Les agences passent, les problèmes demeurent. Fitch et Moody's ont annoncé vendredi soir maintenir leur appréciation sur la dette de la France. Ces instituts qui orientent les investisseurs ont laissé leurs notes financières inchangées. Autrement dit, malgré la lourde et inattendue plongée des comptes publics en 2023, ils considèrent que le pays reste digne de confiance - tout en se montrant sceptiques sur les projections financières de Bercy. Le gouvernement redoutait une dégradation de la note, qui aurait constitué un symbole politique infamant.
Pour autant, Bruno Le Maire n'est pas tiré d'affaire. Le ministre de l'Économie affrontera demain un débat d'orientation budgétaire (sans vote) à l'Assemblée nationale, où les oppositions promettent de faire feu de tout bois. Les analystes financiers de Fitch et Moody's ont certes privé LR et les autres de munitions de choix. Éric Ciotti évoquait un scénario de faillite comme en Grèce. Il n'empêche. La gestion des comptes publics suscite de nombreux doutes.
Des économies inconnues
Sur l'année en cours, d'abord. L'exécutif demeure discret sur les économies promises d'ici à décembre pour renflouer les caisses, à hauteur de 10 milliards d'euros. Il a renoncé à en passer par la loi, écartant le risque d'une motion de censure soumise aux voix par LR. Ce qui signifie que les coupes ne seront connues qu'a posteriori. De quoi faire grincer des dents, y compris au sein de la majorité, où beaucoup considèrent en outre que la méthode du rabot (toutes les administrations font le même effort) est politiquement inappropriée.
Au demeurant, 10 milliards d'euros de crédits ont déjà été supprimés par décret en février. Les grandes lignes ont été publiées, mais aucun ministre de Bercy, ni aucun autre, n'a indiqué avec précision quelles dépenses n'auraient pas lieu. « Moimême, je m'interroge, tacle un membre du gouvernement. Je ne crois pas qu'on arrêtera de payer les fonctionnaires... »
L'exécutif veut réduire le déficit de 1 point de PIB en 2025
Sur les années à venir, l'incertitude est plus profonde encore. Les projections pour 2027 ont été présentées au Conseil des ministres la semaine dernière, elles seront au cœur des débats demain. L'exécutif veut réduire le déficit de 1 point de PIB en 2025 (soit 28 milliards d'euros, dont 20 milliards d'économies). Ce serait du jamais-vu en période de faible croissance économique. La vice-présidente (PS) de l'Assemblée et ancienne rapporteure du budget Valérie Rabault n'y croit pas.
Pour y parvenir, Bercy mise sur un quasi-gel des dépenses publiques l'an prochain (+ 0,2 %) alors que des hausses de crédits sont déjà votées pour les armées, la police, la justice, etc. Une volonté très ambitieuse qui attisera les critiques à gauche. Le président (LFI) de la commission des finances, Éric Coquerel, a considéré que la décision des agences « n'empêch[ait] pas la politique budgétaire [...] de nous emmener dans le mur ».
L'objectif du gouvernement reste de passer le déficit sous la barre de 3 % du PIB - le seuil de tolérance européen - à la fin du quinquennat. Dans cette perspective, le ministère des Finances espère que la Banque centrale européenne lui donnera un coup de pouce en réduisant ses taux d'intérêt dès l'été. Aux États-Unis, la Réserve fédérale, elle, a décidé de temporiser. Auparavant, une autre agence de notation se sera prononcée. L'influente Standard & Poor's rendra sa notation sur la France le 31 mai, à neuf jours des élections européennes.