OPA de Vivendi sur Lagardère : pourquoi ce n'est pas gagné

L’institution de la rue de l’Echelle devra donner son feu vert à l’OPA, annoncée ce mercredi, du géant des médias dirigé par Vincent Bolloré sur le groupe de « travel retail », d’édition et propriétaire d’Europe 1, du JDD et de Paris Match. L'issue du raid est très incertain. L'Autorité de la concurrence, en particulier, pourrait juger qu'un rapprochement entre les cadors de l'édition Hachette et Editis, propriété de Vivendi, pose problème. Elle pourrait conditionner son feu vert à des cessions d'actifs. Décryptage.
Pierre Manière
Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi.
Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi. (Crédits : Reuters)

Vivendi a lancé, hier, sa dernière offensive sur Lagardère, dont il est le premier actionnaire avec 27% du capital. Le mastodonte des médias dirigé par Vincent Bolloré a annoncé qu'il comptait lancer une OPA sur le groupe de « travel retail » (essentiellement des boutiques dans les gares et aéroports), d'édition (avec la pépite Hachette) et plusieurs médias (dont les influents Europe 1, JDD et paris Match). Cette opération part d'un accord avec Amber Capital. Le fonds britannique, deuxième actionnaire de Lagardère à hauteur de près de 18%, a décidé de lui vendre ses titres contre un joli chèque de 610 millions d'euros (au prix de 24,10 euros l'action). Jeudi, l'action Lagardère s'est envolé à la Bourse de Paris terminant la séance sur une hausse de 19,45%, à 23,28 euros, soit une capitalisation de 3,27 milliards d'euros.

En mettant le grappin sur les parts d'Amber, Vivendi disposera de 45,1% du capital. En franchissant le seuil de 30%, il sera donc, d'un point de vue réglementaire, dans l'obligation de lancer une OPA sur l'intégralité des titres du groupe. Vivendi s'est donné jusqu'au 15 décembre 2022 pour boucler le rachat des parts d'Amber. De quoi laisser le temps à l'Autorité de la Concurrence et au régulateur de l'audiovisuel, le CSA, de se prononcer sur son projet d'OPA. Leur feu vert est un impératif. Et il est loin d'être gagné.

L'Autorité de la concurrence, en particulier, pourrait juger qu'un rapprochement entre les cadors de l'édition Hachette et Editis, propriété de Vivendi, pose problème. Si le premier est bien plus ancré à l'international que le second, tous deux sont très présents sur le marché français. L'institution de la rue de l'Echelle pourrait imposer différents « remèdes », en clair des cessions d'actifs, pour donner son aval.

Fin d'une bataille homérique

Quoi qu'il en soit, Amber quittera le navire Lagardère. Même si Vivendi écope d'un refus de l'antitrust, le groupe s'est engagé à le payer et à lui trouver un autre acquéreur pour ses titres. C'est la fin d'une histoire pour le fonds britannique, qui est à l'origine de cet épilogue chez Lagardère. Le fonds est entré au capital du groupe en 2011. Avec un objectif clair : déloger son chef de file, l'héritier Arnaud Lagardère. Pendant des années, Amber a dénoncé sa gestion, jugée calamiteuse, et lui a mis la pression pour qu'il abandonne la commandite. Ce statut particulier permettait à Arnaud Lagardère de garder le contrôle total sur son groupe malgré une très faible part du capital.

Les attaques incessantes d'Amber ont obligé Arnaud Lagardère à se trouver des alliés. C'est dans ce contexte que Vincent Bolloré est arrivé au capital de son groupe en 2020. Méfiant sur les intentions de l'industriel breton, Arnaud Lagardère a trouvé un autre soutien de poids en la personne de Bernard Arnault, le PDG de LVMH, qui a pris position dans sa holding personnelle. De quoi susciter l'ire de Vincent Bolloré. Celui qui était alors présenté comme un allié s'est mué en ennemi. Celui-ci a passé un pacte avec Amber pour s'attaquer à la gouvernance de Lagardère. Avec succès. En avril dernier, Arnaud Lagardère a fini par renoncer à la commandite. Il a donc accepté de céder, à terme, le contrôle de son groupe. Bernard Arnault a, dans le même temps, acté son départ en sortant de la holding d'Arnaud Lagardère, et en convertissant sa participation en actions Lagardère SA.

Recentrage sur les médias

L'OPA de Vincent Bolloré sonne la fin d'une bataille homérique entre cadors du CAC 40. Cette opération montre le souhait de Vivendi de se recentrer fortement sur les médias. Il se donne ainsi une nouvelle direction alors qu'il s'apprête à se séparer de son joyau, Universal Music Group, qui sera bientôt coté en Bourse. Avec Lagardère, la maison-mère d'Havas, de Gameloft, de Canal+ et des magazines Prisma Media avalera un groupe de 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il étendra encore son empire dans la presse. Vincent Bolloré semble déjà bien installé chez Lagardère. Les rapprochements entre CNews (Canal+), propriété de Vivendi, et Europe 1, ont déjà commencé. Beaucoup de journalistes de la station sont partis - ou sont sur le départ -, inquiets de voir leur antenne devenir le miroir radiophonique de la très droitière chaîne d'infos, incarnée jusqu'à récemment par le polémiste Eric Zemmour.

Dans l'édition, Vivendi pourrait également changer de dimension. Hachette et Editis, sont, en effet, respectivement les numéros un et deux du secteur dans l'Hexagone. Il reste, enfin, le « travel retail », activité qui a particulièrement souffert de l'épidémie de Covid-19, et dont Vivendi pourrait, à terme, vouloir se séparer.

Pierre Manière

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Commentaires 5
à écrit le 18/09/2021 à 7:52
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Excellent travail, et fait de manière clinique en terme d'exécution.

à écrit le 17/09/2021 à 12:59
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clap de fin pour le groupe lagardere....le pere doit se retourner dans sa tombe ..certes le fils a securise son avenir financier ..au detriment de sa ste ..exemple et cas d ecole ..

à écrit le 17/09/2021 à 12:59
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clap de fin pour le groupe lagardere....lepere doit se retourner dans sa tombe ..certes le fils a securise son avenir financier ..au detriment de sa ste ..exemple et cas d ecole ..

à écrit le 17/09/2021 à 12:46
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Avec C News et Zemmour, Bolloré ne doit pas avoir l’oreille de la Macronie Trop à droite et pas assez pensée unique, woke , cancel culture notre homme d'affaires breton.

à écrit le 16/09/2021 à 13:46
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Arnaud Lagardère a accepté d'abandonner le statut de société en commandite pour sauver son poste de direction, il finira évincé, certes moyennant compensation financière, et perdra l'intégralité de son influence sur le groupe. C'est ce qui arrive qu...

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