Le patronat déclenche une blitzkrieg contre le gouvernement... au nom de l'emploi

Medef et CGPME ont engagé une vaste offensive contre le gouvernement pour obtenir davantage que les mesures prévues dans le pacte de responsabilité. Dans le collimateur: les seuils sociaux, le temps partiel, la fiscalité des entreprises, etc.
Jean-Christophe Chanut
Le ministre du Travail François Rebsamen est soumis à une vaste offensive patronale pour réformer le Code du Travail.

Sabre au clair ! Au nom de l'emploi, le patronat a déclenché une grande offensive contre le gouvernement. Medef et CGPME font flèche de tout bois pour obtenir des concessions sur le code du Travail, les allègements fiscaux supplémentaires, la dérèglementation en tout genre. Manifestement, les mesures prévues par le pacte de responsabilité, qui commenceront à être présentées dans quelques jours avec l'examen en Conseil des ministres des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociales rectificatives, ne suffisent pas.

Toujours plus ! Il faut reconnaitre que, à force de se concentrer sur la courbe mensuelle du chômage et de promettre son inversion qui ne vient pas, les ministres du Travail successifs et le président de la République ne sont plus audibles. Surtout après les déroutes des élections municipales et européennes. Et peu importe si le Bureau International du travail (BIT) est venu confirmer que le taux de chômage (9,7%) en France s'était stabilisé au premier trimestre. Ce n'est pas du tout le ressenti dans le pays et cette relative bonne nouvelle « ne passe pas ».

Les stratèges patronaux ne veulent donc pas rater l'occasion et ils cherchent à pousser leurs pions face à un gouvernement affaibli, sous la surveillance de la Commission européenne, et désespérément à la recherche de points supplémentaires de croissance.

Le Medef veut déjà aller plus loin que le pacte de responsabilité

C'est le vice président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui a soudainement mis sur le devant la scène cette offensive, jusqu'ici larvée, via un entretien pour le quotidien Le Figaro. Le dirigeant du Medef y explique qu'en 2015, malgré le pacte de responsabilité, la fiscalité pesant sur les entreprises ne baissera pas, bien au contraire. Immédiatement les ministres des Finances et du Travail, Michel Sapin et François Rebsamen, lui ont donné la réplique . Le premier en lui demandant de refaire ses comptes et de « cesser de jouer à ce petit jeu ». Le second en le priant « d'arrêter de geindre », alors que le gouvernement fournit un effort sans précédent en faveur des entreprises.

Ce 5 juin, c'est Pierre Gattaz, le Président du Medef lui-même, qui est monté au créneau pour défendre son vice-président : 

«Soyons clair avant qu'on nous accuse de n'être jamais contents. Pour recréer une dynamique massive de création d'emplois, le pacte de responsabilité ne suffira pas. Il faudra aussi accepter d'ôter les verrous qui existent dans notre pays et trouver des solutions opérationnelles. Il faudra de toutes les façons y arriver. Autant l'assumer dès à présent».

Les seuils sociaux, dans le collimateur...

C'est très clair. Pierre Gattaz se situe déjà dans l'après Pacte de responsabilité. Pour lui, l'effort de 30 milliards prévu par le pacte pour baisser la fiscalité des entreprises et le coût du travail ne suffit pas. A plusieurs reprises, il estimé que les mesures devraient atteindre 50, voire 60 milliards d'euros. Le Code du Travail est aussi dans le collimateur du Medef. Et, là aussi, le ministre du Travail, François Rebsamen, a peut-être prêté le flanc en annonçant, au grand dam du Parti Socialiste, être d'accord pour expérimenter un gel pendant trois ans des seuils sociaux, cette vieille antienne patronale.

Concrètement, le ministre du Travail suggère que durant trois ans, les entreprises qui franchiraient, par exemple, le cap des 10 salariés ne soient pas obligées d'instituer des délégués du personnel et celles qui passeraient le cap des 50 salariés n'aient plus l'obligation de faire élire un comité d'entreprise.

... tout comme le travail à temps partiel...

Pain béni pour les organisations patronales qui se sont engouffrées dans la brèche pour demander encore plus. Par exemple, la CGPME est passée à la vitesse supérieure pour obtenir du gouvernement le renoncement à imposer une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel… Une mesure pourtant prévue par l'Accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi - devenu la loi du 14 juin 2013 - signé le 11 janvier 2013 par… la CGPME et le Medef.

