Bruxelles au chevet du thon rouge

La Commission européenne entend interdire le commerce international du thon rouge. Les nouveaux européens à la Pêche et à l'Environnement souhaitent cependant laisser 12 mois aux Etats concernés pour leur permettre de préparer la restructuration du secteur.

L'Union européenne a fait un pas ce lundi vers la protection du thon rouge, dont l'existence est menacée par des années de surpêche, en se penchant sur une proposition visant à en interdire le commerce international.

La Commission européenne a proposé aux 27 Etats membres de l'UE d'inscrire cette espèce très prisée des amateurs de sushis à l'annexe I de la Convention internationale sur les espèces sauvages (Cites), ce qui aurait pour effet d'en interdire le commerce international.
Recherchant un équilibre entre les intérets économiques représentés par la pêche de cette espèce dans certains pays et la préservation des ressources halieutiques et naturelles, les nouveaux commissaires européens à la Pêche, Maria Damanaki, et à l'Environnement, Janez Potocnik, ont suggéré que cette mesure soit différée de 12 mois pour permettre de préparer la restructuration du secteur.

Par ailleurs, seuls les thoniers senneurs, les navires usine à l'origine de la crise, seraient visés et des exemptions sont prévues pour la pêche artisanale, qui pourra continuer à écouler ses captures sur les marchés de l'UE.
"Notre objectif est de garantir un avenir durable aux pêcheurs. Pour ce faire, les stocks de thon rouge doivent être sains, et il est évident pour tous que la surpêche n'est pas la meilleure manière de procéder", a expliqué Maria Damanaki, lors d'une conférence de presse.
"La mise en place d'un accord spécial pour les navires pratiquant la pêche artisanale constitue un important volet de la solution que nous proposons aujourd'hui", a-t-elle continué.

La proposition de la Commission européenne doit désormais être endossée par l'ensemble des Etats membres de l'UE en vue de la prochaine assemblée générale des 175 Etats parties à la Cites, qui se tient du 13 au 25 mars à Doha, au Qatar.
Une majorité des deux tiers sera alors nécessaire pour obtenir une interdiction du commerce internationale, à laquelle le Japon est vivement opposée.
Le pays est destinataire de 80% du commerce mondial de ce poisson, qui représente quelque deux milliards de dollars par an et dont le prix au kilo oscille entre 200 et 300 dollars, un beau spécimen pouvant se vendre jusqu'à 100.000 dollars pièce.

Selon les scientifiques, le stock de thons rouges - qui sont pêchés en Méditerranée lorsqu'ils se rassemblent en banc compact pour se reproduire - a baissé de plus de 80% au cours des quarante dernières années, à environ 3,2 millions d'individus.
Au sein de l'UE, plusieurs grands pays pêcheurs de thon rouge, dont la France, l'Espagne et l'Italie ont d'ores et déjà signalés qu'ils se rallieraient à la proposition de la Commission européenne mais à certaines conditions.

Mais Malte et Chypre, dont une part importante de l'économie repose sur cette pêche très lucrative, ont quant à eux décidé de s'y opposer.
A Bruxelles, ce lundi, le ministre français de l'Agriculture s'est félicité que la Commission européenne ait adopté une proposition "qui se rapproche de la position française". Avant d'ajouter que "routes les conditions" n'étaient "pas encore remplies". Bruno Le Maire pointe notamment les "garanties financières européennes insuffisantes" et les critères liés au maintien d'une pêche artisanale.

La France s'est prononcée début février pour l'interdiction du commerce international du thon rouge mais après un délai de 18 mois pour évaluer l'état de la ressource et avec des exemptions pour la pêche artisanale. La Commission propose quant à elle de réduire de délai à 12 mois et de limiter les possibilités de pêche non industrielle aux eaux territoriales de l'Union européenne.

"Concernant la pêche artisanale, ce qui est proposé nous pose une véritable difficulté (...) Cela ne convient pas à la France car la pêche artisanale française se réalise quasi en totalité dans la zone économique exclusive, au-delà des 12 milles marins", a dit Bruno Le Maire.
Il espère faire valoir auprès de ses partenaires européens que ce type de pêche ne concerne que 10% du quota et n'est donc pas un danger pour la ressource, tout en étant vital pour l'économie et l'emploi dans les ports de pêche méditerranéens.

Environ 200 embarcations sont concernés en France par la pêche au thon, dont 28 thoniers senneurs, représentant environ 1.000 marins embarqués et autant d'emplois indirects.

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