Jean Jouzel  : « Les attaques contre le Giec étaient prévisibles »

STRONG>Comment une armée de scientifiques en charge de rédiger les rapports du Giec peut-elle commettre des erreurs comme celle portant sur la date de la disparition des glaciers ?Il y a eu une erreur que le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a reconnue. Elle porte sur la date de la fonte des glaciers de l'Himalaya que notre rapport de 2007 a prévu en 2035. Mais c'est une erreur dans un rapport qui compte 3.000 pages. Elle n'apparaît pas dans le résumé pour les décideurs. Donc ne remet pas en cause l'ensemble de nos conclusions sur la fonte des glaciers que ce soit dans l'Himalaya ou dans les Andes. Pour être très précis, l'erreur figure dans un rapport régional, c'est-à-dire des pages qui examinent les impacts du changement climatique en Asie. Leurs auteurs, souvent des scientifiques de la région en question, citent parfois une « littérature grise », qui n'a pas systématiquement subi le processus scientifique de relecture par les pairs. Car au niveau régional, il peut arriver qu'il n'y ait pas assez de littérature scientifique. N'êtes-vous pas inquiet par la montée du doute qu'inspirent vos conclusions ?Oui, je suis conscient que le doute gagne du terrain. En réalité, la polémique est née avec le « climategate » à la fin de l'année dernière. Mais, là encore, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Phil Jones, l'auteur visé, s'est expliqué sur le mot « truc », qu'il a utilisé pour désigner ce raisonnement qui lui a permis d'interpréter sur une longue durée des données sur les anneaux des arbres et leur relation avec la température.Comment éviter de telles erreurs à l'avenir ?En mai, le Giec doit se réunir deux jours pour préparer le cinquième rapport. Il faut que nous fassions beaucoup plus attention à l'usage de la littérature grise. Dans la deuxième grande partie de ce cinquième rapport, celle qui concerne les impacts du changement climatique et l'adaptation, nous prévoyons deux volets : le premier portera sur les impacts globaux, et le second, sur les régionaux. Nous allons faire particulièrement attention à l'utilisation de la littérature grise, assurer une relecture plus vigilante qu'auparavant, par exemple une lecture double. Il faut aussi que l'élaboration de notre rapport soit encore plus transparente, sachant que notre travail est déjà très accessible et extrêmement ouvert. Estimez-vous que le Giec est victime d'un complot ?Les attaques contre le Giec étaient prévisibles avant Copenhague. Le Giec a acquis une grande visibilité, et il est normal que s'il fait une erreur elle soit relevée. Il y a d'autres sujets sur lesquels le Giec a des débats, comme la multiplication des événements extrêmes du fait du réchauffement. Le débat scientifique normal. Cela montre bien qu'il n'y a pas de pensée unique au sein du Giec. Mais nous avons aussi des certitudes : le réchauffement est inéluctable, la quantité de gaz à effet de serre a augmenté dans l'atmosphère à cause de l'activité humaine, et aucun des arguments qui nous ont conduits à conclure que cette augmentation est très probablement à l'origine du réchauffement actuel, n'apparaît sérieusement remis en cause. Nous n'allons pas dire le contraire pour faire plaisir aux sceptiques.Êtes-vous découragé ?Non. Ces attaques me donnent envie d'aller de l'avant. C'est à nous d'expliquer les éléments qui fondent notre vérité scientifique et à convaincre. À nous de mettre en évidence les erreurs des sceptiques. Nous avons des réponses sur tous leurs points, y compris sur le prétendu arrêt du réchauffement, par exemple. Mais nous admettons que le débat n'est pas clos. Ainsi, dans le cinquième rapport à paraître en 2013, il y aura, bien entendu, un chapitre sur l'attribution de la cause du réchauffement actuel ? Une autre partie concernera nos incertitudes sur le rôle des aérosols et leur contribution au réchauffement, ou encore sur la hausse du niveau de la mer que certains prévoient autour de 1 mètre, bien plus que les 40 centimètres avancés par le Giec. Nous reviendrons aussi sur la question de la hausse de l'intensité des cyclones.
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