Brésil : les candidats à la succession de Lula dans les starting-blocks

Qui succèdera en octobre au très populaire président brésilien, Luis Inacio Lula da Silva ? Trois principaux candidats sont en lice dans la campagne électorale qui s'est ouverte ce 6 juillet : la protégée de Lula, Dilma Rousseff, qui représente le Parti des travailleurs, le social-démocrate José Serra, et la candidate du Parti Vert, Marina Silva.

"Dieu est brésilien, Dieu est pétiste", dit-on au Brésil. "Pétiste" pour " PT", le parti des Travailleurs du président de la République. L'expression rend hommage à la popularité de Luiz Inacio Lula da Silva, qui reste crédité, après huit ans de pouvoir, de 76% à 80% d'opinions favorables.

Le deuxième mandat de Lula arrive à son terme et la campagne pour l'élection présidentielle du 3 octobre s'est ouverte officiellement ce mardi. Selon les analystes, le jeu reste très ouvert entre les deux principaux candidats, Dilma Rousseff, pour le PT, et José Serra, le social-démocrate du PSDB. Tous deux sont au coude à coude dans les sondages, même si à la mi-mai Dilma Rousseff a dépassé pour la première fois José Serra (38% contre 35%), dans un sondage de l'institut Vox Populi.

Dilma Roussef, la protégée de Lula

Dilma Rousseff, 62 ans, est l'ancienne "ministre-chef de la Maison civile" de Lula, l'équivalent d'un chef de gouvernement. Elle n'a jamais été élue et était presque inconnue du grand public avant que Lula ne la choisisse personnellement comme candidate. Depuis 2007, ce dernier la présente comme la "mère du PAC", le programme d'accélération de la croissance, qui projette d'investir 535 milliards de dollars dans les infrastructures du pays entre 2011 et 2014.

Economiste de formation, elle est connue pour avoir milité contre la dictature militaire (1964-1985) dans les mouvements de lutte armée. Arrêtée en 1970 par le régime, condamnée à six ans de prison, elle a été libérée deux ans plus tard. Ce passé de "guerrillera" (équivalent féminin du guérrillero) a été largement commenté par les blogs de l'opposition. Certains n'ont pas hésité à l'accuser d'avoir perpétré des actes de violence.

La campagne qui s'ouvre s'annonce de fait sans concessions. Mais les angles d'attaque contre le PT seront difficiles à trouver pour les sociaux-démocrates, tant Lula est devenu intouchable. Alors que la Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat consécutif, son humanisme, son combat contre la faim et la pauvreté sont encensés ; son bilan économique ? 7,1% de croissance prévus en 2010 par le FMI ? et la nouvelle aura du Brésil sur la scène internationale, peu critiqués.

José Serra, le candidat malheureux de 2002

La popularité de Lula est telle qu'aucun candidat ne se risquerait par exemple à supprimer la "Bourse famille", un dispositif qui octroie aux familles les plus pauvres une aide financière minimale en contrepartie de la scolarisation et de la vaccination des enfants. José Serra n'a pas fait exception en promettant en avril qu'il la maintiendrait et même l'élargirait.

Autre paradoxe, le patronat, l'électorat "naturel" du PSDB de José Serra, se félicite du bilan Lula. Ainsi, dans un sondage du quotidien financier Valor en avril, il a déclaré à 53% que le gouvernement de Lula était "bon ou excellent" ; les entrepreneurs interrogés ont été également 75% à reconnaître que leurs entreprises avaient crû durant les mandats Lula. En revanche, 78% d'entre eux se sont déclarés prêts à voter pour... José Serra, qui reste "leur" candidat, même s'il a déjà perdu l'élection présidentielle de 2002 contre Lula.

Agé de 68 ans, José Serra est implanté dans le fief du PSDB, l'Etat de São Paulo, le plus riche et le plus industriel du Brésil. Il a gagné la mairie de la ville de São Paulo en 2005 avant de devenir gouverneur de l'Etat de 2007 à 2010. Fils d'immigrants italiens, il a comme de nombreux intellectuels et artistes connu l'exil lorsqu'il a fui la dictature miliaire, pendant 14 ans.

Diplômé en sciences économiques de l'université américaine de Cornell, José Serra a également été le ministre de la santé de Fernando Henrique Cardoso et le père de la "bataille des génériques", qui a permis au Brésil de produire, dans les années 90, des médicaments génériques pour lutter contre le VIH, après des négociations homériques avec les laboratoires pharmaceutiques.

Marina Silva, la militante de l'Amazonie

La troisième candidate de poids s'appelle Marina Silva. Ancienne sénatrice du PT, créditée de 10% des intentions de vote, elle est la candidate du Parti Vert. Originaire d'Amazonie, de l'Etat d'Acre, au nord du Brésil, elle vient d'une modeste famille de récolteurs de caoutchouc (les "seringueiros"). Elle a obtenu un diplôme d'histoire et, devenue syndicaliste, a dirigé des "empates", ces manifestations pacifistes contre la déforestation avec le célèbre leader syndical Chico Mendes, assassiné en 1988.

Sur le sujet environnemental - comme sur celui de la corruption - les mécontents de Lula existent bel et bien. Nommée ministre de l'Environnement de Lula dès l'arrivée au pouvoir de ce dernier en 2003, Marina Silva elle-même a claqué la porte en 2008. Dans sa lettre de démission, elle évoque les intenses pressions de "secteurs importants de la société" (entendre l'agrobusiness, tout-puissant) tout comme d'une partie du gouvernement. Les dossiers du contrôle de la déforestation et de la libéralisation commerciale des transgéniques ont notamment cristallisé son insatisfaction.

Marina est "responsable de ce qui a été fait et en même temps tient une position critique", sa candidature sera difficile, a estimé devant l'Ajis (Association des journalistes de l'actualité sociale) José Eduardo Cardozo, député du PT.

Il lui sera difficile en tous les cas de défendre la cause environnementale dans un pays devenu en 2009 le deuxième plus grand producteur d'OGM derrière les Etats-Unis. Après la démission de Marina Silva, le gouvernement a mis les bouchés doubles et fait une série d'annonces en faveur de l'environnement. Il a ainsi interdit la culture de la canne à sucre - responsable de la déforestation - sur 81% du territoire. L'élection d'octobre dira si le credo vert, récent au Brésil, a réussi sa greffe dans la vie politique du pays.

 

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