L'Afrique, l'eldorado espéré demain, est aujourd'hui une poudrière

De nombreux économistes parient sur un décollage de l'économie africaine. Mais les tensions, émeutes ou assassinats de ces derniers jours, du Niger à la Tunisie et l'Algérie en passant par la Côte d'Ivoire, font peser des doutes sur un tel scénario, au moins à court-moyen terme.
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C'est l'une des thèses à la mode : après les actuels champions des pays émergents désormais émergés, les fameux Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) ainsi baptisés il y a quelques années par la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, souvent visionnaire, viendra le temps de l'Afrique.

Déjà, le continent noir affiche des taux de croissance enviable, de 5% à 10% et davantage dans certains pays. L'Afrique du Sud, malgré sa violence endémique, est l'un des pays qui devrait compter dans le monde au cours de cette décennie. "C'est mon marché le plus porteur" souligne ainsi le responsable Europe-Afrique-Moyen orient d'une des plus grandes sociétés informatiques du monde.

A la recherche de ressources naturelles et de matières premières, la Chine ne s'y trompe pas qui achète toutes les terres disponibles en Afrique - notamment à Madagascar - et pousse ses pions partout, notamment en Afrique du Nord. Pékin a mis au point une stratégie tous azimuts, y compris en implantant des hôpitaux pour mieux séduire les populations. Ces dernières restent pourtant méfiantes face à tout danger à leurs yeux de colonialisme économique après avoir connu celui de l'Occident pendant plusieurs siècles.

Mais quand on regarde l'actualité africaine de ces derniers jours, ce n'est pas la croissance potentielle qui saute aux yeux mais bien les tensions qui continuent à attiser différents pays et hypothèquent un éventuel décollage prochain.  L'Algérie puis la Tunisie ont ainsi été touchées ces derniers jours par des "émeutes de la faim" au cours desquelles des jeunes ont dénoncé la mauvaise répartition des richesseset les pouvoirs autocratiques en place.

Le président tunisien Zine el Abidine Ben Ali devait prononcer ce lundi une allocution télévisée, sa deuxième intervention à la télévision depuis le début des troubles à la mi-décembre, rapporte le journal Assabah. Dans sa première allocution, le chef de l'Etat avait jugé les manifestations violentes inacceptables, estimant qu'elles portaient atteinte aux intérêts de la nation. Le calme est revenu dans l'ensemble lundi après les affrontements des derniers jours, au cours desquels 14 civils au moins ont trouvé la mort selon les autorités.

Dans la capitale Tunis, des étudiants ont organisé une nouvelle marche pour dénoncer les violences policières. Dans les villes de province où ont été signalés des troubles, comme Thala, Kasserine, Seliana, Regueb et Meknassi, des camions de l'armée ont été dépêchés pour renforcer les policiers, ont rapporté des habitants.

ELIMINES FROIDEMENT AU NIGER

Au NIger, où la France est économiquement très présente via l'implantation stratégique du groupe public Areva, champion du nucléaire, qui exploite l'uranium nigérian, la sécurité est menacée. Ce week-end, deux otages français y ont été "éliminés froidement" par leurs ravisseurs, certainement des membres de l'organisation Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a déclaré ce lundi François Fillon.

Le Premier ministre a livré lors de ses voeux à la presse des détails sur le dénouement de la prise d'otages, expliquant notamment que seuls les militaires français étaient intervenus lors de l'assaut final. "Bien sûr, l'enquête sera approfondie et tous les résultats seront communiqués aux familles", a-t-il ajouté avant d'appeler les Français en zone sahélienne à "redoubler de prudence". Le ministre français de la Défense, Alain Juppé, se rend ce lundi à Niamey à la demande du Premier ministre.

"Il portera le témoignage de la fermeté du gouvernement français et de son implication pour la sécurité de nos compatriotes expatriés face au terrorisme", a déclaré François Fillon, qui recevra en soirée les représentants du Parlement pour faire le point sur la situation.

La mort des deux otages porte à trois le nombre de ressortissants français tués au Sahel en l'espace de six mois. En juillet dernier, Aqmi avait annoncé avoir exécuté l'otage français Michel Germaneau en réponse à une opération militaire mauritanienne menée avec l'appui de l'armée française qui n'avait pas permis de libérer cet homme de 78 ans.

En septembre, sept personnes dont cinq Français ont été enlevés à Arlit, dans le nord du Niger. Ils seraient actuellement détenus au Mali. Leur enlèvement a été revendiqué par Aqmi qui, selon François Fillon, est certainement responsable également de l'enlèvement meurtrier de ce week-end au Niger. "On est quasiment sûr que c'était l'Aqmi", a dit le Premier ministre.

LES FRANÇAIS DONNENT L'ASSAUT

Les deux Français, Antoine de Léocour et Vincent Delory, âgés de 25 ans et originaires du nord de la France, ont été enlevés vendredi soir dans un restaurant de Niamey. Les ravisseurs ont aussitôt pris la route du Nord, en direction du Mali, et ont été pris en chasse par des forces nigériennes.

Les militaires français, présents sur place en relation avec la précédente prise d'otages au Niger, ont donné leur appui aux Nigériens et ont repéré les ravisseurs grâce à un avion de reconnaissance. "Ce sont les forces françaises qui sont intervenues dans l'assaut final", a dit le Premier ministre.

Cet épilogue, face à une douzaine de ravisseurs qui ont été soit tués, soit arrêtés, s'est déroulé en territoire malien avec l'autorisation de Bamako, toujours selon François Fillon. Les ravisseurs avaient en effet franchi la frontière, ce que n'ont pas fait les forces nigériennes, a-t-il expliqué. Le Premier ministre s'est montré relativement pessimiste quant au sort des autres otages français enlevés précédemment au Niger. "Toute opération dans l'état actuel des choses semble très, très difficile", a-t-il dit.

François Fillon a dit en revanche avoir bon espoir d'une prochaine libération des otages français détenus en Afghanistan depuis plus d'un an. "Je pense qu'il ne peut y avoir qu'une issue favorable", a-t-il dit. "Les discussions sont très avancées" pour obtenir la libération des journalistes de France 3 Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière.

TENSIONS PERSISTANTES EN COTE D'IVOIRE

Autre pays africain sous forte tension, la Cote d'Ivoire bien sûr où le président Laurent Gbabgo refuse de laisser le pouvoir après des élections aux résultats contestés mais qui auraient vu la victoire de son rival, Alassane Ouattara. Ce dernier, soutenu par la communauté internationale mais retranché dans un hôtel près d'Abidjan, se bat pour défendre ses droits mais refuse d'appeler à une guerre civile. Des missions africaines de bons offices n'ont pu, pour l'instant, déboucher sur des résultats concrets.

LE SOUDAN A SURVEILLER

La liste des pays du Continent où la situation est loin d'être stabilisée s'est donc allongée ces dernières semaines. Et il faudra surveiller de près dans les prochains jours le cas du Soudan où 4 millions de personnes votent cette semaine sur l'indépendance de la région semi-autonome du sud du pays. Un scrutin marqué par des arrières-pensées liées au pétrole dont regorge le sol soudanais, notamment dans le sud.

En tout cas, au moins 36 personnes ont péri dans des affrontements avec des nomades arabes dans la région d'Abyei dans le centre du Soudan, selon des dirigeants de cette région. Elle est habitée par les Dinka Ngok, ethnie liée aux Dinka du Sud-Soudan, et par les nomades arabes Misseriya, originaires du Nord, qui redoutent de perdre leurs terres en cas de passage sous l'autorité du Sud. Les deux parties du Soudan revendiquent Abyei.

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