Alain Lipietz : "le monde d'après sera moins productiviste et moins libéral"

Dans notre série d'été Visions de l'après-crise, "La Tribune" a interrogé l'économiste vert, Alain Lipietz. Ce dernier voit dans la solution à la crise écologique la réponse à la crise économique.

"Rien ne sera plus comme avant" a dit Nicolas Sarkozy. Partagez vous ce pronostic ?

Toute crise est un moment de rupture, où l'on ne peut plus continuer comme avant. Cette fois, elle nous dit que l'on ne peut pousser plus avant l'économie globalisée, sur le mode libéral et ultra-productiviste qui s'est imposé depuis vingt ans. La crise actuelle me semble relever de deux crises que nous avons déjà connues. Une crise écologique, où la rareté des ressources énergétiques et alimentaires devient criante, comme en 1848. Et une crise à la 1930 liée à un partage salaires/profits très déséquilibré, et surtout une distribution trop concentrée au profit des plus hauts salaires comme des plus gros bénéfices. Insidieusement, nous sommes revenus à une économie de la rente. Et ceci est vrai, tant au niveau local qu'à l'échelle mondiale. C'est bien cette double crise qui a conduit les travailleurs pauvres à s'endetter pour se loger, puis, quand les prix du pétrole et de la nourriture se sont envolés, à arbitrer contre leurs remboursements, provoquant la crise des subprimes. Le monde d'après sera, sans doute, moins productiviste et moins libéral. Sera-t-il plus ou moins social, plus ou moins démocratique ? Je ne sais. L'histoire a montré que les lendemains de crise pouvaient prendre des voies multiples.

Vous voyez donc tout de même un monde plus dirigiste et moins ouvert ?

Oui, et avant même l'éclatement de la crise financière, on a vu un retour du protectionnisme qui était alors passé inaperçu en France. Dès l'été 2007, la crise des jouets chinois a provoqué une levée de boucliers au parlement européen. Certains mettaient en avant le nécessaire respect des normes internationales, d'autres défendaient carrément la préférence européenne. De même, avec les débats sur l'Agence de l'Energie, les objectifs obligatoires du « paquet climat », on a vu une remontée du planisme.

La crise écologique que vous mentionnez a-t-elle déjà joué le rôle de détonateur d'une prise de conscience écologique chez les chefs d'Etat ? Pensez vous que chacun a pris la mesure de l'urgence à agir ?

Ceux qui niaient l'existence même d'une crise écologique se sont rendus à l'évidence. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde est pareillement conscient de l'urgence. On voit bien qu'entre les pays les plus pauvres du sud, qui ont compris qu'il fallait agir tout de suite, et ceux qui, comme les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde, estiment que s'il faut agir, ce n'est pas à eux de commencer, il y a les pays européens qui ne sont prêts à agir que si les autres bougent aussi en même temps. Bref, il existe toujours une palette d'attitudes face au réchauffement climatique qui empêche d'agir vite, et de façon coordonnée. Or, les Nobel de l'an dernier nous en avertissent : si, en 2020, on n'a pas réduit de 30% par rapport à 1990 nos émissions de gaz à effet de serre, et si les pays émergents n'ont pas inversé la courbe de leurs émissions, la hausse de la température mondiale dépassera les 3 degrés. Et le monde ressemblera à celui de Mad Max, où une partie de ses habitants se barricaderont dans des lieux respirables, pour se protéger d'un monde extérieur ravagé par la sécheresse et les épidémies. Même si toutes ces questions sont techniquement complexes, la conférence de Copenhague, qui doit se tenir en décembre pour accélérer la Convention Climat, est décisif pour l'avenir de la planète. La lutte contre le réchauffement climatique passe par un monde plus régulé et solidaire.

La crise alimentaire, qui a commencé avant la crise financière, pose la question de l'utilisation des terres arables. Le carburant vert est apparu comme un sérieux concurrent aux produits alimentaires. N'y a-t-il pas contradiction des objectifs ?

