C'est un sujet qui déchaîne les passions. Lors de la présentation de son programme économique jeudi, Nicolas Sarkozy a été très clair : les collectivités locales devront se mettre au régime sec. "Les départements et les communes de plus de 30.000 habitants devront engager la réduction de leurs effectifs comme l'Etat l'a fait et diminuer leurs dépenses de fonctionnement au même rythme que l'Etat, soit une économie de deux milliards et demi sur cinq ans", a-t-il déclaré.
Pour atteindre cet objectif, le président de la République sortant a récemment proposé dans un entretien au magazine "Acteurs publics" d'étendre le principe du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux aux "grosses collectivités territoriales". Sinon ? "En contrepartie, l'Etat ne leur imposera plus aucune norme de manière unilatérale et les collectivités qui n'accepteront pas cette démarche contractuelle verront leur dotation diminuer. Les collectivités territoriales ne peuvent être exonérées de l'effort de maîtrise de leurs dépenses", a-t-il insisté.
Les élus dénoncent une perte d'autonomie fiscale
Les élus hurlent au scandale. « Cette attaque est d'une mauvaise foi terrible. La fiscalité actuelle est injuste pour les collectivités locales. Avec le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée économique [CVAE], elles ont totalement perdu leur autonomie financière. En outre, en raison de son plafonnement, le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers [TIPP] profite essentiellement à l'Etat et peu aux collectivités », s'insurge Alain Rousset, le président de l'Association des régions de France (ARF).
Des propos que nuance Gilles Carrez, député UMP et président du Comité des finances locales. Hors transfert de compétences, 35.000 personnes sont venues en moyenne chaque année gonfler les effectifs des collectivités territoriales entre 1990 et 2009. C'est colossal », explique-t-il, stigmatisant l'intercommunalité. "L'OCDE a déjà pointé le caractère uniforme de la RGPP au niveau de l'Etat. Appliquer uniformément la RGPP au niveau territorial alors que les acteurs sont multiples et ont des histoires et des compétences diverses paraît donc très compliqué à mettre en oeuvre", estime Nicolas Portier, le délégué général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF).
Pour résoudre la question, Gilles Carrez compte surtout sur les mécanismes déjà existants permettant de raréfier les ressources sans peser sur l'autonomie fiscale des collectivités, à savoir le gel des dotations de l'Etat en valeur, la limitation du pouvoir de fixation des taux d'imposition et la responsabilisation des maires des communes qui sont désormais les seuls bénéficiaires du produit de la taxe d'habitation. « Si l'on ajoute à ces mécanismes, le resserrement des conditions d'emprunt, l'assainissement des finances locales devrait être mécanique », poursuit-il. Un sentiment partagé par Nicolas Portier. "Laissons les mécanismes en place, dont les effets sont cumulatifs, agir", propose-t-il
Faut-il aller plus loin, en réduisant les dotations de l'Etat, comme le souhaite Nicolas Sarkozy si la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux n'était pas appliquée ? Gilles Carrez n'y est pas favorable. « Il faudrait pouvoir distinguer entre les bons et les mauvais élèves, ce qui est quasiment impossible. Il faut rappeler que les départements ont peu de marge de man?uvre au niveau exécutif, la plupart des décisions leur sont imposées ».
La règle du 1 sur 2 n'est pas applicable
« Par ailleurs, en raison de la libre administration des collectivités territoriales, il est interdit de leur imposer quoi que soit en la matière. Ce serait anticonstitutionnel », rappelle Alain Rousset. Reste le dialogue. « La situation financière globale des finances publiques et la nécessité de maîtriser les dépenses locales nécessitent plus que jamais la mise en place d'un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités locales. Ceci implique, du côté de l'État, une exigence de visibilité sur ses relations financières avec les collectivités locales, ainsi que le renoncement aux politiques nationales engendrant un accroissement des dépenses locales », concluait le rapport du groupe de travail que la maîtrise des dépenses publiques remis le 20 mai 2010, lors de la Conférence sur les déficits publics. Un groupe par Gilles Carrez et Michel Thénault, conseiller d'Etat.
Prévues en janvier, les « Assises territoriales » souhaitées par Jean-Pierre Bel, le président socialiste du Sénat ont été reportées à l'automne. Elles devraient permettre le dialogue et une remise à plat des relations entre l'Etat et les collectivités. Enfin, « il faut se donner du temps pour mettre à plat le dispositif actuel. L'Etat n'ayant pas tiré toutes les leçons de la décentralisation, trop de doublons existent, trop de compétences se chevauchent. Les prochains États généraux de la démocratie territoriale conduits par la Présidence du Sénat permettront de dégager des pistes utiles à l'action en direction des collectivités locales et de leurs finances », indique Nicole Bricq, la rapporteur de la commission des finances du Sénat.