"Dans le domaine fiscal, la France est à contretemps de l'Europe"

A quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances 2013, Gianmarco Monsellato, managing partner au cabinet Taj, membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited, dénonce dans un entretien à La Tribune l'absence de vision stratégique de l'exécutif en matière de fiscalité. En France, l'outil fiscal permettrait seulement de modifier les comportements et de sanctionner. Dans les autres pays européens, ce serait un accélérateur de croissance.
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Selon une étude de Taj & Deloitte sur la sécurité fiscale en Europe qui observe les relations entre l'administration fiscale et les dirigeants, les chefs d'entreprises français sont parmi les seuls à entretenir de meilleures relations avec les administrations fiscales étrangères qu'avec le fisc français. Pour quelles raisons ?

Ce n'est ni une question du niveau de taux, ni une question de dureté des relations. Une autre étude réalisée par Taj indiquait que les chefs d'entreprises français entretenaient des rapports cordiaux avec l'administration fiscale. Le principal grief des dirigeants porte sur l'instabilité de l'environnement fiscal. Dans ce domaine, la France est le pays le plus instable d'Europe avec la Belgique.

Mais tous les pays ne font-ils pas évoluer leur fiscalité en fonction de la conjoncture, des orientations stratégiques définies par le gouvernement ?

Si bien sûr. Mais les règles ne changent pas aussi souvent et profondément qu'en France. Ne serait ce que pour la seule année 2012, des pans importants de la fiscalité des entreprises auront été modifiés à trois reprises lors de la loi de finances puis par deux lois de finances rectificatives. Ce n'est pas compatible avec la vie des entreprises qui exige plus de stabilité. A l'étranger, des études d'impact sont faites en amont et on laisse la loi vivre au moins trois ans avant de la modifier. Un exemple : le crédit impôt recherche dont le succès est une référence mondiale est menacé d'être remanié chaque année, justement par ce qu'il est efficace.

Comment expliquez-vous ce foisonnement législatif ?

La France considère que la fiscalité relève du politique plus que l'économique. Or, l'harmonisation est en cours en Europe, ce qui limite la souveraineté fiscale. Comment en serait-il autrement dans un marché unique, avec une monnaie unique ? La France est à contretemps de la construction économique européenne qui passe notamment par l'harmonisation des fiscalités.

Est-ce dû au poids de l'histoire ?

Effectivement. En France, la fiscalité est encore considérée comme un pouvoir régalien destiné à sanctionner et à corriger les comportements. C'est la raison pour laquelle les bases d'imposition sont étroites, les taux élevés, et l'efficacité de l'impôt faible. Dans les autres pays d'Europe, on cherche à ne pas freiner la création de richesse pour bénéficier de bases larges et donc rentables mêmes avec des taux plus bas qu'en France.

L'affaire Arnault est emblématique !

L'affaire que vous évoquez me semble surtout médiatique. En revanche, la polémique qu'elle alimente, à juste titre ou non, est instructive. La création d'une tranche d'imposition à 75% toucherait 2.000 contribuables environ et ne rapporterait quasiment rien à l'Etat. C'est un geste uniquement politique. La fiscalité devient un instrument servant une certaine morale. Chez nos voisins, c'est davantage un instrument économique.

Pourtant, des outils existent pour sécuriser les entreprises, notamment le rescrit.....

Le rescrit est peu connu et il est pris en charge par trop peu de personnes au sein de l'administration. Les temps de réponse sont donc jugés trop longs. Par ailleurs, la culture fiscale française reste hostile au rescrit car on ne contractualise par un élément de la souveraineté nationale. 

Quelles sont les conséquences macroéconomiques de cette exception française ?

On parle beaucoup de la fuite des gens très fortunés. On évoque moins les investissements qui ne se font pas. L'instabilité de la fiscalité agit comme un repoussoir. D'importants investissements étrangers n'ont pas été réalisés en France mais chez nos voisins.

Les taux d'impositions y sont moins élevés ?

Une fois de plus, ce n'est pas une affaire de niveau des taux mais de stabilité. Chez nos voisins, les entreprises et les administrations fiscales contractualisent davantage l'impôt, et sont plus soucieux de la sécurité fiscale.

Plus globalement, l'outil fiscal est-il bien utilisé en France ?

Tout dépend des objectifs que l'on se fixe. Si l'on veut stimuler la croissance, on ne rabote pas la déductibilité des intérêts d'emprunts lorsqu'une entreprise investit. En Italie, qui pratiquait jusqu'à l'arrivée de Mario Monti à la présidence du Conseil une politique fiscale similaire à celle en vigueur en France, même les mentalités ont changé. Désormais, les intérêts sont déductibles du capital. Dans deux ans, il sera intéressant de comparer les courbes d'investissements des deux côtés des Alpes.

