Laurence Parisot : "gare à ne pas tuer l'idée de progrès, aujourd'hui menacée"

Quand la présidente de l'Ifop se déclare candidate à la succession du baron Ernest- Antoine Seillière à la tête du Medef, elle stupéfait certains, et fait ricaner les autres. Mais vigoureusement soutenue par les Fédérations de la banque et de l'assurance, elle sera élue, en juillet 2005, malgré le tir frontal de la puissante Fédération de la métallurgie. Son mandat est renouvelable en juillet prochain pour trois ans.

Laurence Parisot, vous êtes présidente du Medef. « Le monde ne sera jamais plus comme avant », a-t-on beaucoup entendu. Partagez-vous ce diagnostic ?

Bien sûr, mais c'est d'une grande évidence, car jamais le monde n'est comme avant ! La vraie nouveauté tient à la fantastique accélération de l'histoire, à la vitesse de la transformation du monde à laquelle nous assistons et dont la crise financière n'est sans doute qu'une cause parmi d'autres. Nous sommes à un moment où toutes les révolutions semblent se conjuguer : les mutations démographiques, technologiques, et même politiques, je pense à l'élection de Barack Obama. La question est plutôt de savoir si cette accélération va durer, ou si nous allons pouvoir revenir à des évolutions moins brutales ?

Aspirez-vous à ce que l'on ralentisse collectivement le rythme de ces changements, pour mieux les maîtriser ?

Attention, de quoi parle-t-on ? Si nous parlons de croissance économique, je ne vois pas de désir de ralentissement économique à Shanghai ou à São Paulo. Le débat sur la décroissance, sur la relocalisation d'activités industrielles, n'a lieu que chez nous. Or, malheureusement, nous ne sommes plus, ni en Europe ni même aux États-Unis, le centre de gravité du monde économique. La forte croissance de ces pays est une réalité face à laquelle nous devons nous adapter et trouver le moyen de nous renforcer. Par exemple en nous unissant dans une Europe audacieuse, capable d'exprimer une nouvelle ambition. Une Europe qui a la niaque !

Plutôt que de croissance, nous parlions de mutations pas toujours maîtrisées...

La crise a effectivement révélé les défaillances de certaines régulations, en particulier dans le secteur de la finance. Et surtout, l'absence d'une régulation internationale, alors même que l'économie est plus que jamais mondiale. Mais attention, dans les appels quasi unanimes à définir des règles du jeu communes à tous, on n'entend guère de défenseurs de l'innovation. Il ne faudrait pas que ce nouvel ordre finisse par étouffer la créativité, l'innovation, bridant ainsi l'énergie vitale de l'économie. Gare à ne pas tuer l'idée de progrès qui, aujourd'hui, me semble menacée. On ne peut oublier que les inventions récentes, comme par exemple Google ou Twitter, marquent d'importants progrès partagés par tous. Fondamentalement, « le monde d'après » selon moi doit offrir plus de liberté à l'intérieur d'une régulation mieux définie.

Vous conviendrez que la voie est tout de même étroite...

Peut-être. Néanmoins, nous avons déjà bien avancé dans l'idée d'une gouvernance mondiale. Un consensus a émergé, le G20 est devenu une institution dont les accords feront référence. C'est un progrès qui nous prémunira contre certains risques inhérents aux crises, comme le protectionnisme même sous des formes déguisées et, je pense par exemple aux politiques de change agressives.

Pensez-vous que, s'il y avait eu plus de femmes dans les équipes dirigeantes des entreprises, elles auraient pris moins de risques ?

La crise a montré que les entreprises qui s'en sortent le mieux, et qui se redéploieront le plus rapidement après la crise, ont des dirigeants qui ont parfaitement mesuré les risques à prendre ou à ne pas prendre. Il s'agit souvent d'entreprises dont les équipes sont très diversifiées. Les femmes sont-elles naturellement modératrices ? Je leur reconnais en tout cas une grande capacité à prendre du recul, à déceler les moments où il faut changer de cap et de stratégie. Les établissements financiers, qui comptent des femmes dans leur conseil ou dans leurs comités exécutifs, ont souvent pris des décisions prudentes dès les premiers signes de la crise. Vous savez que je crois beaucoup aux bienfaits de la diversité de sexes, d'origines, de parcours scolaires, etc.

Seriez-vous alors favorable à l'instauration de quotas de femmes dans les conseils d'administration ?

Absolument, car sans coup de pouce, on pourrait attendre la Saint Glinglin pour que les femmes soient représentées dans les conseils à la hauteur de leur contribution à l'économie. D'ailleurs je l'avais proposé à l'Afep*. J'espère qu'elle jugera utile de le promouvoir...

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