La mer, trésor français (5/14) : le nautisme, une industrie majeure mais convalescente

[ Série d'été - Hebdo #178 "La mer, terre d'entrepreneurs" ] Axée sur la construction de voiliers, l'industrie nautique est l'un des fleurons français de l'exportation française. Mais elle a du mal à se remettre de la crise, notamment parce qu'elle reste peu présente sur le créneau porteur des méga yachts de luxe. Les chantiers allemands et italiens trustent ce marché confidentiel mais hautement lucratif
Ivan Best
La crise financière de 2008 a frappé les millionnaires... mais sans doute épargné les milliardaires, ce qui expliquerait pour le secteur des méga-yachts à moteur qui peuplent les baies méditerranéennes s'en est mieux sorti. (Photo: la rade Monaco, le 25 septembre 2013, lors du 23e Salon du nautisme de la Principauté)

Annette Roux savait-elle, quand elle a repris la petite activité de construction de chalutiers de son père, qu'elle allait créer le leader mondial de la fabrication de voiliers ? Bien évidemment, non. Aujourd'hui, le groupe Bénéteau (marques Bénéteau, Jeanneau, CNB...) est la fierté de l'industrie nautique française, dominant le marché mondial des voiliers, avec une part de marché supérieure à 20%. Plus de 800 millions d'euros de chiffre d'affaires dans la plaisance, voilà qui est unique.

Fort recul de la France pendant les années 2000

Mais ces bons résultats ne peuvent masquer une réalité moins riante: les parts de marché françaises ont fortement reculé au cours des années 2000. Principalement avec la crise de 2008-2009. La crise financière, qui a secoué la planète, a eu de fortes répercussions sur les achats de bateaux: quand on doit faire face à une baisse de ses revenus, c'est évidemment la première dépense à laquelle on renonce!

Beaucoup de petits chantiers connus des « voileux » ont alors coulé (Bi-Loup, Archambault, Ovni...). Pas Bénéteau, bien sûr, mais le groupe a dû tailler dans ses effectifs, qui, avec 3.400 salariés en France aujourd'hui, n'ont toujours pas retrouvé, leurs niveaux d'avant-crise, près de 4.000 en 2008.

Les millionnaires ont souffert, mais pas les milliardaires ?

Les autres constructeurs européens n'ont-ils pas dû, eux aussi, faire face à la crise ? Bien sûr, mais ils ont moins reculé, grâce à leur spécialisation dans les grands bateaux à moteur, y compris les méga-yachts de luxe. La crise a aussi frappé les millionnaires... épargnant peut-être les milliardaires, qui achètent les immenses yachts peuplant les baies méditerranéennes. Ce secteur des méga-yachts à moteur s'en est donc mieux sorti.

« Les chantiers italiens, tels que Ferreti, Benetti ou encore Arcadia, et allemands, comme Blum & Voss et Lürssen, dominent en effet très largement ce marché assez confidentiel, mais dynamique et très lucratif grâce à des prix très élevés », souligne une étude réalisée par le cabinet Xerfi(*).

Ils vendent beaucoup moins de bateaux que Bénéteau, mais bien plus grands et plus chers...

La France, 2e exportateur en 2003... et 5e en 2016

Les chantiers français paient leur spécialisation dans la construction de voiliers (70% du chiffre d'affaires). Voilà pourquoi, contrairement à ce que les succès d'Annette Roux pourraient laisser croire, l'Italie et l'Allemagne sont aujourd'hui les géants européens de la fabrication de bateaux de plaisance, et non la France. En 2003, elle était 2e exportateur derrière l'Italie, elle est désormais le 5e, après l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Mais Bruno Cathelinais, à la barre de Bénéteau, n'a pas dit son dernier mot. Le dernier exercice (clos fin août 2015) a vu les ventes de bateaux augmenter de 12% en Amérique du Nord - Bénéteau a des chantiers aux États-Unis -, et de 10% en Europe.

Bénéteau se met au moteur et cible plus que jamais l'export

Les bateaux à moteur se vendent-ils? Le groupe n'abandonne pas son créneau d'origine - les voiliers -, mais il met le turbo sur cette activité « Moteur ». Et il tente de concurrencer les gros chantiers allemands et italiens sur le marché des yachts, avec un début de réussite.

Plus que jamais, c'est l'exportation - ou la construction à l'étranger - qui fait tourner le groupe, représentant les trois quarts du chiffre d'affaires. Les ventes en France restent dans de basses eaux. Pour Bénéteau, en tout cas.

Prix, design, marketing... les petits chantiers se font une place

Car, à côté du poids lourd français, quelques petits chantiers navals se développent plutôt bien en France. Il y a le vendeur de catamarans Fountaine-Pajot, qui atteint les 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, et des chantiers qui visent des niches, à l'image de Fora Marine, qui met à l'eau des voiliers baptisés « RM », aux couleurs toujours surprenantes. Des bateaux à la fois solides et rapides, plus onéreux que les Jeanneau et Bénéteau, mais bien plus originaux. Le chantier mise beaucoup sur le marketing en ligne, et vend même des voiliers grâce à Facebook, assure son fondateur.

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Pour aller plus loin:

(*) Sommaire de l'étude Xerfi "Le marché des bateaux de plaisance" (mise en vente le 29 août 2016, 252 pages, format Pdf, langue française)

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Serie ETE2

Ivan Best
Commentaires 2
à écrit le 30/08/2016 à 15:48
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Un taxe progressive sur les bateaux selon leur tonnage devrait aider à financer des projets de nettoyage des océans comme Ocean Cleanup avant que les plastiques etc ne soient totalement dissous en particules trop fines pour être récupérées mais absor...

à écrit le 30/08/2016 à 11:31
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Vous imaginez les jolies petites criques de la Méditerranée envahies de grosses unités qui faute de place s'en serviraient comme ports d'attache. Pauvres de nous simples baigneurs.

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