Croissance en Chine : faut-il croire les chiffres de Pékin ?

La Chine a enregistré au troisième trimestre une croissance de son PIB de 9,6 %, après 10,3 % au deuxième trimestre. Il est trop tôt pour y voir le rééquilibrage tant attendu.

La croissance de l'économie chinoise a légèrement décéléré au troisième trimestre, passant pour la première fois depuis de long mois sous le seuil de 10 %. Le Produit intérieur brut (PIB) s'est accru de 9,6 % sur un an contre 10,3 % au deuxième trimestre, pour l'ensemble de 2010, la hausse de l'activité devrait avoisiner 10 %. L'inflation, le seul indice qui inquiète véritablement le gouvernement est restée cantonnée à 3,6 %. S'il s'agit de la plus forte hausse en deux ans, elle est loin d'atteindre un niveau alarmant. Et l'annonce mardi par la Banque centrale de Chine du relèvement des taux d'intérêt devrait permettre la maîtrise des prix.

« Les mesures instaurées depuis le début de l'année ont évité une surchauffe et un ralentissement trop brutal. L'économie se stabilise et est désormais assez solide pour supporter une normalisation comme l'indiquent la hausse récente du yuan face au dollar et la hausse des taux directeurs », analyse Brian Jackson, économiste à la Royal Bank of Canada à Hong Kong. Les analystes ne s'attendent pas à voir d'autres mesures de resserrement du crédit avant le début de l'année prochaine.

Ventes au détail en hausse

À première vue, plusieurs indications montrent que l'économie commence lentement à se rééquilibrer entre le poids des exportations et celui de la demande intérieure. Les ventes au détail continuent de bien se porter : + 18,4 % sur le trimestre et la part des exportations dans la croissance régressent. La hausse des taux d'intérêt devrait jouer dans ce sens : mieux rémunérer l'argent du consommateur et réduire les prêts des entreprises d'État, première source de l'investissement.

Il reste cependant encore difficile de mesurer ce rééquilibrage. Il est impossible de connaître la part de la consommation des entreprises publiques et celle du consommateur dans les ventes au détail. Les investissements pèsent encore 58,8 % dans le PIB, a indiqué jeudi le bureau des statistiques, et la consommation a bien du mal à décoller au-dessus d'un tiers du PIB. Quant au taux d'intérêt directeur, il reste encore inférieur à l'inflation.

« Le rééquilibrage ne se verra pas du jour au lendemain, explique Isaac Meng, économiste chez BNP Paribas. Il faudra attendre au moins 2 à 3 ans avant de voir des signes réels. Ce sera la prochaine génération de dirigeants qui appliquera les mesures nécessaires ». Lundi dans un communiqué le Parti communiste a fait de ce rééquilibrage une priorité de son prochain plan quinquennal.

Pékin veut améliorer ses statistiques

« La Chine doit améliorer la qualité, la précision et la crédibilité de ses statistiques pour mieux servir le développement social et économique du pays ». C'est ce qu'écrivait mercredi le vice Premier ministre chinois Li Keqiang aux responsables de la réunion internationale qui se tenait à Shangaï, à l'occasion de la célébration annuelle de la Journée mondiale des statistiques. Cette « auto-critique » confirme si besoin était la suspicion qui entoure la façon - quasiment un secret d'État - dont Pékin établit ses données au sein de son Bureau des statistiques, comme en témoigne la publication d'un PIB trimestriel. S'il y a une volonté politique de contrôler l'évaluation statistique du pays, il n'en reste pas moins que les différentes strates de la bureaucratie, notamment dans les régions, et la transformation rapide de l'économie et de la société chinoise représentent des marges d'erreurs importantes, de l'ordre de 15 % à 20 %, estiment certains experts. « Si l'on agrégeait les taux de croissance qu'annoncent les régions, tenus d'atteindre les objectifs économiques fixés par le pouvoir central, on arriverait à un chiffre qui n'aurait pas grand sens », explique un spécialiste français de la Chine.

Le Bureau des statistiques applique donc une pondération pour approcher de la réalité. « Le PIB est assez fiable, estime ce même expert, en revanche c'est le détail des investissements, de la consommation et des exportations qui fait davantage problème. » Pékin est conscient de cet handicap. Depuis plusieurs années, il a fait appel à des statisticiens, notamment américains, pour adapter son système de données issu de la méthode soviétique aux standards internationaux. Enfin, le pouvoir mesure aussi l'effet catastrophique sur le pays qu'aurait le retrait d'investisseurs ayant perdu confiance s'ils découvraient une totale inadéquation entre statistiques et réalité.

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