Pourquoi en Allemagne (et pas en France), le marché du travail s'améliore malgré la crise

L'Allemagne a annoncé ce jeudi un taux de chômage à 7,6% en juillet, tandis que le taux français continue de flirter avec les 10%. Depuis 13 mois désormais, le chômage baisse Outre-Rhin. "La Tribune" a interrogé Holger Schäfer, économiste spécialiste du marché du travail à l'institut économique IW Köln, sur les raisons de cette réussite.

La Tribune - Comment expliquez le bon comportement du marché du travail allemand ?

-  Il y a trois raisons principales. On a, d'abord, pris des mesures pour faciliter les mesures de réductions de temps de travail. Cela concerne le chômage partiel (Kurzarbeit), mais pas seulement. Les entreprises ont également utilisé la possibilité de solder les "comptes épargne temps" et de réduire les heures supplémentaires. Ces mesures ont permis, grâce à la réduction du nombre d'heures travaillées, de faire face à la réduction massive des commandes et de la production sans réduire le nombre de salariés. Cela a naturellement eu un coût pour l'Etat, qui a subventionné le chômage partiel, pour les entreprises qui ont dû continuer à payer en partie leurs salariés et pour les salariés qui ont dû accepter de voir leurs rémunérations baisser temporairement. Cette stratégie a cependant bien fonctionné parce que la crise a été courte. L'Allemagne a profité de circonstances heureuses.

La deuxième raison de ce bon comportement est sectorielle. L'industrie allemande a réduit ses effectifs, malgré ces mesures, pendant la crise, mais cette tendance a été compensée par le secteur des services sociaux, comme la santé, l'assistance ou l'éducation, qui a continué à créer beaucoup d'emplois.

Enfin, la troisième raison est démographique. De plus en plus de personnes quittent pour des raisons d'âge le marché du travail où de moins en moins de jeunes entrent en raison de la faible natalité et des études plus longues. Avec un solde migratoire devenu négatif, l'arrivée sur le marché du travail de nouvelles personnes, notamment des femmes, ne suffit pas à compenser ce phénomène. L'an passé, il y avait 60.000 personnes de moins sur le marché du travail allemand.

 - Comment voyez-vous l'évolution future du marché du travail en Allemagne ?

- Actuellement, cette évolution est très positive, mais avec un taux de chômage de 7,5 %, l'Allemagne est encore loin du plein-emploi que l'on peut estimer à 4 %. Il existe encore des problèmes en Allemagne et on ne peut parler d'expansion du marché du travail. Le nombre de chômeurs de longue durée est particulièrement inquiétant, y compris en comparaison avec les autres pays européens. Les réformes Hartz ont réduit le problème, mais il y a encore beaucoup à faire pour réussir l'intégration de ces chômeurs de longue durée.

- L'Allemagne peut-elle être un modèle pour l'Europe en termes d'emploi ?

- Je vois toujours avec scepticisme le transfert d'un système dans un autre pays. Chaque pays a ses particularités et l'implantation ailleurs d'éléments comme le travail partiel pourrait ne pas forcement être un succès.

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