L'acier s'envole, l'industrie dérouille

Les spectaculaires augmentations de prix obtenues en Asie par les géants mondiaux du minerai de fer menacent-elles la fébrile reprise européenne ? C'est le message qu'ont martelé, ces derniers jours, différentes fédérations professionnelles représentant les sidérurgistes et leurs clients, alarmées de voir la hausse de ce minerai utilisé dans les hauts-fourneaux fragiliser les marchés de l'automobile, de la construction ou de l'électroménager. Eurofer, l'Association des sidérurgistes européens, a ainsi dénoncé auprès de Bruxelles ces "possibles pratiques anticoncurrentielles et abus de position dominante", évoquant des "indications fortes de coordination illicite de hausse de prix".Millions d'emplois en danger Dans un communiqué commun avec Orgalime, l'Association européenne des industries d'ingénierie, Eurofer n'hésite pas à affirmer que ces hausses pourraient mettre en danger "des millions d'emplois". Même tonalité du côté de la World Steel Association, qui a appelé les différentes autorités mondiales de la concurrence à se demander si ce marché "non-concurrentiel était dans l'intérêt du public". L'Association européenne des constructeurs automobiles déplore, elle, "la capacité des (trois principaux acteurs) à fixer les prix comme un oligopole" et s'inquiète de son impact sur la compétitivité de l'industrie en Europe. Le président du comité d'entreprise du groupe allemand ThyssenKrupp a, lui, chiffré à 100.000 le nombre d'emplois mis en péril par un doublement du prix du minerai.Séisme De fait, c'est un véritable séisme que vient de connaître le marché du minerai de fer, dominé par les trois groupes miniers RioTinto, BHP Billiton et Vale, qui en détiennent plus des deux tiers. Les contrats récemment conclus par ces géants avec des sidérurgistes asiatiques, qui impliquent des hausses de prix de plus de 80 %, l'ont été sur une base trimestrielle et non plus annuelle, rompant avec une pratique vieille de quarante ans. Par ailleurs, le mode de fixation de prix reflétera dorénavant les prix spot du minerai sur les marchés au comptant, qui ne représentent que 10 % à 15 % des volumes échangés, mais surpondèrent la vigoureuse demande chinoise, entraînant donc des prix élevés, a fortiori par rapport à ceux négociés en plein marasme il y a un an. La Commission européenne, qui examine le projet de rapprochement des opérations australiennes dans le minerai de fer entre Rio Tinto et BHP Billiton, a souligné qu'elle "utiliserait toute information pertinente en sa possession pour examiner des problématiques potentielles de concurrence dans le minerai de fer". AutosuffisanceÀ travers le monde, ce type de hausse de prix pénalisera les sidérurgistes de façon différenciée. ArcelorMittal, avec sa stratégie d'intégration verticale, produit lui-même une bonne partie de ses matières premières. En 2009, son autosuffisance en minerai de fer était de 64 %. De plus, environ un tiers des aciéries dans le monde ne sont pas des hauts-fourneaux mais des installations utilisant des arcs électriques pour fondre de la ferraille recyclée. Deux des quatres aciéries du fabricant français de tubes Vallourec fonctionnent, par exemple, avec un arc électrique. Un surplus de volatilité sur les prix du minerai de fer devrait rapprocher les deux types de production. Ce changement "rend les variations du minerai de fer plus proche de celles, mensuelles, de la ferraille et diminue l'avantage concurrentiel que les utilisateurs de minerai auraient pu avoir dans des marchés haussiers", a déclaré à Bloomberg Dan DiMicco, le patron du sidérurgiste américain Nucor.

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