Les ambitions des équipementiers télécoms chinois, Huawei et ZTE, de prendre une bonne part du marché indien des réseaux 5G semblent voler en éclat. Et pour cause : aucun des opérateurs autorisés ce mardi par New Delhi à mener des essais préparatoires au déploiement de la nouvelle génération de communication mobile n'utiliseront la moindre solution technologique chinoise. Les cadors des télécoms que sont Bharti Airtel et Reliance JioInfoComm, Vodafone Idea et MTNL ne s'appuieront que sur les équipementiers européens (Nokia et Ericsson), le sud-coréen Samsung, et le centre de recherche et développement du gouvernement indien. New Delhi n'a pourtant pas officiellement chassé Huawei, leader mondial de la 5G, et son compatriote chinois ZTE. En décembre dernier, l'exécutif avait d'ailleurs autorisé tous les équipementiers télécoms, y compris ceux de l'empire du Milieu, à participer aux essais et expérimentations en matière de 5G. La position officieuse semble toute autre... Et il apparaît désormais très improbable qu'un opérateur sélectionne in fine un équipementier sans avoir travaillé avec lui en amont... Autrement dit : tout porte à croire que l'Inde a décidé, comme de nombreux pays à travers le monde, d'exclure Huawei et ZTE.
Cela s'apparente à un véritable camouflet pour les deux cadors chinois. Avec près de 1,1 milliard d'abonnés mobiles, selon les chiffres officiels, l'Inde n'est rien de moins que le deuxième marché mondial des télécoms, derrière la Chine. Une mise au ban de Huawei et de ZTE ne constituerait malgré tout pas une surprise. Le gouvernement indien se montre très préoccupé par les questions de sécurité. A l'instar de nombreux pays, Huawei et ZTE figurent depuis longtemps dans son viseur. Pour rappel, les Etats-Unis, qui accusent Huawei d'espionnage pour le compte de Pékin, l'ont banni du marché de la 5G. D'autres pays occidentaux ont fait de même, comme l'Australie, le Royaume-Uni ou la Suède. La France, elle, a choisi d'écarter petit à petit l'équipementier chinois sans le dire explicitement, sans doute pour ne pas s'attirer les foudres de Pékin. Signe de la méfiance de l'Inde à l'égard des technologies made in China : en septembre dernier, le gouvernement a banni en masse des applications mobiles chinoises, accusées de permettre des activités « préjudiciables à la souveraineté et l'intégrité de l'Inde, la défense de l'Inde, la sécurité de l'Etat et l'ordre public ». Le tout sur fond de différend frontalier avec la Chine.
Huawei réduit la voilure
Huawei n'ignore rien de ce contexte très défavorable. L'été dernier, l'équipementier a revu drastiquement à la baisse ses prévisions de chiffre d'affaires en Inde, soulignait le journal économique Economic Times. Selon ce quotidien, le groupe de Shenzhen comptait également se séparer d'environ deux tiers de ses 700 collaborateurs dans le pays.
Quoi qu'il en soit, ces essais préparatoires en matière de 5G doivent permettre aux opérateurs présents en Inde de peaufiner leurs plans de déploiements. L'exécutif souhaite que les acteurs, qui préfèrent d'abord couvrir les grandes villes pour des raisons économiques, n'oublient pas les campagnes et territoires ruraux. Ces essais ont aussi vocation à expérimenter différents cas d'usages, notamment liés à la télémédecine, l'éducation à distance, l'industrie 4.0, la réalité augmentée et virtuelle, ou encore la surveillance des exploitations agricoles avec des drones.
La 5G n'est pas pour demain
Cela dit, les Indiens ne sont pas prêts d'avoir la 5G. Loin de là. Les fréquences nécessaires à cette technologie n'ont pas encore été attribuées. Elles sont censées l'être cette année. Mais l'épidémie de Covid-19, qui a provoqué un report de la procédure, continue de faire des ravages. Rien ne dit, dans ce contexte sanitaire qui s'est encore aggravé ces dernières semaines, que les échéances seront tenues. Le pays a déjà pris un important retard en matière de 5G, alors que les Etats-Unis, la Chine et l'Europe disposent déjà d'offres commerciales.
En outre, le déploiement de la 5G prendra beaucoup plus de temps en Inde, un vaste pays aux infrastructures télécoms peu développées. C'est notamment le cas des réseaux en fibre optique, essentiels pour connecter les antennes 5G. Les investissements pour déployer la 5G s'annoncent colossaux. Selon Business France, ceux-ci devraient s'élever à environ 90 milliards de dollars.
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