Commentaires 42
à écrit le 14/09/2012 à 15:13
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Le leitmotiv du capitaliste financier c'est ce que vous dites.Mais le problème ne se pose pas ainsi. Une élite capitalisto/financière s'accapare une part de plus en plus grande du PB ( +33% depuis 25 ans), aux dépens du travail ( -15% depuis 25 ans)....

le 14/09/2012 à 18:52
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Voilà un raisonnement logique et humain.

à écrit le 14/09/2012 à 12:52
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Impossible de faire comprendre qu'avant de distribuer il faut produire. Autrement on n'appauvrit tout le monde. C'est tellement simple que personne ne semble comprendre.. .

à écrit le 14/09/2012 à 11:44
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Le commentaire de onawanta est intéressant car il met le doigt sur le fond du problème des impôts: les fonctionnaires et le niveau de la dépense publique. Un débat que personne, pas plus Hollande que les medias, ne veut aborder de front. Nous sommes ...

le 14/09/2012 à 15:01
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@NON PERTINENTS... Comparer les services rendus ? Cela a été fait au moins dans 2 domaines : la santé et l'éducation... et il s'avère qu'avec moins de budget et moins de fonctionnaires les Allemands font mieux. N'hésitez pas si vous avez d'autres que...

le 14/09/2012 à 18:23
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Depuis quand les fonctionnaires rendent des services à l'économie ; c'est nouveau. C'est un poids inutil qu'il faudrait supprimer.

le 14/09/2012 à 18:42
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Pour la santé les allemands sont de leur poche et de beaucoup pour les consultations en particulier. je voudrais bien que vous soyez plus précis sur ces dites études....Quant à l'éducation il est vrai que l'allemagne peu élitiste a mieux réussi que ...

le 14/09/2012 à 22:25
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Peut-être imaginez vous les fonctionnaires avec des coudes en feutre et des plumes d'oie à la main, pour recopier des textes. Et bien non...les fonctionnaires, c'est un policier, un gendarme, un militaire, un chirurgien, le samu, un enseignant....etc...

le 15/09/2012 à 10:33
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Les plumes d'oie : pas à la main mais... (sourire)

à écrit le 14/09/2012 à 11:35
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La question de la lutte contre l'instabité en général comme élément clef de la compétitivité d'un pays est intéressante. Il y a la stabilité monétaire qui est garanti depuis longtemps (années 80) par la buba et puis maintenant et avec des difficulté...

à écrit le 14/09/2012 à 10:46
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La question est intéressante :" les chefs d'entreprises français sont parmi les seuls à entretenir de meilleures relations avec les administrations fiscales étrangères qu'avec le fisc français. Pour quelles raisons ?" La réponse est partielle "Le pri...

à écrit le 14/09/2012 à 10:17
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Evidemment que la fiscalité ne lui ( leur) convient pas. Encore moins l'évoltution de la BCE dans une nouvelle solidarité. Qui a fait changer la fiscalité à tour de bras? Sarkosy. OUI la fiscalité est politico/économique. Cela ne plait pas aux capita...

le 14/09/2012 à 15:25
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Vous êtes évidemment de parti pris quand vous jugez " uniquement moral"!Comme si la justice des prélèvements était moral!Sanctionner ceux qui payent peu d'impots et sont les plus riches? Pour ces chiffres vous devriez lire des revues économiques et c...

à écrit le 14/09/2012 à 10:07
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Quelque soit l'avis sur le niveau des impôts, où le monsieur qui parle, franchement sur un point il a raison : les règles fiscales en France changent AU moins tous les ans...et pas forcément juste pour les sociétés, ce qui nous donnent des maux de t...

à écrit le 14/09/2012 à 9:41
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La gauche française est particulièrement nulle en matière de gestion de la fiscalité. Son seul but est : toujours plus d'impôts sur un minimum de personnes. Plus d'impôts pour distribuer ce qui n'a pas été gagné, notamment aux fonctionnaires qui cons...

le 14/09/2012 à 15:28
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Nous sommes le pays ou les services d'interet public passent le plus par l'état...sont peu privatisé ( le privé toujours plus cher...voir l'eau, la médecine aux USA...). De ce fait il est logique qu'il y ait plus de personnel. Maintenant que dans ces...

à écrit le 14/09/2012 à 8:37
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Règlements de comptes, jalousies: l'impôt comme outil de la lutte des classes...

à écrit le 14/09/2012 à 7:43
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Tres bon article , très significatif de la réalité malheureusement oubliée de nos gouvernants!

à écrit le 14/09/2012 à 6:24
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Donner la gestion du pays à Angela ! C'est la seule capable de mettre de l'ordre et de rétablir un équilibre social et économique ! N'en déplaise aux amis hollandais qui n'on toujours pas compris Qu'ils sont entrain de scier la branche qui fait enc...

à écrit le 14/09/2012 à 0:20
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Venez et soyons templiers...

à écrit le 13/09/2012 à 23:32
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La fiscalité est l'une des derniers bataillons de la souveraineté française. Cet homme propose de laisser celle-ci aux mains des grandes entreprises et autres investisseurs qui ont besoin de stabilité fiscale, comprenez : Laissez les entreprises gére...