Il est clair que l'on doit avoir une vision globale de l'utilisation des terres, en arbitrant le "conflit FFFF", pour Food, Feed, Fuel et Forest. A savoir l'alimentation humaine, l'alimentation du bétail, l'alimentation des voitures, et la préservation des forêts et biodiversité. C'est l'équilibre entre ces quatre besoins, par un partage du droit au sol, qui assurera l'avenir. Et cela passe par un changement de nos modes de vie, en réalisant d'importantes économies d'énergie et moins de viande. La "chance" de cette crise, si l'on peut dire, c'est que les solutions à la crise écologique sont les mêmes que les solutions à la crise économique : un New Deal, mais vert, stimuler l'activité, mais par une nouvelle demande écologiste. En 1930, le monde est sorti de la crise par la guerre puis par la consommation de masse. Cette fois, la sortie de crise passera par une réduction des émissions de CO2, donc par le déploiement d'une nouvelle économie. Il va falloir déplacer les investissements et la main d'?uvre vers les transports en commun et les bâtiments "à énergie positive", et de façon générale vers un usage plus collectif ou partagé des biens. La difficulté est que la défaillance de notre système de formation est telle que nous n'avons pas l'offre de travail disponible pour redéployer notre économie. Les pays qui gagneront sont ceux qui auront joué la carte des technologies intensives en travail, et donc investi dans la formation professionnelle, comme le Japon ou la Corée et demain la Chine. Nous, dans vingt ans, nous aurons perdu notre avance technologique.

 

Bio express :  l'ex-député européen, Alain Lipietz, ce "rouge devenu vert" comme il se présente lui-même, est un esprit scientifique curieux d'économie, d'écologie et de politique. Dans son dernier ouvrage, "Face à la crise : l'urgence écologiste" (éd. Textuel), il dresse un diagnostic documenté de la crise et propose un programme pour la résoudre dans sa double dimension, écologique et économique.

Demain, suite de notre série avec l'interview d'Olivier Mongin

Commentaires 26
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce serait bien étonnant, mais les petits français peuvent toujours rèver. L'économie capitaliste est fondée sur un axiome simple, la principale fonction de l'entreprise est de faire des profits, pour rémunérer ceux qui ont pris des risques en y metta...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En clair : vous serez moins riches.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Prenons l'exemple de l'agriculture,elle ne peut-être que moins productive si elle doit être écologique,ceci est une évidence,cependant là ou persiste une contradiction,c'est qu'elle se doit aussi d'être plus productive,vu l'augmentation de la démogra...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien vu, tout simplement pleine de bons sens, cette analyse. Reste à convaincre nos dirigeant que la survie de notre espèce (parce que la Terre, elle s'en sortira toujours, en s'adaptant!)a moyen terme passe par une coopération collective faisant fi ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Que c'est beau à lire la prose d'un écologiste ne recherchant qu'un avantage personnel .

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bravo M.Lipietz pour votre analyse des causes de la crise, et pour les voies de sortie sur vous dessinez.Vous êtes très convaincant. Pourquoi ne pas essayer de revenir aux affaires ? Mais svp, épargnez-nous le spectre de l'apocalypse climatique. Le ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Alors ca y est la crise est fini ??? On croit vraiment rêver ! Ha oui c'est vrai la bourse est en hausse, ce seul indicateur doit montrer à 100% que justement la crise est d'autant plus forte. La rentrée sera difficile et tout le monde si attend sauf...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est vrai que la liberté c'est pas bien il vaut mieux le collectivisme que le libéralisme et Cuba, la Corée du Nord sont surement les meilleurs modèles de société que ce cher Monsieur vroudrait nous vendre.....

