Fusion avec le CSA « pourquoi pas mais pour quoi faire ? » dit l'Arcep

Dans son rapport, le régulateur des télécoms évoque tous les scénarios, dont une simple coopération renforcée avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel via une loi. Cette solution light pourrait permettre au gouvernement de sortir par le haut de ce casse-tête en évitant toute précipitation.
Jean Ludovic Silicani, president de l'Arcep. Copyright DENIS/REA

Après un mois de travail et d'auditions, le régulateur des télécoms, l'Arcep, a remis au gouvernement et rendu public jeudi soir son rapport sur « l'évolution, à l'ère d'Internet, de la régulation de l'audiovisuel et des communications électroniques et ses conséquences », autrement dit sur l'éventuelle fusion de l'institution avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), sur laquelle planchent trois ministres (Filippetti, Montebourg, Pellerin) à la demande de Jean-Marc Ayrault depuis fin août. « Le sujet, évoqué depuis des années était un peu tabou. C'est très bien que le Premier ministre ait lancé la réflexion de façon transparente et rationnelle » estime Jean-Ludovic Silicani, le président de l'Arcep. Le collège du régulateur des télécoms a rendu son avis à l'unanimité. « Nous ne sommes contre aucune solution, dès lors qu'elle est la conséquence d'un choix politique préalable sur l'avenir de la régulation audiovisuelle » résume le président de l'Arcep. En clair « pourquoi pas mais pour quoi faire ? » Sinon du simple « Lego administratif » comme l'a déjà relevé le patron du régulateur. « La question est complètement ouverte » indique le cabinet d'un des ministres missionnés, qui doivent remettre leurs conclusions fin novembre. Elle semble même beaucoup plus ouverte qu'au lancement de la mission. « Le sujet, initialement poussé par l'Elysée, patine. Les ministres tournent en rond, on dirait que personne n'en veut, de cette fusion » raconte un haut fonctionnaire. « Même la Ministre de la Culture s'est rendue à l'évidence que les programmes de travail des deux entités n'avaient rien à voir et qu'il n'y avait aucune synergie » confie une autre source proche du dossier.

Une solution « light » de coopération renforcée pour sortir par le haut
Sur la fusion en tant que telle, un modèle adopté par « moins de 5% » des pays dans le monde, « si la réforme est faite, il faut la faire jusqu'au bout, en y incluant les missions de l'ANFR (l'Agence nationale des fréquences) et en donnant à la nouvelle autorité les mêmes pouvoirs que l'Ofcom, le régulateur britannique, en matière de concurrence, pour mieux prendre en compte les acteurs de l'Internet » explique le président de l'Arcep à La Tribune. Entre les lignes du rapport d'une trentaine de pages, qui balaie tous les scénarios envisageables, on comprend que l'Arcep - qui « ne veut pas être une victime collatérale de la crise de la régulation audiovisuelle » analyse un haut fonctionnaire à Bercy - penche en réalité en faveur d'une solution « light » : ce serait « une coopération institutionnelle renforcée » entre les deux régulateurs, en créant, par voix législative, une instance commune réunissant les deux collèges et leurs directeurs généraux, de façon régulière, à la demande de l'une ou l'autre institution. Il existe depuis l'an dernier un groupe d'échanges entre Arcep et CSA, qui s'est réuni trois fois mais sans résultat car dépourvu de pouvoir juridique. La solution de cette nouvelle instance aurait deux avantages : elle ne coûterait rien et n'empêcherait aucune évolution ultérieure. Une façon de se donner le temps de la réflexion pour une éventuelle fusion qui semble difficile à exécuter dans la précipitation, et donc de sortir par le haut de ce casse-tête sans préempter l'avenir. Cette solution d'attente nécessiterait « une disposition de cinq lignes dans une loi » et permettrait de se donner rendez-vous au printemps 2014. Le problème de la fin du mandat du président du CSA, Michel Boyon, en janvier 2013, pourrait passer par une prolongation d'un an, comme l'a révélé Les Echos, nécessitant une disposition législative.

La fusion britannique a coûté 100 millions d'euros
« La mission des ministres s'est révélée d'une complexité inattendue. Il faudrait une réflexion d'au moins une année, nous avons ouvert une boîte de Pandore» relève un proche du dossier. Le rapport de l'Arcep rappelle d'ailleurs que le Royaume-Uni s'est donné deux ans pour préparer la fusion de ses cinq régulateurs (télécoms, audiovisuel, fréquences) qui a donné naissance à l'Ofcom. L'Arcep souligne au passage que la création de l'Ofcom a eu « un coût financier élevé », estimé à 80 millions de livres, soit près de 100 millions d'euros, consacrés aux déménagements, aux travaux immobiliers, au recours à des consultants et à l'alignement par le haut des rémunérations des cadres des différentes administrations concernées. Et si la fusion a permis de diminuer nettement les effectifs (-28% en 2004 à la création), la masse salariale de l'Ofcom aurait explosé. Des éléments auxquels le ministère du Budget n'aurait pas été insensible. Même si officiellement, pour le gouvernement, « l'objectif d'une éventuelle fusion n'a jamais été celui d'une réduction des coûts » selon un conseiller à Bercy, l'heure est à la rigueur budgétaire dans toutes les administrations.

Vers une « Hadopi au cube » pour réguler les contenus sur tous les réseaux ?
Il reste finalement au gouvernement à trancher l'orientation qu'il souhaite donner à la régulation des contenus, en créant par exemple une sorte de « Hadopi au cube », selon l'expression qui circule, en étendant les pouvoirs du CSA (sur le contrôle des quotas de diffusion, le pluralisme, la protection du jeune public, etc) à tous les réseaux et tous les écrans. Car la diffusion des contenus s'effectue de moins en moins par voie hertzienne. Selon une étude de Médiamétrie pour l'Arcep, sur 100 minutes de télévision regardées, la part de l'hertzien est tombée de 57,4% en 2009 à 44,3% au troisième trimestre 2012, pendant que celle de l'ADSL et du câble a grimpé de 20,1% à 35,4% (voir page 14 du rapport). Les deux courbes devraient se croiser avant l'été 2013 et l'essentiel de la diffusion effective des programmes se fera d'ici 2 à 3 ans par Internet (ADSL ou fibre optique). De quoi apporter de l'eau au moulin de l'Arcep qui en profite pour relancer le débat : « faut-il dans ce contexte encore donner des fréquences nouvelles à l'audiovisuel ? »
 

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