Certes, mais les organisations patronales n'en veulent plus. A l'époque, il avait été décidé que tout nouveau contrat de travail inférieur à 24 heures par semaine serait interdit à compter du 1er janvier 2014. Mais des dérogations étaient prévues : pour les employés à domicile de particuliers, pour les salariés « volontaires » exprimant par écrit leur choix de travailler moins de 24 heures et pour les branches où des accords dérogatoires auraient été conclus.

Les négociations de tels accords ayant débuté tardivement, à la plus grande joie de la CGPME très rétive face à cette disposition, le gouvernement a déjà accordé un délai supplémentaire de négociation jusqu'au 30 juin. C'est donc finalement à compter du 1er juillet prochain que la disposition doit s'appliquer pour les nouveaux contrats signés, faute d'accord dérogatoire (pour les salariés en place le délai court jusqu'en 2016). Mais, pour l'instant, une quinzaine d'accords seulement ont été conclus, les syndicats ne se précipitant pas pour négocier des accords dérogatoires.

Résultat : de nombreuses fédérations patronales sont furieuses. Pis, la CGPME a mis en place un « compteur » à la disposition des entreprises. Avec ce « compteur », les entreprises peuvent signifier le nombre d'emplois qu'elles ne créeront pas du fait de cette nouvelle durée minimale. Et selon le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, « 8.000 emplois auraient déjà été détruits en 24 heures ». Une mesure anxiogène destinée à faire « plier » François Rebsamen pour qu'il reporte sine die cette réforme….

... et le compte pénibilité

La même tactique patronale est menée, pour l'instant avec un certain succès, sur l'instauration du « compte pénibilité » qui doit, normalement, intervenir, le 1er janvier 2015. Prévu par la dernière loi portant réforme des retraites, ce compte individuel pénibilité sera obligatoire dans toutes les entreprises. Il permettra de mesurer pour chaque salarié s'il est confronté à une situation de pénibilité et pendant combien de temps. Si c'est le cas, des actions compensatoires devront être accordées : mesure de formation, voire départ anticipé à la retraite.

Les organisations patronales sont arcboutées contre ce dispositif « trop contraignant ». Un rapport sur la question a été confié à Michel De Virville, membre honoraire de la Cour des comptes, qui est attendu normalement pour la semaine prochaine. Mais, grâce à la pression des organisations patronales, il est déjà quasi acté que les différentes cotisations patronales qui devaient permettre de financer les actions accordées aux salariés en contrepartie de l'exposition à la pénibilité ne seront pas redevables en 2015… mais au mieux en 2017, en tout cas à leur taux plein. Le patronat ne veut pas rester sur cette demi-victoire. Il veut pousser encore son avantage est parvenir a vider de sa substance le dispositif « compte pénibilité ».

Et on pourrait encore multiplier les exemples. Ainsi la réforme de l'inspection du travail dont les organisations patronales ne veulent pas. Opportunément, le projet de loi portant cette réforme s'est perdu dans les méandres du Parlement, grâce au bon vouloir de François Rebsamen, soucieux de ne pas faire trop de vagues.

Et bientôt le Smic et le temps de travail?

Autant des gestes d'apaisement de la part du gouvernement...  mais plutôt perçus comme des faiblesses par le patronat. L'offensive va donc continuer ou s'amplifier. Gageons que les prochains combats porteront sur l'instauration d'un Smic jeune, l'indemnisation des demandeurs d'emploi, la réforme de la Sécurité sociale… Sans parler de la persistante question de la durée du travail. Tout ça au nom de… L'emploi, bien sûr.

 

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 20
à écrit le 10/06/2014 à 21:02
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Oui

à écrit le 08/06/2014 à 11:55
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J'aime bien le MEDEF. Il suffit de leur tendre la main pour qu'ils décident de vous bouffer le bras. En même temps c'est sûr qu'avec Hollande ils se sentent pousser des ailes. Mais la blitzkrieg, pour qu'elle réussisse. Il va falloir qu'ils la fas...

