Iran : les entreprises françaises à l'assaut de la "Chine du Moyen-Orient"

L'accord de Vienne, entré en vigueur le 16 janvier, met fin aux sanctions internationales qui frappaient l'Iran. Et à son isolement économique. Alors que les pays émergents tournent désormais au ralenti, les entreprises françaises veulent tirer leur épingle du jeu de la réouverture du marché iranien.
Sarah Belhadi
Aéronautique, BTP, infrastructures, l'Iran doit désormais rattraper son retard, et offre des opportunités dans tous les secteurs.

La levée des sanctions marque le retour de l'Iran sur la scène internationale, et dans le monde des affaires. La France, longtemps partenaire économique de l'Iran, avait progressivement mis un terme à ses échanges commerciaux, passant de 3,7 milliards d'euros en 2005, à 514 millions d'euros en 2014, détaille une note du Trésor de décembre 2015. Chapitre clos.

L'Iran a d'ores et déjà confirmé l'achat de 114 Airbus, par la voix de son ministre des Transports, Abbas Akhoundi. Et d'autres annonces de méga-contrats pourraient intervenir, à l'occasion de la visite du président iranien Hassan Rohani en France les 27 et 28 janvier.

Jeu de la concurrence

"Aéroports de Paris s'intéresse à la réalisation du design du terminal 2 de l'aéroport de Téhéran, et Vinci négocie des contrats avec ceux de Mashhad et Ispahan", rappelle l'avocat d'affaires franco-iranien, Ardavan Amir-Aslani.

Dans le secteur automobile, PSA devrait également faire des annonces pendant la visite du chef d'état iranien, avance Maître Amir-Aslani. La concurrence s'annonce rude. Les Allemands ont déjà fait connaître leurs intentions, notamment Daimler. Et le constructeur automobile iranien, Iran Khodro, partenaire historique de PSA jusqu'en 2012, discuterait aussi avec Fiat et Volkswagen.

Mais l'Iran pourrait-il tourner le dos à la France préférant des pays qui lui sont restés fidèles pendant l'embargo européen, à l'instar de l'Allemagne ? Non, répond Ardavan Amir-Aslan. Car la France aurait, selon lui, de sérieux atouts à faire valoir. "Les entreprises françaises sont attendues en Iran pour la qualité de leurs produits, qui est incomparable".

Infrastructures vétustes

Plus de trente années d'embargo ont rendu les infrastructures du pays obsolètes. Avec la levée des sanctions, la population attend une amélioration."L'Iran a besoin d'autoroutes, d'aéroports, de chemins de fer, d'infrastructures  pour le pétrole ou pour ses champs gaziers", détaille Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Le pays fait également face à un problème de pénurie d'eau. Le français Veolia, spécialisé dans la gestion de l'eau et des déchets, s'est dit, en marge du Forum de Davos, intéressé par le marché iranien, sans toutefois préciser si des discussions étaient en cours.

Au même titre que la Chine, l'Iran est aussi confronté à un sérieux problème de pollution aux graves conséquences sanitaires, causé par des véhicules qui ne respectent pas les normes environnementales. "Les écoles sont fermées régulièrement à cause de l'air qui n'est pas respirable", explique Thierry Coville.

Dernier marché émergent

Dans un contexte économique international morose, l'Iran fait figure d'exception en tant que dernier marché émergent. L'avocat d'affaires Ardavan Amir-Aslani assure que son pays d'origine est en phase de devenir la "Chine du Moyen-Orient", et compare la fin de l'embargo iranien "à la réintégration de l'URSS" dans l'économie de marché.

Certes, si les deux pays partagent le même fléau de la pollution de l'air, la comparaison doit être nuancée. D'abord parce que leur démographie est très différente : l'Iran compte 80 millions d'habitants, la Chine 1,3 milliard. Mais la République Islamique d'Iran est désormais considérée comme le dernier marché émergent de la planète, aux prévisions de croissance élevées : 8% pour 2017. Des taux de croissance longtemps enregistrés par la Chine avant son rééquilibrage.

Carrefour à Téhéran

Avec une classe moyenne majoritaire et une population jeune (70% des Iraniens ont moins de 40 ans), urbaine et diplômée, les modes de consommation sont aussi en pleine mutation. "Les échoppes laissent place à de grands centres commerciaux. Cela ouvre le terrain à des groupes comme Carrefour, Decathlon, mais aussi aux Galeries Lafayette ou à la FNAC", détaille Thierry Coville, également enseignant-chercheur à l'école de commerce Novancia. Les Français ont connu le même engouement pour la Chine dans les années 1990 et 2000, Carrefour ouvre alors ses premiers magasins en 1995, Decathlon en 2003.

