Pierre Bellon, président du conseil d'administration de Sodexo

« Le vrai problème, ce n'est pas les bonus des traders, c'est leur métier », estime le président du conseil d'administration de Sodexo.

La Tribune - Quelles mesures doit adopter le G20 ?

Pierre Bellon - Pour éviter que la crise ne se répète, j?énoncerai plutôt quelques principes. Le premier, c?est celui du rôle de l?Etat. Pendant 25 ans, une vague de dérégulation n?a cessé de se propager : moins de règles, moins d?Etat, plus de marché, plus de profits, plus de chacun pour soi. Or, ce mythe de l?autorégulation s?est effondré. Sans l?intervention déterminée des autorités politiques, la crise que nous vivons aurait été aussi grave que celle de 1929. Deuxième principe, les solutions seront globales, car la mondialisation est irréversible. Cela suppose que l?Europe se dote rapidement d?un pouvoir fort et que le G20 devienne un gouvernement économique mondial. Le troisième principe est l?exemplarité, que ce soit pour les rémunérations des patrons ou pour les institutions. Le quatrième principe est celui de la transparence. La loi l?impose aux sociétés cotées. Mais dans le même temps, de brillants mathématiciens ont inventé des produits dérivés où les transactions se chiffraient, en 2007, à 600.000 milliards de dollars dans une totale opacité et hors de toute réglementation. Ce montant est très supérieur à la somme des capitalisations boursières mondiales.

Au-delà des principes, quelles réformes immédiates faut-il prendre ?

Il est indispensable de réformer les supermarchés de la finance. On a laissé se développer, depuis le début des années 1980, des établissements bancaires faisant toutes sortes de métiers, perpétuellement en conflits d?intérêt. On voit des banques conseiller des prises de participation dans des sociétés, formuler via leurs départements de recherche des conseils d?achat ou de vente sur ces mêmes entreprises, et spéculer sur les titres concernés. Les murailles de Chine censées établir des barrières étanches sont en réalité perméables et contournées. Le Glass Steagel Act avait instauré, en 1933 outre-Atlantique, une séparation complète entre les activités de banques de dépôts et de banque d?investissement, que l?on a fini par abandonner. Il faut y revenir.

Il faut aussi lutter contre la spéculation. On parle beaucoup des bonus des traders. Mais le vrai problème, c?est leur métier. Les traders se moquent complètement des biens et services fournis par l?entreprise, des compétences de son personnel, de l?intérêt de ses actionnaires. Ils spéculent sur les matières premières, les monnaies, les obligations, les actions, et le plus souvent avec des titres qu?ils ne détiennent même pas puisqu?ils pratiquent le système des ventes à découvert consistant à emprunter des titres à des tiers. C?est une pratique qu?il faut interdire. Il faut encore limiter l?effet de levier, c?est-à-dire le recours à l?endettement excessif. Dans une économie qui se développe au rythme de 2 à 4% par an, il est impossible d?atteindre des rentabilités sur le capital investi de 20, 30 voire 35%. Pour y arriver, la seule manière possible, c?est l?endettement. Et il est anormal de voir des acquisitions se faire ou des hedge funds se développer avec une moyenne de 14% de fonds propres et de 86% de recours à l?emprunt. Enfin, il faut une harmonisation comptable, un encadrement des agences de notation, une augmentation des fonds propres des banques, une refondation du système monétaire international...

Vous placez la barre très haut?

Si les 20 leaders des plus grandes puissances sont convaincus de la nécessité de travailler ensemble, il n?y aucune raison de ne pas être optimiste. Même s?il faudra, pour aboutir, d?autres G20.

Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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absolument brillant. Rien à dire. Et je suis admiratif de la clairevoyance ..

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ce sont des hommes tels que lui qu'il faudrait au gouvernement.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout à fait d'accord avec Pierre Bellon. VG

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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clarté, clairvoyance, explications. Le discours d'un patron de la restauration est plus clair sur le métier de banquier que celui des banquiers eux-mêmes qui ont l'air de vivre hors de la réalité.

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