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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il a entierement raison il va faloir repenser la facon de consommer. reduire les importotations(chine) si on veut de nouveau cree de l'emploi autrement on continuera de fermer les entreprises les une apres les autres.meme nos propre compatriote impor...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Une utopie à dénoncer impérativement, ce qui est appelé « Ecologie » n?est rien d?autre que les difficultés provoquées par l?augmentation de la population humaine et non la solution miracle qu?apporterai la nature au secoure de l?humanité. Les deux ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le "conflit FFFF", pour Food, Feed, Fuel et Forest comme l'appelle Alain Lipietz est une vision très réaliste. Cela veut dire quoi ? Que les être humains dans leur ensemble ont la liberté de trouver un équilibre entre les 4 éléments du FFFF. Cette li...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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EN FRANCE NOUS SOMMES TRES GATés, nous avons des LipietzITUDES, des ESTROSITUDES, des NOVELLITUDES, tout ca pour une France ESTROPIéE par la GOURMANDISE et la MEDIATITUDE. TOUT CA POUR DIRE QUE monsieur lipietz ne produit aucune richesse intellectuel...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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On suit bien M.Lipietz sur son analyse de la crise, et sur la nécessiité d'inventer pour en sortir une économie plus verte. Plutôt qu'agiter l'épouvantail du réchauffement climatique (dénoncé par Chouette12), on attendrait aussi une réflexion sur l'...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pauvre Lipietz ! Il faudrait qu'il lise simplement les journaux. Rien n'a changé ! Rien ne va changer ! Il rêve !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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vive l' extension à tous les pays ... de la politique chinoise de l 'enfant unique ! La solution aux crises est dans le comportements sexuels des couples ! Vive l'abstinence !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis surpris de l'étroitesse de vue de M.Lipietz et du conventionalisme de son propos. Comme d'ailleurs de la plupart des exposés des économistes latins. Comme s'ils ne voyaient pas, au-delà des pertes de contrôle, de sens commun, d'éthique élémen...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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tout est possible avec les OGM, TUER et MULTIPLIER, ca depends des choix et des priorités ! PAR EXEMPLE TUER LES ABEILLES, ca aboutit à quoi dans la chaine de vie ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Moi, ce qui m'intéresse, c'est de faire le plus de fric possible par tous les moyens, même si je dois niquer la planète pour ça. Et surtout tout dépenser avant de disparaitre (mourrir sur un tas de fric, c'est pour les crétins). Une fois mort, qu'est...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Avec la décroissance que nous vend Mr Lipietz : les pauvres seront toujours aussi pauvres, les classes moyennes n'existeront plus guère et les riches seront toujours plus riches... Bref c'est absurde! Vive le libéralisme et surtout MORALISONS le "Big...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Lipietz est etroit d'esprit comme tout bon plytechnicien qu'il est. Ce qu'il faut en france: des entrepreneurs et non des produits de l'administration que Lipietz represente si bien (d'ailleurs on se moque bien de ses idees ringardes).

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La crise est de la faute des pauvres? Etaient-ils si riches pour avoir crée un tel déficit de crédits, ou sont-ils si nombreux? La crise sera-t-elle résolue par l'écologie: Les pollutions sont liées à l'excès de consommation: alors réduisons la cons...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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à fabjacky : vous vous méprenez. Un système collectiviste est aussi dangereux qu'un système capitaliste. Seul la modération d'un système combinant est partiellement garante de sécurité et de liberté à la fois. Si les pays que vous citez sont aussi...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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à sjperrin : nous n'avons pas le dirigisme socialiste, mais on a le dirigisme financier. Ce n'est guère mieux. C'est un peu ce qui provoque les guerres dans le monde depuis quelques décennies en même temps. Tachez de voir comment est créee la monn...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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J'imagine mal, parmis vous certains bloogeurs,que votre petitesse d'esprit dans le raisonnement (le mien l'est aussi) ,bien sur ,pas sur les idées,ne puisse pas comprendre sur quoi nous sommes assis;le meilleur des mondes possibles actuels ,bien su...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"(...). Or, les Nobel de l'an dernier nous en avertissent : si, en 2020, on n'a pas réduit de 30% par rapport à 1990 nos émissions de gaz à effet de serre, et si les pays émergents n'ont pas inversé la courbe de leurs émissions, la hausse de la tem...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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on nous parle de rechauffement climatique due en partie à l'activite humaine mais peut on m'expliquer comment le sahara est passé il y a 5000 ans d'une region verdoyante à un desert de sable ,l'activite humaine sans doute !!!!! lol

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