Emprunts toxiques : les collectivités attaquent à Bruxelles

Les collectivités territoriales françaises ont déposé une plainte à la Commission européenne contre une loi élaborée par Bercy qui dédouane en grande partie l'Etat dans l'affaire des emprunts toxiques.
Mathias Thépot
Le gouvernement a-t-il contourné la loi européenne pour imposer ses velléités aux collectivités locales?

L'opposition entre l'Etat français et les collectivités locales dans l'affaire des emprunts toxiques a pris une dimension européenne vendredi dernier. L'Association des acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) composée d'élus locaux a en effet déposé "une plainte auprès de la Commission et une pétition auprès du parlement européen" contre une loi française qui annule une jurisprudence bénéfique aux collectivités locales : une décision de début 2013 du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre qui avait modifié les taux d'intérêt de trois prêts dits toxiques que le Conseil général de Seine-Saint-Denis avait contractés auprès de Dexia. Celle-ci a perdu l'affaire pour avoir omis de mentionner le taux effectif global (TEG) dans un fax - le coût réel du crédit. Ce qui entraîne l'application du taux d'intérêt légal sur toute la durée du prêt, fixé à 0.04% en 2014.

Le conseil constitutionnel a validé l'annulation de la jurisprudence

L'Etat ayant quasiment au même moment repris une grande partie des activités de Dexia, la décision du TGI de Nanterre faisait peser un risque potentiel de 17 milliards d'euros sur les finances publiques ! C'est pourquoi Bercy est monté au créneau pour faire annuler cette jurisprudence ... au détriment des intérêts des collectivités locales qui ont perdu un élément précieux pour sortir de ces prêts aux taux d'intérêts variables, souvent indexés sur des parités monétaires, qui ont bondi après le krach de 2008.

Les arguments avancés par Bercy pour supprimer la jurisprudence étaient très contestables au sens des élus, mais le Conseil constitutionnel a tout de même validé la loi qui l'annule. Pour le président de l'APCET Christophe Greffet, "le juge constitutionnel s'est plutôt attaché à considérer le surcoût pour les finances publiques plutôt que le surcoût pour les finances locales". L'APCET a du coup fait réaliser par un cabinet d'avocats une étude qui a "permis d'identifier des éléments sérieux de nature à caractériser une somme de violations du droit de l'Union européenne".

Elle cite notamment "la préservation éclairée de l'intérêt général, dans la mesure où le comportement imprudent et irresponsable des établissements bancaires concernés impacte directement les collectivités publiques et les contribuables français". Les élus locaux avancent que les trois-quarts des responsabilités dans cette affaire sont imputables aux banques, Dexia en tête, qui se sont menées une concurrence féroce en vendant des crédits structurés qui se sont révélés toxiques à la fin des années 2000. L'Etat, et plus précisément Bercy, aurait aussi sa part de responsabilité car "il n'a, à l'époque, pas trouvé matière à redire lorsque ces prêts sont arrivés sur le marché", explique Christophe Greffet.

Un fonds de soutien insuffisamment doté

Certes un fonds de soutien abondé pour moitié par les banques et pour moitié par l'Etat a été créé pour soutenir les collectivités locales victimes des emprunts toxiques. Mais celui-ci ne couvrira en moyenne qu'un quart des indemnités de remboursement anticipé dont devront s'acquitter les collectivités pour sortir de ce bourbier. Une part insuffisante au sens des élus qui craignent de ne pas pouvoir assumer financièrement une sortie dans ces conditions.

Ils demandent d'une part que les banques participent plus au fonds, et de l'autre que soit réallouée au fonds de soutien une partie des nouvelles recettes générées par la mesure sur la non déductibilité de la taxe systémique sur l'impôt sur les sociétés des banques. Elle devrait permettre à l'Etat de collecter près de 300 millions d'euros par an supplémentaires.

Au final dans cette affaire, il semble compromis que l'intérêt général soit garanti car aucune solution efficace n'émerge pour en finir avec l'opposition incessante entre le contribuable local et le contribuable national. Cependant, une décision favorable aux collectivités locales de la Commission européenne sur le TEG pourrait contraindre l'Etat à trouver de nouvelles solutions.

Mathias Thépot
Commentaires 4
à écrit le 20/12/2014 à 9:54
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Le dindon de la farce est le citoyen français, qui devra payer les nouveaux coûts, indépendamment de nouvelles décisions. Il est grand temps que les collectivités territoriales arrêtent les frais non-constructifs. Ce ne sont que des visées politiq...

à écrit le 19/12/2014 à 19:58
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A moins d’êtres un incapable on ne fait pas d’emprunt toxique Il serait temps de tenir responsables les élus pour toutes c erreurs de mauvaise gestion ainsi que ces investissement ( au nom de public )qu’il s’avère être des catastrophes financière...

à écrit le 19/12/2014 à 19:52
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chez moi les cantonniers sont bureaucrates

à écrit le 19/12/2014 à 15:09
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Bruxelles considère déjà les français comme connaissant mal l'économie... Voilà qui va les conforter dans leur opinion !

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