à écrit le 06/06/2014 à 11:43
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Tant que les entreprises (finances, pharmaceutiques ou toutes les autres) seront considérées par le gouvernement actuel comme "l'ennemi", on n'avancera pas d'un pouce. Quand on aura enfin compris que ce sont elles qui créent l'emploi, qui maintiennen...

le 06/06/2014 à 16:16
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Ou avez vous cela ? Dans quel pays vivez vous, toutes les mesures actuelles vont dans le sens de l'"entreprise", mais il faut que celle ci soit responsabilisée sur leurs responsabilités sociales, c'est normal, elles font partie intégrante du corps so...

à écrit le 06/06/2014 à 10:09
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Les fautes d'orthographe ! 1. On ne prete pas le flan (dans une boulangerie), mais le flanc. 2. "alors que le gouvernement fourniT un effort sans précédent en faveur des entreprises" etc... Relisez vous, avec ce genre de fautes, vous perdez tout...

à écrit le 06/06/2014 à 9:46
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mais si on voit beaucoup de cadeaux aux entreprises ces derniers mois, les résultats sur la courbe du chômage se font attendre. A quoi servent donc ces cadeaux, subventionnés en grande partie par la hausse des impôts sur les particuliers (TVA en tête...

à écrit le 06/06/2014 à 6:41
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La solution consiste à financer les retraites par une taxe sur l'énergie.

à écrit le 05/06/2014 à 22:00
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Le gouvernement devrait aider les autoentrepreneur et les petites entreprises plutôt que les grands groupes qui les coulent puis finissent par délocaliser... Surtout que là c'est bien eux qui demande toujours moins pour les travailleurs alors qu'ils ...

à écrit le 05/06/2014 à 18:40
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Apparemment, il est difficile de comprendre que l'emploi passe par la bonne santé des entreprises ! Eh bien, on n'est pas sorti de l'auberge...

le 05/06/2014 à 20:25
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Oui à la bonne santé des entreprises si elles embauchent... et investissent au lieu de distribuer des résultats supplémentaires avec ces nouvelles aides...Tout est là..!! d'où la nécessité de mieux fiscaliser les holdings.... (ce qui ne concerne qu...

le 06/06/2014 à 13:18
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tout a fait d'accord mais il faut aussi empêcher que les lois sur l'optimisation fiscal soient annulées par le conseil d'etat et tous les séides du medef. oui a l'esprit d'entreprise non aux fossiles du capitalisme du 19 siècle.

à écrit le 05/06/2014 à 17:45
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mais les principaux fraudeurs ce sont les entreprises qui là veulent encore recevoir des cadeaux alors qu'elles se sont déjà servies elles-mêmes.....quel cynisme !

le 06/06/2014 à 8:48
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Je vous invite à vivre durant 6 mois dans mon entreprise de 6 salariés avec nos difficultés quotidiennes et mon salaire... Et nous verrons si votre mépris pour le patronnât est toujours d'actualité .....

le 06/06/2014 à 13:31
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relisez ce que j'ecris .posez vous la question qu'a fait le medef pour vous ? se sont il battu pour que le cac40 paie le meme niveau d'impot que vous ? ont ils fait en sorte que le systeme bancaire soit au service de l'entreprise et là je parle de l...

à écrit le 05/06/2014 à 17:36
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avant de demandé plus il faut commencer a prouver que l'on veut avancer donc créer de la richesse sinon le retour de baton sera dur. le medef est fidèle a son image de médiocrité quel dommage que les representants des patrons français soient si mauv...

à écrit le 05/06/2014 à 17:21
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Au nom de l'emploi....Ca serait hilarant si autant de français ne tombez pas dans le panneau. Car ne nous trompons pas, le patronat n'a que faire de l'emploi, ce qu'il veut c'est plus d'argent pour les actionnaires et les salaires des hauts dirigean...

le 05/06/2014 à 18:43
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Encore un fonctionnaire qui n'a rien compris...

à écrit le 05/06/2014 à 17:18
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quelques personnes veulent lancer de vraies réformes. Il va falloir discuter mais il faudra réformer sans tenir compte des petits copains, des syndicats qui foutent en l'air le pays depuis des années, du frère ou cousin du ministre qui est contre tou...

le 05/06/2014 à 17:31
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Et hop un pigeon de plus

le 05/06/2014 à 20:52
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...Candide & Cie.......

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