Le gouvernement ne pourra pas peser sur les décisions de l'Arcep

Le ministre du Numérique avait plaidé pour la présence d'un commissaire du gouvernement au sein du régulateur des télécoms. Votée par l'Assemblée nationale en janvier, rejetée par le Sénat, cette disposition a été définitivement abandonnée lors de la Commission mixte parlementaire de mercredi. Au grand dam d'Eric Besson.
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Il n'y aura pas de commissaire du gouvernement auprès du régulateur des télécoms et des postes, l'Arcep. La commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) qui s'est tenue mercredi soir n'est pas revenue sur la suppression par le Sénat le 10 février de cette disposition votée en janvier par l'Assemblée nationale.

Eric Besson, ministre de l'Industrie et de l'Economie numérique, qui avait surpris en déposant début janvier un amendement gouvernemental sur ce sujet, a préféré renoncer devant l'opposition du Sénat et d'une partie des députés. Mais il maintient son bien fondé.

Inquiétudes européennes sur l'indépendance et l'impartialité du régulateur

Cette disposition, introduite dans le projet de loi transposant plusieurs directives européennes, dont le "paquet télécoms", avait provoqué l'inquiétude de l'Arcep et un tollé des associations de consommateurs. Neelie Kroes, Commissaire européenne au Numérique, avait écrit au ministre français le 24 janvier pour faire part de ses "inquiétudes au sujet de l'impact potentiel d'une telle initiative sur l'indépendance et l'impartialité du régulateur". Cette lettre soulignait en outre que cela intervenait alors que "l'Etat français est un actionnaire important (27%, N.D.L.R.) de l'opérateur historique".

Bref, Neelie Kroes concluait que ses services examineraient de près le projet français "et sa compatibilité avec la législation européenne". Le 8 février, Bruxelles laissait même entendre qu'une procédure d'infraction contre la France serait envisagée si le commissaire du gouvernement était effectivement institué.

Eric Besson écrit à Bruno Retailleau et Laure de La Raudière

Dans un courrier adressé le 15 février aux rapporteurs du projet de loi des deux assemblées, Bruno Retailleau (Sénat) et Laure de La Raudière (Assemblée nationale), Eric Besson explique qu'il préfère "en rester à l'amendement de suppression adopté au Sénat". Non pas en raison des arguments évoqués par les opposants à ce projet, mais du fait des restrictions que les élus comptaient y apporter.

Dans cette lettre, que La Tribune s'est procurée, le ministre de l'Industrie et de l'Economie numérique insiste même sur les «six fondements» sur lesquels repose sa proposition. En voici les principaux extraits.

1/ «Cette disposition reprend une disposition du Parlement»

Le ministre rappelle ainsi que le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation sur les autorités indépendantes propose « d'assurer la présence d'un commissaire du gouvernement auprès de l'ensemble des autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire ».

2/ «Cette disposition met en œuvre une recommandation du Conseil d'Etat»

Eric Besson cite alors un rapport du Conseil d'Etat de 2001 qui plaidait pour "une présence mieux organisée du gouvernement auprès de certaines autorités administratives indépendantes." Ce document estimait "essentiel que le gouvernement ait la possibilité de faire valoir, au-delà des approches sectorielles, les orientations générales de l'action publique."

3/ «Cette disposition est parfaitement respectueuse du droit européen»

Le courrier du ministre explique plus simplement que le commissaire du gouvernement tel qu'envisagé pour l'Arcep "ne peut donner aucune instruction à ses membres. Il ne participe pas aux délibérations. Il n'est pas issu du service en charge des participations de l'Etat. Il respecte l'exigence de séparation structurelle effective requise par le droit européen".

4/ «Cette disposition étend à l'Arcep les règles en vigueur pour la quasi-totalité des autres autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire dans la sphère économique.»

5/ « Cette disposition est indispensable pour renforcer le dialogue entre le gouvernement et l'Arcep, dont les pouvoirs réglementaires sont de plus en plus imbriqués. »

Pour les fréquences, «l'Arcep propose les conditions d'attribution », tandis que le ministre « les fixe par voie d'arrêté». Pour le déploiement du très haut débit, Eric Besson souligne que la répartition des rôles est claire entre régulateur et ministre. Et pour la protection du consommateur, il estime que cela relève davantage de la loi et du règlement.

6/ «Cette disposition est un gage de transparence et d'indépendance du collège de l'Arcep»

«Pourquoi donc priver le collège de l'Arcep de la possibilité d'entendre la position du gouvernement ?», interroge le courrier adressé à Bruno Retailleau et Laure de La Raudière.

Cet argumentaire d'Eric Besson ressemble fort à une justification a posteriori pour une idée qui aura finalement été enterrée aussi rapidement qu'elle a surgi.

 

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