Le foot français sur le fil du rasoir

Après le fiasco Mediapro et la crise sanitaire, les clubs de Ligue 1 affichent une situation financière extrêmement dégradée. Malgré l’arrivée d’Amazon en tant que nouveau diffuseur, des faillites ne sont pas à exclure, surtout si la crise sanitaire s’aggrave et que Canal+ refuse d’honorer ses paiements.
Pierre Manière
Neymar Jr, la star du PSG.
Neymar Jr, la star du PSG. (Crédits : Reuters)

Il y a les paillettes de l'arrivée de Gianluigi Donnarumma, la nouvelle perle du football italien, au PSG, ou celles du « sauvetage » des Girondins de Bordeaux et de leur maintien in extremis en Ligue 1. Mais la réalité est plus amère : les clubs de l'élite du foot français affichent une situation financière très dégradée. Pour ne pas dire catastrophique. Les chiffres récemment dévoilés par la Ligue de football professionnel (LFP) font froid dans le dos. Entre la Covid-19 et le fiasco Mediapro, les recettes des clubs ont plongé. La crise sanitaire, en premier lieu, a occasionné une perte de 1,3 milliard d'euros. La facture des stades vides ? 400 millions d'euros. Celle des pertes liées à la morosité sur le marché des transferts ? Entre 300 et 400 millions d'euros. L'épisode a également eu des conséquences sur l'endettement des clubs, à hauteur de 350 millions d'euros.

La défaillance de Mediapro, qui s'était engagé, à débourser 762 millions d'euros par an jusqu'en 2024 pour diffuser 80% de la L1 et de la L2, avant de jeter l'éponge fin 2020, coûte aussi très cher. Même si le géant américain Amazon a repris le flambeau au groupe sino-espagnol à partir de la saison prochaine, ses 250 millions d'euros annuels sont très éloignés du jackpot originel. Il n'en fallait guère plus pour faire dérailler les finances des clubs, dont la mauvaise gestion n'a rien arrangé. Il faut dire que chez les pensionnaires de l'élite, habitués à dépenser l'argent qu'ils n'ont pas, les salaires représentent plus de 70% de leur budget ! Au terme de la saison 2019-2020, neuf clubs sur vingt sont en déficit. Le PSG décroche la première place avec un trou de 124 millions d'euros. Il est suivi par l'OM, dans le rouge à hauteur de 97 millions d'euros. L'OL complète ce triste podium, avec un déficit de 36 millions d'euros.

« On est à l'os »

Dans un entretien au journal L'Equipe ce jeudi, Jean-Marc Mickeler, le président de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), souligne que l'endettement des clubs s'est envolé, passant de 500 millions d'euros à la fin de la saison 2018-2019, à « plus de 1 milliard aujourd'hui ». En clair, les clubs sont « financièrement exsangues », alerte-il. On est à l'os. » Des prêts garantis par l'État (PGE) et le soutien des actionnaires qui ont réinjecté du cash ont permis de stabiliser la situation. Mais cela ne suffira pas. « A la fin de la saison prochaine, suivant les transferts réalisés, on aura une perte d'exploitation comprise entre 500 millions et 1 milliard d'euros », poursuit Jean-Marc Mickeler. Selon lui, les actionnaires vont devoir remettre au pot. Dans le cas contraire, des faillites ne sont pas à exclure. « Car avec 1 milliard de dettes, zéro fonds propres, une exploitation qui dégage plus de 1 milliard de pertes, il n'y a plus d'établissements financiers ou de fonds qui accepteront de financer le football français », juge-t-il.

La situation pourrait se dégrader davantage. Si le variant Delta débouchait sur une fermeture complète des stades à la rentrée, les clubs risquent, encore, de voir les recettes de billetterie partir en fumée. L'autre inconnue concerne Canal+. La chaîne de Vincent Bolloré est censée diffuser deux matchs par journée de championnat contre 332 millions par saison. Il s'agit ici des droits TV rachetés par Canal+ à BeIN Sports fin 2019. Ce dernier les avait lui-même acquis lors du premier appel d'offres de 2018, lors de l'irruption de Mediapro. Mais Canal+, furieux de s'être fait damer le pion par Amazon lors de la réattribution des droits TV du groupe sino-espagnol, veut couper le cordon avec la L1. Son état-major est aujourd'hui mobilisé pour faire voler en éclat son contrat et ses versements. S'il arrivait à ses fins, les recettes des clubs en pâtiraient lourdement.

Amazon restera-t-il après 2024 ?

A plus long terme, une interrogation concerne l'avenir d'Amazon comme diffuseur de la L1. Le géant américain de la tech réussira-t-il à séduire assez d'abonnés ? Deviendra-t-il « le nouveau foyer de la Ligue 1 en France », comme l'espère Alex Green, le directeur général Europe de Prime Video Sport ? Pas si sûr. Son modèle de distribution est unique en son genre. Pour regarder le championnat, il faut d'abord être abonné à son service Prime. Celui-ci coûte 5,99 euros par mois ou 49 euros par an. Il permet de recevoir des colis plus rapidement et d'accéder à son service de vidéo à la demande. Dès lors, il faut s'acquitter d'un supplément de 12,99 euros pour la L1. Selon une source proche du dossier au journal Le Monde, Prime compterait entre 9 et 11 millions de fidèles dans l'Hexagone. Combien de fans de ballon rond se laisseront-ils séduire par cette offre ? Sachant, chose importante, que la prestigieuse Ligue des Champions sera, elle, uniquement disponible sur Canal+ et BeIN Sports.

Si Amazon devait tirer sa révérence au terme de son engagement jusqu'en 2024, la LFP pourrait être bien embarrassée. Au regard de la fureur affichée aujourd'hui par Canal+, on imagine mal la chaîne cryptée candidater à nouveau pour diffuser la L1. Le risque, c'est que faute d'une concurrence suffisante, la valeur des droits TV dégringole davantage. Ce qui serait une nouvelle gifle pour le foot français, plus que jamais sur le fil du rasoir.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 16/07/2021 à 14:49
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bon debarras!!!!! quand on voit combien gagnent des gens sans cerveau, pas foutus de montrer l'exemple, mais qui servent de referentiels a tous leurs supporters de banlieue,, c'est sans regret

à écrit le 16/07/2021 à 7:56
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L'affaire mediapro est un scandale sur toute la ligne, tout ceux qui ont trempé de près où de loin dans ça devraient être immédiatement éjectés et c'est certainement ce qui ferait le plus de bien au foot français, ils ont tous cru au bon gros gâteau...

à écrit le 16/07/2021 à 4:21
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Les jeux du cirque version steroide. Pas un seul de ces footeux n'est pas dope, tous sous cortisol.

à écrit le 15/07/2021 à 23:48
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Le foot est un sport génial. Malheureusement il a été pollué par l'argent. Revenir à plus de "sport", c'est par moins d'argent et ça nous éviterait le spectacle innommable des "supporters" et certaines émissions de télé de "sport". Et surtout de le...

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