de son côté, serait davantage intéressé par Paris Match et le JDD, qui restent des titres influents. Après des mois de passes d'armes, une paix des braves n'a jamais semblé aussi proche.
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