Les grands groupes veulent se positionner sur ce marché plein de promesses. Les PME françaises envisagent aussi d'exporter leur savoir-faire en Iran. En septembre, le Medef a organisé un déplacement en Iran avec 150 chefs d'entreprises, dont la moitié patrons de PME.

Les Pasdaran, maîtres de l'économie iranienne

Officiellement, les entreprises se ruent en Iran espérant obtenir "leur part de gâteau". Mais dans certains secteurs, les groupes étrangers devront composer avec les Pasdaran, le corps des gardiens de la Révolution islamique qui occupent tout un pan de l'économie, en particulier dans le BTP, l'énergie ou les télécoms. Pour rappel, ces gardes (pasdaran en persan) ont été mis en place en 1979 par l'ayatollah Khomeini pour  combattre les opposants de la Révolution, et lutter contre l'influence des puissances étrangères.

L'absence de concurrence étrangère leur a permis d'exercer un monopole qu'il convient toutefois de relativiser. Les Pasdaran ne posséderaient que "15% de l'économie iranienne", note Thierry Coville. L'organisation présente dans de nombreux secteurs d'activités figure sur la liste des organisations terroristes aux Etats-Unis.

"Si une entreprise française veut travailler avec un groupe appartenant aux Pasdaran, il faudra vérifier qu'il ne fait pas partie de la liste des organismes sanctionnés par les Etats-Unis", détaille le chercheur.

Frilosité des banques

Par le passé, d'autres ont fait les frais des sanctions imposées à l'Iran. Dans le secteur bancaire, la française BNP Paribas a écopé d'une amende de 8 milliards d'euros par la justice américaine, pour avoir collaboré avec des pays sous embargo. Résultat :"aucune banque française ne veut aller en Iran", note l'avocat d'affaires Ardavan Amir-Aslani.

De plus, la crainte que Téhéran ne respecte pas les termes de l'accord sur le nucléaire demeure. Pour rappel, tout manquement iranien provoquerait le rétablissement des sanctions dans un délai de 65 jours (snap-back).

Ce scénario est toutefois peu probable, juge Thierry Coville, puisque l'ultime décideur iranien, Ali Khamenei, a donné son aval. "En Iran, si le Guide suprême a validé l'accord, ce n'est pas pour revenir dessus". A bon entendeur.

Déficit d'image

L'Iran devra aussi relever le défi de faire évoluer une image ternie. Bien que l'ère du raidissement incarnée par Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) soit désormais révolue, "beaucoup de travail sera nécessaire pour que l'Iran revienne dans le cœur des gens. Il faudra vingt ans pour changer les choses", admet Ardavan Amir-Aslani.

De son côté, Thierry Coville argue que les entreprises font, in fine, peu état de ce type de considération. "Elles ne se posent pas la question de l'imaginaire. Elles voient un marché potentiel. Et la réputation (du pays) peut changer de manière graduelle, si l'Iran s'ouvre au tourisme par exemple". A condition, là aussi, de développer une offre hôtelière, insuffisante à ce jour.

Sarah Belhadi

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Commentaires 7
à écrit le 27/01/2016 à 15:26
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Ils non pas voile le capitole du frique la civilisation romaine baises le pantalon

à écrit le 27/01/2016 à 11:14
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Toujours prêtes à se prostituer par devant, les entreprises doivent être prudentes à ne pas se prostituer par derrière avec un ennemi avéré de notre culture et notre civilisation

à écrit le 27/01/2016 à 7:49
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Sommes nous vraiment les meilleurs ??? pour la première visite en Europe le président Iranien a préféré, la France pour débuter son "tour d’Europe" ???? Bah non il a préféré l'Italie.... donc nous passons derrière nos cousins italiens, qui a ne pas...

le 27/01/2016 à 17:21
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l'Italie en 1er, le plus court chemin, et passage obligé pour la France. Survoler l'Italie pour ensuite y revenir, irrespectueux et pas COP21. Merkel doit faire la tronche !

à écrit le 26/01/2016 à 17:11
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Tant qu'il y aura Hollande et Fabius, des atlantistes complètement délirants et à côté de la plaque, rien ne se fera avec l'IRAN ! Il faut reconsidérer entièrement notre relation avec l'Iran, qu'elle devienne stratégique et de long terme, comme avec ...

le 26/01/2016 à 23:31
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votre pseudo vous va très bien :)

le 27/01/2016 à 0:22
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Quel rapport ? C'est vous qui délirez à politiser ce débat, l'Iran se fout de savoir qui sont nos dirigeants, ils vont simplement se tourner vers les entreprises Françaises pour mener à bien des projets industriels ou nous avons une grande valeur ajo...

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