à écrit le 13/09/2012 à 22:13
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comment faire pour casser l'investissement en France? il suffit de demander au ministre du budget ou de l'économie; ces deux la prévient non seulement de rogner la déductibilité des intérêts d'emprunts faits pour l'INVESTISSEMENT et il semblerait pou...

à écrit le 13/09/2012 à 21:00
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Je vais suivre le conseil donné par ' Terminatroll a répondu le 13/09/2012 à 17:12: ' à benet. Je vais donc éviter de lire des ' journaux de grandes personnes ', à mon avis ces pseudos fiscalistes voire beaux-parleur sont issus des mêmes grandes é...

à écrit le 13/09/2012 à 20:36
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tous ceux qui s'expriment dans ces journaux économiques ont toujours de gros intérêts financiers , les leurs et ceux de leur classe sociale à défendre , donc , c'est toujours le même point de vue . C'est aussi grâce au travail des autres que ces ge...

à écrit le 13/09/2012 à 20:14
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Nous sommes gouvernes par des fonctionnaires qui n'ont jamais cree le moindre emploi qu'esperiez vous?

à écrit le 13/09/2012 à 19:46
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En France, la fiscalité est un instrument de "justice sociale". le reste n'a pas d'importance. On fait payer les riiiches meme si ca ne rapporte pas grand chose et que ca les fait fuir à l'étranger. On ne fait pas payer tous les foyers fiscaux a due ...

le 13/09/2012 à 20:10
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caricatures ,slogans etc...etc... "on est nuls ,quoi " donc ,il semblerait ,si on a bien compris ,que vous aussi êtes nulle (nul)???

à écrit le 13/09/2012 à 18:56
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Il est toujours intéressant de voir ce que préconisent l'Europe, le FMI, la cour des comptes et tous les économistes sans exception ( même de gauche!) et de voir que notre gouvernement fait exactement le contraire! Et après on s'étonne de la chute......

à écrit le 13/09/2012 à 18:42
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Seule solution : l'assurance vie fiscalisée avec la CSG à 20,5 % (Et encore moins avec l'abattement de 4600 ou 9200) et s'en servir avec des retraits programmés

à écrit le 13/09/2012 à 18:15
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Tres bon article qui pointe les choses avec precision et sans deblaterer sur un sujet pourtant passionnel...

à écrit le 13/09/2012 à 17:49
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Elle est à contretemps sur tout et c'est pourquoi elle ne cesse décliner. Elle rejoindra très vitre la Grèce.

à écrit le 13/09/2012 à 17:41
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Les fonctionnaires du fisc font volontiers de l'excès de zèle et ne laissent jamais tranquille ceux qui se crèvent pour faire tourner leur boîte avec une concurrence féroce. En France on a aussi l'ISF pour punir ceux qui réussissent. Il faut être cin...

à écrit le 13/09/2012 à 17:16
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La Tribune a le don pour faire parler de bien mauvais "spécialistes" dans ses colonnes ! où c'est qu'ils l'ont encore trouvé celui là ?

à écrit le 13/09/2012 à 16:50
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"dans les autres pays européens ce serait un facteur de croissance ",alors pourquoi l'europe est dans la merde ?

le 13/09/2012 à 17:12
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Tu portes décidément bien ton nom évites les journaux de grandes personnes, visiblement ça te perturbes.

le 13/09/2012 à 17:24
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A cause de gens comme vous, qui malgre tout ce qu on peut leur expliquer, demontrer, illustrer restent sur leur position sans aucune possibilite de compromis>>>> Vision du Franchouillard moyen: je met la tete dans le sable et apres moi le deluge

le 13/09/2012 à 17:30
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La population s'y complet dans la fange, on ne cesse de lui faire les poches et elle ne dit rien.

le 13/09/2012 à 17:34
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l'europe est dans la m. parceque chaque pays fait ses petites lois et ses taxes dans son coin au gré des elections, alors qu'il existe une liberte complete de circulation des biens et des personnes. Il faut vite faire une europe politique, surtout pa...

le 13/09/2012 à 18:09
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@? de 17h34 voilà des arguments forts respectables que je peux partager.on aimerait lire ceux de terminatroll,mais peux t-il en avoir ?

à écrit le 13/09/2012 à 16:45
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Regrettablement, peu de personnes parmi nos politiques et administrations pléthoriques ont la vista internationale ou l'expérience de ces sociétés de conseil et d'audit et encore moins la modestie de les écouter.

le 13/09/2012 à 17:15
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Comme cela est très bien expliqué dans l'article, leur finalité est politique, pas économique, l'économie/gestion etant fort peu enseignée voire dénigrée pré-baccalauréat, les français n'ont pas de culture en la matière. Les réformes effectuées à vis...

le 13/09/2012 à 17:57
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Parler d'une finalité politique, c'est encore de la diplomatie (donc du domaine politique.) Il me semble que maintenant c'est le fanatisme moralisateur avec une bonne dose de haine qui revient à la surface. Punir, sanctionner, décourager, c'est le no...

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