Chez les cadres dirigeants, l'ambivalence est reine

Confusion, stress, complexité, le portrait des cadres dirigeants français dressé par la Cegos laisse apparaître des hommes et des femmes qui tentent de s'accrocher encore à leurs repères, mais se sentent démunis devant les enjeux qui les attendent.
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Ils nagent en pleins paradoxes ! Interrogés en juin dernier par la Cegos, les 300 membres de comités de directions ou de comités exécutifs d'entreprises de plus de 2.000 salariés sont perclus de contradictions.

Pile : ils ont accédé à un poste de direction grâce à leurs résultats professionnels et leur investissement dans l'entreprise. Les éléments majeurs de leur réussite professionnelle tiennent dans leur capacité de travail et leurs qualités de manager.

Face : c'est pourtant par leur réseau et la formation qu'ils sauront développer leurs talents. Ils avouent qu'ils ont du mal à déléguer et à identifier les potentiels et que l'encouragement des collaborateurs à expérimenter de nouveaux champs d'activité n'est vraiment pas leur fort. Bon manager à priori côté pile, mais qui reste à prouver côté face.

"Patron" ou "exécutant" ?

Si le plus important selon eux c'est d'être un leader respecté et suivi par les équipes (à 71%) et d'atteindre les objectifs qui leurs sont fixés (67%), ils n'ont que peu de prise sur la stratégie de leur entreprise alors même qu'ils en occupent les postes les plus élevés.

Seulement un tiers estime important d'exercer une influence significative au sein de leur organisation, de savoir se remettre en question ou d'accepter de modifier leurs décisions, et de mettre leur expertise au service de leur entreprise. Pour preuve, 72% attendent en priorité de leur n+1 qu'il communique clairement le sens et la vision de l'organisation, 58% qu'il définisse une vision stratégique et 44% qu'il donne l'impulsion pour favoriser l'innovation. Items sur lesquels leur taux de satisfaction avoisine seulement les 50%.

Une vision encore très pyramidale de leur fonction

Des dirigeants très en attente donc qui n'hésitent pas à reproduire auprès de leurs troupes cette vision "Top down" de leur fonction. Clairement, ils sont là pour piloter et mettre en ?uvre. Ils pensent devoir endosser le costume du leader capable de faire adhérer ses collaborateurs. De leurs équipes, 73% attendent alors une capacité d'initiative qu'il faut cependant interpréter comme "faites ce que vous avez à faire sans que j'ai besoin de vous le demander", car seulement 36% disent attendre créativité et innovation et confrontation des visions.

Le collaborateur idéal doit ainsi à la fois suivre les consignes du chef, mais aussi proposer des solutions... être toujours et encore le fameux mouton à cinq pattes. D'ailleurs 49% attendent aussi de leurs équipes l'adaptabilité au changement, autre signe d'une obéissance bienvenue.

L'humain, le parent pauvre

La dimension sociale de leur rôle passe, elle, totalement à la trappe : la juste répartition des bénéfices entre salariés et actionnaires n'est un enjeu important que pour 5% d'entre eux, l'anticipation des risques psycho-sociaux pour 5% également. Sujet sur lequel ils admettent être tout à fait démunis : 58% avouent être confronté à ce problème aujourd'hui mais seuls 19% se disent armés pour y faire face. Avec le risque de fusion, d'acquisition ou de rachat de leur entreprise, c'est l'enjeu qui les soucie le plus

Pas étonnant alors que, côté humain, ce soit la Bérézina : les qualités de remise en question et celles de communicant ne comptent respectivement que pour 27% et 17% d'entre eux dans leur réussite professionnelle. Seuls 40% attendent en priorité de leurs pairs de pouvoir dialoguer et 53% de coopérer. La plupart restent ainsi encore dans une logique très individualiste imprégnée d'esprit de compétition.

"Le plus frappant, c'est qu'ils ne semblent pas en capacité de se remettre en question. Ce qui peut être compris dans un souci de protection, voire de mode survie. Car ils donnent pour la plupart le sentiment de ne pas savoir comment tirer les fils d'une pelote économique et sociale très complexe", relève Annette Chazoule, spécialiste des formations pour les managers à la Cegos.

Concilier vie professionnelle/vie familiale

Enfin, plus de la moitié admettent que leur plus grande difficulté est de concilier vie professionnelle et vie personnelle...et de mettre en adéquation leurs valeurs personnelles et les obligations liées à leur rôle. Stressés les cadres dirigeants ? "Ils admettent le stress des équipes comme un élément du risque dans l'entreprise car ils y sont désormais personnellement confrontés", souligne Annette Chazoule.

Au final, l'ambivalence est reine : 42% avouent avoir envie de changer d'entreprise, mais ils sont tout autant à souhaiter poursuivre dans leur travail actuel. Il n'y a guère que sur les atouts à développer pour faire face à l'avenir que la vision des cadres dirigeants s'éclaire d'une lueur un peu plus optimiste : 64% admettent que le cadre dirigeant du futur devra être un visionnaire, 60% un développeur de talents, 52% un entrepreneur.

Encore aujourd'hui pris entre le marteau de la rentabilité et l'enclume de la performance, les cadres dirigeants ont bien conscience que l'avenir appartient à ceux qui sauront assumer de nouvelles responsabilités. "Une sacré interpellation à l'encontre des chefs d'entreprise", en conclut Annette Chazoule.

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