«Il n'y a jamais eu de consensus en France sur le nucléaire »

Fukushima n'a pas brisé le consensus historique des Français autour de l'énergie nucléaire, car ils ont toujours été très partagés sur la question, explique à La Tribune, Daniel Boy, directeur de recherche au CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po. Si le nucléaire fait irruption dans la campagne présidentielle, ce n'est pas tant une conséquence de la catastrophe japonaise que de l'accord électoral PS-EELV, explique ce spécialiste de l'écologie politique.

 Fukushima semble avoir fait voler en éclat le consensus historique des Français autour du nucléaire ...
 En fait, il n'y avait pas de consensus. Selon les différentes enquêtes dont on dispose, il y a depuis longtemps une opinion publique très partagée en France sur le sujet. Surtout depuis l'accident de Tchernobyl en 1986. En 1982, nos enquêtes montraient que 37% des Français étaient contre « le développement de centrales nucléaires ». Ce chiffre est passé à 54% en 1989, 55% en 1994 et 59 % en décembre 2011. Dans une autre vague d'enquêtes, la part des Français opposés au remplacement des centrales est passé de 49% en 2007 à 56% fin 2011.

Pourquoi n'entendait-on pas cette opposition ?
Parce que le nucléaire n'était pas un sujet d'actualité. On n'en parlait pas. Il n'y a pas eu de véritables débats au parlement ni de débats publics dignes de ce nom. De surcroît, en France, le nucléaire a été mis en place par un système institutionnel très intégré et plus puissant que dans d'autre pays, avec notamment un corps des ingénieurs très puissant au niveau de l'Etat et d'EDF.

Donc Fukushima n'a pas changé la donne, selon vous ?
La grande nouveauté, selon notre dernière enquête réalisée en janvier 2012, c'est l'émergence d'une majorité « hésitante ». A la question « quelle est votre opinion sur le recours à l'énergie nucléaire en France ? », 21% des Français se sont déclarés favorables, 41% hésitants, 26% opposés et 12% sans opinion. La grande leçon de Fukushima, c'est cela. Les Français se disent : « ce serait peut être bien qu'on sorte du nucléaire mais on ne sait pas comment ». Et personne n'est aujourd'hui capable de répondre concrètement à cette question. Cela plaide en faveur d'explications et d'un vrai débat.

C'est Fukushima qui a propulsé le nucléaire au rang d'enjeu électoral cette année ?
C'est plutôt la position d'Europe Ecologie Les Verts et son accord avec le PS. Jusqu'à présent, la gauche avait confirmé la politique nucléaire lancée par la droite. En faisant deux concessions, de nature différente. Si le PS avait inscrit dans son programme en 1978 un moratoire sur la construction de centrales, il a finalement décidé en 1981 le seul retrait du projet de centrale à Plogoff, vraisemblablement en échange du million de voix de Brice Lalonde.

Ce projet faisait en outre l'objet d'une virulente opposition locale. En 1997, l'arrêt de Superphénix à Creys Malville a lui été l'objet d'un accord électoral entre les Verts et le PS. Ce sera la seule concession au programme antinucléaire des Verts. De leur côté, les Verts, puis EELV ont toujours placé le thème anti-nucléaire au c?ur de leurs revendications. Il était évident qu'ils allaient mettre la barre très haut sur ce sujet dans leur accord électoral avec le PS pour les présidentielles. Puis Fukushima est arrivé. La surprise, c'est plutôt que le nucléaire ne fasse pas plus de bruit dans la campagne.

Les Français ne s'y intéressent pas finalement ?
Si ce n'est pas au centre de leurs préoccupations actuelles, ils sont pourtant demandeurs de davantage d'informations. C'est ce que révèle le dernier baromètre publié le 7 mars par Le Monde. Ils sont 55% à estimer que ce thème n'est pas assez abordé dans la campagne.
 

Retrouvez ici notre dossier "Spécial Fukushima"

Commentaires 10
à écrit le 10/03/2012 à 18:21
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Il faut arête là les arguments de l'énergie pas chers ne tiennent pas la route regardé le rapport de la cour des comptes sur le nucléaire, il y a des déchets longs que nous devrons entreposer 100.000 ans mes c'est inimaginable qui peut garantir qu'il...

le 11/03/2012 à 0:50
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Votre remarque est très juste mais compte tenu des déchets nucléaires d'hyper longue durée de vie dans le monde (+ de 100.000 ans) qui représentent une énergie exploitable très importante et un énorme problème, je pense qu'il faudrait mieux développe...

à écrit le 10/03/2012 à 14:31
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Tiens, finalement, à la lecture des derniers commentaires, malgré Eva Joly, il resterait encore pas mal d'écologistes forcenés décidés à jeter le bébé avec l'eau du bain.

à écrit le 10/03/2012 à 14:08
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Malheureusement, et comme d'habitude, les français attendront d'avoir leur propre Fukushima pour réagir .. C'est bien, continuons à nous endormir mais surtout ne venons pas nous plaindre quand il sera trop tard !

à écrit le 10/03/2012 à 11:51
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Le culte du secret de l'industrie nucléaire arrange beaucoup de monde. "Donnez moi de l?électricité la moins chère possible, je ne veux pas savoir comment vous faites..."

à écrit le 09/03/2012 à 9:25
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Ni en France, ni ailleurs. Evitez de parler pour ne rien dire, Monsieur et vous, Madame, d' ecrire pour rien.

à écrit le 09/03/2012 à 8:25
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si les Français savaient tous des risques , des accidents, des conséquences des zones à déserter en cas d'accident. Paris est à moins de 100km de plusieurs centrales nucléaires. Si ils savaient les intérets immenses de ceux qui profitent de leur fact...

le 10/03/2012 à 15:35
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Il faut avoir de la patience,supprimons les TV, les frigos, les ordinateurs, etc etc et revenons à la bougie en attente de la fusions

le 10/03/2012 à 18:05
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@Robin des bois: Ces arguments du grand retour en arrière sont éculés. cela fait 30 ans qu'ils sont exprimés. Est-il vraiment indispensable d'allumer les lampadaires la nuit ? d'éclairer des autoroutes ? d'illuminer des églises en pleine campagne à 2...

le 10/03/2012 à 19:54
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Tant que le prix de l'énergie sera bas, la réponse est : OUI.

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